Aller au contenu principal

" La polyculture m’apporte beaucoup "

Lucien Rocault gère cent quarante hectares de grandes cultures, en plus de ses vignes. Pour lui, c’est un moyen pour constituer de la trésorerie, mais surtout pour s’ouvrir à de nouvelles réflexions techniques au vignoble.

Lucien Rocault a trouvé son équilibre entre les vignes et les grandes cultures.
© X. Delbecque

Rien ne destinait Lucien Rocault à la culture des céréales et autres grandes cultures. Issu d’une famille de viticulteurs bourguignons, forte de dix-huit générations d’expérience, le jeune homme a toujours su quelle était sa vocation : la vigne. Pourtant, il cultive aujourd’hui près de cent quarante hectares de champs, en plus de ses six hectares de vignes, et n’est pas près de changer. « À la fin de mon BTS Viticulture-Œnologie à Beaune, je suis allé travailler à l’étranger durant deux ans, en Suisse et en Nouvelle-Zélande, pour parfaire mes connaissances dans la vigne et le vin, se remémore le jeune vigneron. Puis à mon retour, j’ai commencé à travailler en tant qu’employé chez mes parents, en hautes-côtes-de-beaune à Baubigny. » Seulement voilà, rester salarié jusqu’à la retraite de ses parents ne l’intéresse guère. Une vision que partagent ses ascendants, qui le poussent à créer son propre domaine pour acquérir de l’expérience dans la gestion d’une entreprise. En 2008, une opportunité s’offre à lui. Celle de reprendre une exploitation du village, comprenant quatre-vingt-quatre ares de hautes-côtes-de-beaune blanc, mais aussi quatre-vingts hectares de champs. « Je n’ai pas hésité, car j’ai toujours été ancré dans le domaine agricole d’une manière générale, assure-t-il. Ma famille a eu des grandes cultures jusqu’en 1986, donc nous avions quelques résidus de matériel. Mais je n’avais pas forcément pour objectif de garder les champs à terme. »

Les champs, véritables laboratoires pour l’agronomie

Rapidement, Lucien Rocault s’aperçoit qu’il tire certains avantages de cette double situation. Il s’inscrit dans un groupe de développement technique de la chambre d’agriculture, afin d’apprendre à gérer son orge, son blé et son colza. Et il y découvre une nouvelle vision de l’agronomie. « Les grandes cultures ont une grosse longueur d’avance par rapport à la viticulture sur ces questions, analyse-t-il. Je me suis rendu compte qu’en vigne nous ne mettons pas assez de moyens sur le sol, qui est tout de même notre premier outil de travail. » Ce sont ces nouvelles réflexions qui l’amènent, par exemple, à se lancer dans les engrais verts dès 2011. Dès lors, les champs deviennent son petit laboratoire. Le jeune vigneron teste de nouvelles espèces et de nouvelles associations. Il regarde le comportement d’une culture en conditions réelles, avant de l’implanter entre ses rangs de vigne. Dernier essai en date, celui du chanvre. « Dans les champs, il s’est révélé être un parfait couvre-sol, qui étouffe les autres plantes. En plus il est facile à détruire, constate-t-il. Je vais donc l’utiliser pour préparer le terrain avant une plantation. » De la même façon, il s’est mis à employer, à la suite de ses observations, de la lentille pour l’inter-rang.

Mais pour Lucien Rocault, ce n’est pas le seul avantage de la polyculture. Il y a aussi l’aspect financier. Le jeune homme vend directement sa récolte à la moisson. Quinze jours après, il perçoit un acompte équivalent à 80 % de la production ; un apport de trésorerie appréciable, au moment de commencer les vendanges. « Cela procure également une certaine stabilité de mon chiffre d’affaires, car il est rare qu’il y ait une mauvaise année pour les deux types de cultures », complète le vigneron.

Un accès facilité au crédit bancaire

Toutefois, il estime que la diversité des sources de revenus ne remplace pas les assurances récoltes, sans lesquelles il aurait déposé le bilan depuis longtemps. Ce flux d’argent, couplé à la sécurité des aides PAC, a permis à Lucien Rocault d’être suivi par les banques. Il a ainsi pu acheter des parcelles de vignes supplémentaires, pour atteindre aujourd’hui six hectares, et réaliser son ambition initiale de devenir vigneron.

Autre bénéfice : il utilise le même matériel pour les deux activités, ce qui lui permet d’être plus rentable, et surtout de l’amortir beaucoup mieux. En effet, ses parcelles de bourgogne et hautes-côtes-de-beaune sont implantées en basse densité (4 000 pieds par hectare) avec un écartement intercep de quatre vingt centimètres et un inter-rang de trois mètres. Il utilise donc un tracteur de série agricole de quatre-vingt-dix chevaux (John Deere 5090R). « Cela fait sourire mes collègues céréaliers, mais c’est suffisant pour mon usage, avoue le vigneron. Il me faut seulement un peu plus de temps pour les travaux. » Et pour les quelques dizaines d’ares de saint-romain plantés en vignes étroites, une chenillette fait l’affaire.

Cette stratégie convient si bien à l’agriculteur, qu’il compte réinvestir dans le même matériel agricole, plus polyvalent et bien moins onéreux qu’un enjambeur. « De plus, en machinisme, les grandes cultures ont encore une fois une longueur d’avance, glisse Lucien Rocault. C’est le secteur qui tire l’agriculture vers des solutions plus économiques et plus respectueuses de l’environnement. »

Des emplois du temps qui se complètent

Son prochain matériel sera d’ailleurs équipé d’un dispositif GPS, pour l’aider à économiser les intrants. Un équipement de précision, qui profitera aussi à la vigne. « Pour moi, l’intérêt de la polyculture réside davantage dans l’ouverture d’esprit que cela procure au niveau des itinéraires techniques et des nouvelles technologies que dans l’aspect économique » admet-il. Il faut dire que même avec les aides de la PAC, les grandes cultures ne sont pas ultra-rentables, surtout avec cette surface. Quant au côté technique, le vigneron continue à se former et se repose beaucoup sur les techniciens. La double casquette ne le gêne guère. « C’est sûr que je dégagerais plus de revenus sur les céréales si j’étais spécialisé, reconnaît-il. Mais je compense grâce au matériel qui est payé par la vigne. » D’ailleurs, Lucien Rocault plaisante volontiers sur son côté schizophrène : un jour il est dans la logique productiviste des grandes cultures et cherche le meilleur itinéraire technico-économique, le lendemain il tombe dans une logique qualitative à forte valorisation.

Question organisation, le jeune homme estime que les deux activités s’accordent plutôt bien. Le seul danger est la superposition des vinifications et des semis, en cas de vendanges tardives. Mais dans l’ensemble, gérer toutes les cultures de front ne cause pas de problème. « Seul, cela commence tout de même à devenir compliqué, notamment à cause de la partie commercialisation du vin, tempère-t-il. C’est souvent mon père qui prépare les semis, et ma femme va me rejoindre pour gérer les aspects administratifs et commerciaux. » Il faut dire qu’il doit gérer aussi une entreprise de négoce qu’il a créée en 2010, afin de diversifier sa gamme et de se développer. Elle lui permet également de vendre un peu de vrac pour la trésorerie et de garder tous ses raisins pour la bouteille.

" Les grandes cultures me tirent vers le haut en termes d’agronomie et de machinisme "
repère

Lucien Rocault à Saint-Romain, en Côte d’Or

Entreprise individuelle et activité de négoce en SARL

Pas d’employé, simplement quelques saisonniers pour les travaux en vert de la vigne et les vendanges, et la moisson en prestation de service

Superficie 6 hectares de vignes et 140 hectares de grandes cultures

Cultures vigne, blé, orge, colza, moutarde et luzerne tous les ans, puis tournesol, chanvre, pois, sainfoin selon les années

AOC bourgogne aligoté, coteaux bourguignons, hautes-côtes-de-beaune, saint-romain

Production 50 000 cols par an. L’activité négoce représente 320 hl par an, dont un tiers est commercialisé en vrac

Chiffre d’affaires 240 000 euros

Gamme 12 produits (4 blancs, 1 rosé, 5 rouges et 2 effervescents)

Les plus lus

Le Skiterre se compose de deux grands skis qui assurent le contrôle de la profondeur et de la position de la lame.
« Le Skiterre, un outil intercep simple et productif »
Vignerons en Anjou, Nicolas et Christophe Moron se sont équipés d’un outil de travail du sol intercep Skiterre.
Vigneron plantant une nouvelle parcelle avec des pieds de Pinot noir dans la vallee de la Marne en AOC Champagne.Droit de plantation.
Quand FranceAgriMer exaspère les viticulteurs

FranceAgriMer joue un rôle essentiel dans l’attribution des aides. Face aux dossiers chronophages, aux contrôles…

Pellenc - Un robot à chenilles dans les vignes

Pellenc dévoile un robot à chenilles pour les vignes, le RX-20.

Le Dyna-Drive est un outil de travail du sol auto-animé réalisant un mulchage en superficie.
« Le Bomford Dyna-Drive est un outil interrang entre le rolofaca et le rotavator »

Jérôme O’Kelly utilise depuis quatre ans un outil de travail du sol auto-animé.

Le Biogel d’AquaGreen Protect est pulvérisé sur la vigne sous forme de mousse. En séchant, cette dernière protégerait la vigne du gel.
Lutte contre le gel de la vigne : deux nouveaux produits un peu givrés

Deux firmes viennent de lancer des produits visant à lutter contre le gel de la vigne via la création d’une gangue protectrice…

Chargement d'un camion citerne de la coopérative viticole CRVC (Coopérative régionale des vins de Champagne) enlèvement d'une cuvée chez un vigneron adhérent durant les ...
Vin en vrac acheté à prix abusivement bas : que peut changer la condamnation de deux négociants bordelais

En pleine crise viticole, un jugement se basant en partie sur un article issu de la loi Egalim vient de condamner deux…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Vigne
Consultez les revues Réussir Vigne au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters des filières viticole et vinicole