Kinsey-Albrecht, une analyse de sol basée sur les équilibres chimiques
Certains viticulteurs français commencent à s’intéresser à la méthode Kinsey-Albrecht d’analyse des sols. Cette dernière se base non pas sur la quantité des éléments mais sur leur équilibre.
Certains viticulteurs français commencent à s’intéresser à la méthode Kinsey-Albrecht d’analyse des sols. Cette dernière se base non pas sur la quantité des éléments mais sur leur équilibre.
Vous n’en avez peut-être jamais entendu parler, et pourtant la méthode d’analyse de sol appelée « Kinsey-Albrecht » fait de plus en plus d’émules. « Il y a une croissance spectaculaire, je traite maintenant des centaines d’analyses par an », remarque Guillaume Tant, agronome au Cerfrance. Cette méthode, différente de celles habituellement pratiquées, a été développée par William Albrecht, chercheur américain et président du département des sols de l’université du Missouri au milieu du siècle dernier. « À l’origine, ce scientifique a voulu comprendre pourquoi la croissance et la santé des animaux d’élevage étaient différentes en fonction des régions, explique Guillaume Tant. Il a analysé les sols, et s’est rendu compte au fur et à mesure que les sols avaient des équilibres chimiques différents. » William Albrecht s’est alors lancé dans des essais lors desquels il a changé les équilibres minéraux, et a conclu qu’il existait des ratios optimums. L’américain Neil Kinsey, dernier élève de William Albrecht, s’est inspiré de ses travaux pour proposer aujourd’hui une prestation d’analyse de sol basée sur ces équilibres minéraux. Sur un résultat d’analyse, on trouve des valeurs de la CEC (Capacité d’échange cationique), mesurée et maximale, l’équilibre des cations et la quantité des éléments, ainsi que quelques anions et les oligoéléments. « On ne regarde pas tant la quantité des éléments que la relation entre eux », poursuit Alfred Gässler, agriculteur et conseiller en agronomie. Pour arriver à un équilibre idéal, la CEC doit contenir 68 % de calcium, 12 % de magnésium, 4 % de potassium, 1,5 % de sodium et 10 % d’hydrogène. « Il y a également plusieurs ratios à regarder, entre phosphore et potassium, bore et calcium, zinc et phosphore, soufre et potassium…, ajoute Guillaume Tant. Mais surtout entre calcium et magnésium, car le premier fait floculer les argiles, alors que le deuxième les rapproche. » Autrement dit un bon ratio permet d’avoir une bonne distance entre les feuillets d’argile et des caractéristiques physiques optimales.
Une plante dans de meilleures conditions pour améliorer le profil aromatique
« Les propriétés chimiques influent sur celles physique et biologique, détaille Alfred Gässler. Si les feuillets d’argile sont plus écartés, le sol va se dessécher plus rapidement. Au contraire, s’ils sont moins écartés le sol risque de devenir trop humide, avec les risques d’asphyxie et de mauvais fonctionnement biologique que cela implique. » Le respect de ces équilibres permet à la plante d’avoir une meilleure nutrition, et donc une meilleure santé. Ce qui permet d’intervenir moins souvent face aux pathogènes. « Dans les parcelles équilibrées, on observe une pression fongique plus faible et moins de problèmes avec les insectes, relate Guillaume Tant. Sur les pommiers par exemple, cela fait baisser la pression de pucerons. » L’agronome a eu l’occasion d’échanger avec des consultants viticoles en Australie, qui assurent améliorer ainsi le profil aromatique des vins, avec des arômes plus intenses et plus subtils.
La correction des équilibres du sol se fait par des apports d’éléments fertilisants. Cela de façon indépendante de la nutrition azotée. Il faut généralement attendre deux ou trois ans pour voir le changement, au dire des praticiens. Les analyses, qui coûtent entre 70 et 115 euros l’unité, ne sont pas faites en France mais en Angleterre ou aux États-Unis, et respectent une norme particulière. Les deux experts s’accordent pour dire que le plus important est toutefois d’avoir une bonne interprétation. Mais aussi qu’il est important de coupler ces analyses à d’autres investigations sur feuille ou sur sève, pour avoir une approche plus fine et piloter la nutrition. « L’objectif d’une telle démarche est d’optimiser les charges et les rendements, conclut Guillaume Tant. Il y a souvent une dette à payer au démarrage, car il faut combler des manques de fertilisation des années passées, mais en quelques années les coûts de fertilisation chutent en même temps que les rendements s’améliorent. »