La conduite des vignes en palmette combine les avantages du gobelet et du cordon
Luc Pélaquié, vigneron dans le Gard, conduit ses vignes à la façon d’un gobelet en éventail, ou d’une palmette. Un moyen de mécaniser tout en optimisant les flux de sève et la végétation.

En flânant autour du petit village de Saint-Victor-la-Coste, dans le Gard, vous verrez probablement des rangs de vignes semblables à des alignements de chandeliers. L’explication se trouve au domaine Pélaquié, où le vigneron, Luc Pélaquié, a adopté la forme gobelet en éventail il y a une vingtaine d’années. Un mode de conduite de la vigne peu répandu, bien qu’ancien, et que l’on peut rencontrer également sous le nom de « palmette » dans d’autres régions. « Je faisais face à des problèmes avec mes cordons de Royat, où, avec le temps, les coursons se retrouvaient entassés au bout du bras et le centre de la souche s’appauvrissait, retrace le vigneron. Créant ainsi une fenêtre au milieu et des paquets de grappes aux extrémités. Ça n’est bon ni pour la qualité sanitaire ni pour l’efficacité des phytos. »
Après quelques lectures et discussions avec un conseiller de la chambre d’agriculture, il est arrivé à la conclusion que le gobelet était la meilleure solution pour optimiser les flux de sève et avoir une végétation régulière. Seulement, son vignoble était déjà conduit sur fils de fer, et le vigneron souhaitait maintenir sa mécanisation. Le gobelet en éventail lui semblait cocher toutes les cases : disposer la végétation de manière plus homogène, assurer un meilleur respect des flux de sève et en même temps être facilement mécanisable.
Attacher en vert à la troisième feuille est indispensable
Luc Pélaquié a donc essayé sur un premier plantier de 0,8 hectare de grenache blanc. « Ça a marché, et ça m’a plu, raconte-t-il. Je trouvais ça beaucoup plus logique que de créer une arcure pour former le cordon, où il y a généralement un petit pincement, plus ou moins important. Pour moi le gobelet en éventail est une forme moins traumatisante. » C’est ainsi qu’il a poursuivi systématiquement à chaque plantation, et sur tous les cépages. Pour établir un cep, il monte une baguette jusqu’au fil en deuxième année, comme il le ferait pour établir un cordon classique. Au printemps suivant, à la troisième feuille, il passe en vert pour attacher les sarments sur le fil porteur et les écarter, à la façon d’un éventail. Une opération indispensable pour lui, sinon les rameaux se cassent, rendant l’établissement en hiver compliqué. Lors de la première taille, il coupe tous les sarments (généralement cinq) à la même hauteur un peu au-dessus du fil. Ainsi l’année suivante il obtient ses coursons alignés qu’il coupe à deux yeux.
« Avec le recul, j’ai l’impression que les vignes tiennent bien dans le temps, l’équilibre me semble intéressant », témoigne le vigneron. Du point de vue des rendements, il ne constate pas de différence par rapport à son ancien mode de conduite. Luc Pélaquié note en revanche que les vignes ainsi conduites sont plus faciles à ébourgeonner, puisqu’il n’y a pas à chercher dans la végétation mais simplement suivre la chandelle. Du point de vue du dépérissement, le vigneron ne saurait se prononcer. « Je n’ai pas planté de parcelle témoin ni réalisé de comptage », confesse-t-il. Mais il assure que lorsqu’un courson meurt, il a vite fait de le remplacer, ce qui n’est pas le cas sur un cordon.
Les outils interceps peuvent être gênés par des bras trop bas
En revanche, il a remarqué que la forme du cep pouvait gêner la mécanisation s’il n’y a pas un minimum de tronc. « Quand on forme l’éventail il ne faut pas partir de trop bas », prévient-il. Autrement cela peut déclencher les tâteurs des outils interceps trop tôt. De même, il a constaté sur sa toute première parcelle que les écailles de la machine à vendanger ne se refermaient pas correctement pour former l’étanchéité car il y avait plusieurs points d’appui.
« Depuis je laisse 20 à 25 centimètres de tronc avant de faire partir les bras, rapporte le vigneron. L’idéal serait que le cahier des charges d’appellation permette de positionner le fil porteur un peu plus haut. » Luc Pélaquié prévient également : c’est un mode de conduite qui est plus onéreux à établir car il faut consacrer davantage de temps à l’attachage des plantiers. Un inconvénient qui, par les temps qui courent, questionne son fils quant aux prochaines plantations…

repères
Domaine Pélaquié
Superficie 85 ha
Dénominations AOP côtes-du-rhône, laudun, lirac, tavel, IGP gard, vin de France
Certification HVE
Encépagement grenache, syrah, mourvèdre, carignan, counoise, grenache blanc, clairette, bourboulenc, roussanne, marsanne
Effectifs 2 associés, 3 salariés + saisonniers
Production 2 500 à 3 000 hl/an
Gamme de 8 à 30 euros
Commercialisation CHR, cavistes, export, GD, vente directe
Quid du cahier des charges d’appellation ?
L’autorisation de la forme en palmette n’est, à notre connaissance, explicitée dans aucun cahier des charges d’appellation. En côtes-de-provence, par exemple, elle est assimilée à une conduite en gobelet, et donc autorisée. C’est également le cas en côtes-du-rhône, où le syndicat prévoit de l’inscrire noir sur blanc dans les modes de conduite autorisés lors de la prochaine révision du cahier des charges.
avis d’expert
Alain Deloire, professeur retraité de Montpellier SupAgro et consultant viticole

Je trouve que ce mode de conduite est intéressant d’un point de vue physiologique. Les coursons ne sont pas alignés sur un même flux, donc si un bras meurt il est plus facile d’en reformer un autre à partir d’un bourgeon. On garde donc l’avantage du gobelet d’un point de vue des flux de sève, à savoir celui d’avoir un bras qui s’allonge. Il y a aussi moins de risque d’entassement par rapport à un cordon qui ne serait pas parfaitement taillé et ébourgeonné. On perd toutefois l’avantage de la configuration en trois dimensions du gobelet, qui permet une protection des grappes vis-à-vis du soleil. Mais c’est pour moi la meilleure façon de mécaniser un gobelet. »