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Gel 2021 : les marchés du vin devraient tenir

Le gel 2021 s'est abattu sur les vignes dans un contexte économique bouleversé par la longue crise de Covid-19. Dans la plupart des régions, les stocks devraient permettre de répondre à la demande en cas de faible récolte. Mais ce nouvel épisode climatique renforce les réflexions sur les outils de régulation de mise en marché.

Face à l'ampleur du gel, la priorité est au soutien des exploitations les plus touchées mais la perspective d'une petite récolte 2021 est aussi envisagée sur le plan commercial sur un marché toujours aux prises avec la Covid-19.
© Y. Kerveno

Un volume de récolte à 32 millions d’hectolitres (Mhl), c’est ce qui avait été évoqué pour la production 2021 lors d’un conseil spécialisé vins de FranceAgriMer, quelques semaines après le gel. Prudence avec ce chiffre, indiquait-on alors dans l’attente de voir comment les vignes touchées allaient s’en sortir. N’empêche que la probabilité d’un millésime 2021 de moindre quantité s’est installée dans les têtes, avec les conséquences que cela pourrait avoir pour le marché.

La Covid-19 a créé du stock disponible

Des volumes sont là, constitués par un marché qui tourne au ralenti du fait de l’interminable pandémie avec ses confinements et couvre-feux. « En 2017, on n’avait pas un problème de mévente. C’était le cas avant ce gel », résume Florian Ceschi, manager au sein du cabinet de courtage en vin Ciatti Europe. « L’excédent en rouge, autour de 1,2 Mhl, va être régulé avec les pertes liées au gel. Du coup, le marché sera en équilibre », pronostique Jacques Gravegeal, président du syndicat des vins de pays d’Oc IGP, interviewé par l’hebdomadaire Paysan du Midi début mai.

Même scénario dressé par Philippe Pellaton, président d’Inter Rhône. « Notre niveau de stock est à 17 mois. En juillet 2021, on sera à 12 mois de commercialisation dans les chais. C’est plus important que ces dernières années, mais c’est un atout face à la petite récolte à venir. Nous allons certainement baisser notre stock à 7 mois de commercialisation en juillet 2022, ce qui se rapproche de notre niveau de stock outil. Mais par le passé nous avons déjà eu à gérer une situation bien plus tendue ».

Avec le manque de visibilité qu’implique le contexte Covid-19, pas d’emballement sur les prix pour autant. « Personne ne veut prendre le risque de se couvrir ou de brûler sa trésorerie », prévient Florian Ceschi. Côté mise en marché, il estime que « vendre plus cher, c’est prendre le risque de se couper de certains marchés ».

« Il n’y a pas encore d’affolement sur les prix pour l’instant. Nous sommes habitués à des variations fortes de volume d’une année sur l’autre. Nos types de vins se stockent », lance Christian Vanier, directeur du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB).

Lire aussi notre article sur les ventes de vin en grande distribution en 2020

Le millésime 2020 pour rassurer les marchés

Les 2,6 Mhl partis en distillation sur la campagne 2019-2020, principalement en Languedoc-Roussillon et Aquitaine vont-ils manquer ? Pas pour Florian Ceschi, de Ciatti Europe : « Il y avait des produits qui ne collaient pas à la demande, des millésimes anciens ». Un nouveau besoin de distiller réclamé par certains avant l’arrivée du gel, n’est désormais plus évoqué.

Le millésime 2020, relativement abondant, sera là pour répondre à la demande des marchés. Les acteurs de la filière ne manquent pas d’envoyer ce message. « Le millésime 2020 a été de qualité et de quantité exceptionnelles en Val de Loire. Il devrait permettre de faire la jointure avec la récolte petite ou moyenne de 2021 », considère ainsi Lionel Gosseaume, président d’Interloire, sans éluder le fait que le gel n’a pas frappé partout pareil.

« Les blancs sont très touchés, particulièrement au nord mais 2020 a été une bonne récolte en blanc. On peut répondre à nos marchés », assure Christian Vanier, du BIVB

Jacques Gravegeal estime tout de même que pour les blancs occitans, notamment les sauvignons et les chardonnays, « ça risque d’être plus juste ». Il compte sur la structure de l’offre. « Si la nature est généreuse avec nous en 2022, les rosés et les blancs devront être commercialisés le plus rapidement possible. Ainsi la jonction entre les deux millésimes devrait être faite », espère-t-il.

Apprivoiser les outils de stockage

« Il faut sortir de la logique où l’on doit vendre tout le vin que l’on a produit dans l’année qui suit, estime Lionel Gosseaume. Il faut constituer un stock tampon correspondant à la demande du marché. C’est le travail mené par InterLoire avec de nombreux ODG pour mettre en place des VCI (Volumes complémentaires individuels) et des réserves interprofessionnelles. » Il constate qu’il était encore difficile de faire comprendre pourquoi dans une même appellation on peut être amené à encourager les VCI puis à instaurer une réserve interprofessionnelle pour réguler le marché. Selon lui, de la pédagogie reste à faire pour que les vignerons comme les négociants s’approprient ces différents outils. Il souligne aussi la nécessité de disposer de capacités de stockage pour préserver la qualité des vins.

Réguler collectivement les mises en marché

Lors de l’assemblée générale du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), le 3 mai dernier, Bernard Farges, son président, a estimé qu’il fallait progresser sur la régulation des mises en marchés pour donner de la visibilité à la production et au négoce. « Comment pouvons-nous nous satisfaire de passer d’une situation où notre stock agissait comme un boulet, un stock écrasant nos prix de vente jusqu’au 6 avril avant le gel et une situation, 10 jours plus tard, où ce stock devient une opportunité pour Bordeaux, parce que nos vins à la vente sont bons et que nous pourrons alimenter les marchés ? », a-t-il lancé. Et de citer les modèles champenois ou du cognac comme source d’inspiration. « Plus nous aurons de contrats pluriannuels ou de contrats suivis, plus nous serons en coconstruction des produits, en cogestion de nos marchés et coresponsabilité devant nos distributeurs, plus nos entreprises seront fortes pour surmonter les crises climatiques et les crises économiques. »

Pour Jacques Gravegeal, « la contractualisation, c’est la clé de voûte de la filière Pays d’Oc. Elle permet à l’aval d’avoir une garantie sur les volumes et la qualité, et à l’amont d’avoir l’assurance d’un débouché commercial, une orientation de prix et une garantie de pérennité des exploitations ».

Le plan Gel se met en place

L’annonce d’une aide exceptionnelle d’un milliard d’euros par le Premier ministre Jean Castex moins d’une semaine après l’épisode de gel a enclenché la mise en place d’un plan Gel. À l’heure où nous bouclons ces lignes, voici ce qu’il en est.

Le ministère de l’Agriculture a nommé le 28 avril le préfet Michel Papaud pour coordonner la mise en œuvre du plan Gel. Premier volet de ce plan, les mesures d’urgence. Elles concernent la mise en place d’une année blanche de cotisations, le dégrèvement des taxes foncières sur le non bâti et l’accès aux dispositifs existants d’activité partielle et de prêt garanti par l’État (PGE).

20 M€ d’ores et déjà entre les mains des préfets de département

Le 3 mai, une note publiée au Bulletin officiel du ministère de l’Agriculture indique qu’une enveloppe de 20 millions d’euros (M€) est mise à disposition des préfets de département. Cette somme est réservée « aux exploitations les plus en difficultés touchées par le gel et dont la trésorerie ne permet plus de faire face aux dépenses immédiates nécessaires à la poursuite de l’activité et aux besoins essentiels du foyer ». L’aide repose sur un montant forfaitaire par exploitation. Elle est plafonnée à 5 000 €. Le montant attribué et les critères de priorisation sont entre les mains des préfets. Le second volet concentre les mesures exceptionnelles dont le déplafonnement du régime des calamités agricoles à 40 % et son élargissement à la filière viticole. « Il faudra attendre la fin de la période de récolte pour savoir qui y a accès », a indiqué le cabinet du Ministère lors d’un point presse fin avril.

Premières propositions pour financer l’assurance récolte

Enfin, les mesures visent le doublement de l’enveloppe du plan de Relance dédiée aux investissements dans les équipements de protection contre les aléas climatiques, portée à 140 M€. Et surtout la refonte totale du système d’assurance récolte. Le rapport sur ce sujet, demandé par le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie au député LREM Frédéric Descrozaille, identifie trois sources de financement : la hausse des taxes sur les assurances agricoles, sur les assurances automobile et habitation, ou de la taxe sur les activités polluantes. Dans un entretien accordé à Réussir, Frédéric Descrozaille a jugé « contreproductif » l’idée de rendre l’assurance récolte obligatoire. « Je préfère mille fois qu’on rende le système des assurances attractif », déclarait-il alors. L’assureur Groupama, qui estime à plus de 100 millions d’euros le coût de l’épisode de gel du mois d’avril, s’est dit « favorable » aux propositions du député LREM. « Plus de 80 % de nos assurés en viticulture ont fait une déclaration de sinistres, a indiqué Delphine Létendart, directrice marché agricole de Groupama lors d’une conférence de presse, le 5 mai. Ce qui pour nous représente un peu plus de 100 000 ha de vignes reconnues sinistrées. »

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