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« Le système vin-barrique met un trimestre à atteindre l’équilibre », François Litoux-Desrues, directeur R & D de Chêne et Cie

Le service R & D de Chêne et Cie, maison-mère des tonnelleries Taransaud, Canton, Kádár et des bois œnologiques XtraChêne, travaille sur les propriétés des barriques et leurs interactions avec le vin et le chai. Son directeur, François Litoux-Desrues, nous fait part de ses recommandations.

Tant que le vin et la barrique n’ont pas atteint leur équilibre, ils sont très sensibles aux perturbations telles que les courants d’air, la modification de l’hygrométrie, la variation de la température.
Tant que le vin et la barrique n’ont pas atteint leur équilibre, ils sont très sensibles aux perturbations telles que les courants d’air, la modification de l’hygrométrie, la variation de la température.
© Clara de Nadaillac

Comment se comporte une barrique lorsqu’on y entonne le vin ?

Il se passe plusieurs mois avant que l’on atteigne un équilibre dans la barrique ; environ un trimestre. Durant les trente premiers jours, on va avoir une phase de gonflement du bois par le vin. Puis durant les trente à soixante jours suivants, le vin va progressivement coloniser le bois ; c’est l’imprégnation. Lorsque ces deux phases sont terminées, un équilibre se crée. La perméabilité à l’oxygène est alors plus faible.

La perméabilité à l’oxygène d’une barrique varie donc au fil du temps ?

Oui. Plus le vin progresse dans le bois, plus la diffusion d’oxygène chute. La vitesse de diffusion peut ainsi être divisée par 100. Si on veut reproduire l’oxygénation d’un vin avec un autre contenant, c’est pratiquement impossible ; il faudrait changer de contenant à plusieurs reprises.

Doit-on adapter ses pratiques, notamment d’ouillage, en fonction de ces différentes phases ?

Oui, mais les domaines le font déjà empiriquement. Durant le premier mois, il est fréquent de boucher les barriques avec une bonde en verre. Car la barrique étant en phase de gonflement, il faut ajouter fréquemment du vin ; environ une fois par semaine. Puis la phase d’imprégnation démarre. C’est généralement à ce moment que les maîtres de chai troquent la bonde en verre pour une bonde en silicone (ou en bois avec linge), qui ferme de manière hermétique la barrique. À ce stade, les besoins en ouillage sont moindres.

François Litoux-Desrues, directeur R & D de Chêne et Cie, maison-mère des tonnelleries Taransaud, Canton, Kádár et des bois œnologiques XtraChêne. © F. Litoux-Desrues
Selon le chai, l’air ambiant, et si on est sûr d’avoir bien compensé le gonflement, on pourra ouiller toutes les trois ou quatre semaines. Cela laisse le temps d’atteindre l’équilibre. Par ailleurs, nous avons mesuré que lorsqu’une barrique est fermée hermétiquement avec une bonde en silicone, une dépression se crée très vite, et atteint un point d’équilibre au bout d’une semaine à dix jours. Il n’y a pas de creux ; les fonds se déforment et amortissent le phénomène. La dépression freine la diffusion du vin, son évaporation et donc la consume.

Quelles sont les périodes les plus « à risque » lors d’un élevage en barrique ?

Tant que le vin et la barrique n’ont pas atteint leur équilibre, ils sont très sensibles aux perturbations telles que les courants d’air, la modification de l’hygrométrie, la variation de la température. Ainsi, la fin de l’automne, lorsque le froid s’installe, représente une période à risque. Les changements de température et d’hygrométrie qui ont lieu peuvent créer des dépressions trop fortes et engendrer une percolation de l’oxygène par les pores du bois. À l’inverse, en été, lorsque les températures augmentent, le risque d’oxydation est moindre car le volume du vin augmente, donc la dépression s’atténue.

Quelles sont vos recommandations au niveau de la climatisation du chai ?

Contrairement à ce que l’on a longtemps pensé, le bois n’est pas un matériau isolant, mais au contraire conducteur. La moindre variation de température se répercute donc sur le vin. De ce fait, la thermorégulation des chais, qui ne cesse d’ajuster la température, n’est pas l’idéal. Je préconise dans un premier temps d’équiper son chai de rampes de régulation, qui permettent des transitions douces, et non de fronts verticaux.

Par ailleurs, mieux vaut opter pour une corégulation température/hygrométrie que pour un système de climatisation et pour un système d’humidification séparés. Car dans ce dernier cas de figure, la climatisation refroidit et assèche, puis l’humidificateur joue son rôle, ce qui remonte brutalement l’humidité, et ainsi de suite. L’atmosphère du chai fait le yoyo. Enfin, les systèmes qui prennent de l’air de l’extérieur pour climatiser les chais ne sont pas la panacée car ils provoquent aussi des changements importants d’hygrométrie. C’est ainsi que l’on peut se retrouver avec du brouillard dans le chai en plein été.

Quel serait votre dernier conseil ?

Nous faisons l’éloge de la lenteur. Cela implique de maîtriser les transitions et d’éviter les changements brusques au maximum. Par exemple, lorsque le système de climatisation tombe en panne : une fois sa réparation effective, il faut éviter de redescendre trop vite à la température de consigne. Je recommande au contraire d’abaisser la température lentement, sur une semaine, pour éviter de brusquer le vin.

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