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Vins effervescents rosés : trouver la juste teinte

Les rosés effervescents ont le vent en poupe. Mais leur élaboration demande rigueur et technicité, notamment pour affiner la teinte.

Sur le marché des rosés, les effervescents semblent promis à un bel avenir. « Les gens attendent un produit fruité, frais et friand », constate Nicolas François, responsable de l’œnocentre d’Alsace. Outre l’aromatique, la teinte constitue un véritable enjeu pour ces produits. « La tendance est aux rosés de plus en plus pâles. À mon sens, les nuances roses saumonées restent ce qu’il y a de plus élégant pour les crémants », poursuit-il. Pour arriver à un tel résultat, la réflexion commence au vignoble. « L’idéal est de sélectionner des vieilles vignes que l’on peut ébourgeonner pour augmenter la concentration des baies, au détriment du volume », observe Cyril Delannoy, œnologue conseil à la station œnotechnique de Champagne. Les vendanges doivent être réalisées tôt dans la saison pour conserver suffisamment d’acidité. « On peut viser 10 à 11 % du volume d’alcool potentiel mais le critère déterminant reste l’acidité du raisin. Le pH idéal se situe aux alentours de 3-3,10 », ajoute Nicolas François. Un état sanitaire parfait est de rigueur, ainsi que de bonnes conditions de transport au moment des vendanges. « Il est indispensable de ramasser des raisins frais et de ne pas trop les triturer. Le pressoir doit être rempli très rapidement et si ce n’est pas possible, mieux vaut les stocker intacts à l’extérieur en attendant le remplissage », assure-t-il. En amont du pressurage, les professionnels s’entendent sur des macérations courtes au sein même de la cage afin d’obtenir de la couleur sans pour autant extraire trop de tanins. Si l’œnologue champenois recommande une durée de 30 à 48 heures pour la macération préfermentaire, son homologue alsacien se montre quant à lui plus réservé. « Je conseille de partir sur une base de six heures en enzymant, afin de faciliter l’extraction. Il faut tenir compte des conditions du millésime tout en anticipant d’ores et déjà la teinte, ce qui est loin d’être évident », assure-t-il. Autre critère de taille : l’état de maturité des raisins. « Les premières baies récoltées sont les plus acides, il vaut mieux opter pour un pressurage direct. En comparaison, les baies plus tardives et donc plus mûres, peuvent macérer plus longtemps afin d’extraire de la couleur sans aller vers des notes végétales », ajoute-t-il.

Une fermentation alcoolique régulière via la nutrition des levures

Le pressurage constitue une étape clé puisque, là encore, tout est question d’équilibre afin de ne pas trop pousser l’extraction. Bien sûr, il convient de bien protéger les jus obtenus en inertant les cuves de réception, comme le rappelle Cyril Delannoy. « Quand vient l’heure du débourbage, il est également possible de pallier l’oxydation et de limiter les altérations de couleur en utilisant des levures spécifiques inactivées (LSI) enrichies en glutathion », pointe Nicolas François. Après la clarification, l’œnologue alsacien insiste sur le bon déroulé de la fermentation alcoolique (FA), qui se doit d’être régulière. Il recommande donc de levurer et de suivre de près la nutrition organique des levures. Côté température, il préconise une plage de 15 à 18 °C. « Si l’on descend plus bas, on risque de se retrouver avec des notes amyliques. Or pour le crémant, il vaut mieux éviter d’avoir des arômes trop marqués (amyliques ou thiolés), qui risquent d’engendrer des déviations organoleptiques au moment de la prise de mousse. Il est préférable d’opter pour des jus tout en finesse », constate-t-il. En fin de FA se pose toujours la problématique de la malo « qui n’est pas obligatoire », selon Cyril Delannoy. Elle est, d’après lui, plus caractéristique des rosés d’assemblage (voir encadré).

Anticiper pour trouver la teinte idéale

La teinte, quant à elle, doit être réfléchie en amont du tirage. « Il faut anticiper la perte d’intensité colorante qui va advenir durant l’élevage sur lattes mais aussi au moment de la prise de mousse, car les levures fixent une partie de la matière colorante », prévient Nicolas François. Il conseille donc d’assembler les différents jus avant tirage afin d’obtenir la couleur adéquate. Et dans ce cas-là, pas de règle absolue, seule l’expérience du vinificateur compte. Cependant, il est toujours possible de procéder à un léger ajustement au moment du dégorgement. « Le choix d’une liqueur plus ou moins teintée permet parfois de redonner un petit coup de peps à la teinte », poursuit l’œnologue alsacien. En Provence, les techniciens ont développé leur propre méthode pour lancer la prise de mousse sur les rosés effervescents. « Le raisin est récolté à 12-13 % vol., comme pour un rosé classique, mais on conserve une partie du moût que l’on va stocker au congélateur », explique Julien Brochet, œnologue consultant à l’ICV de Provence. Ce moût non fermenté est ensuite utilisé comme liqueur de tirage. « Cela évite toute augmentation du degré alcoolique au moment de la prise de mousse. Ainsi, nous pouvons pousser la maturité lors des vendanges, pour avoir des jus plus expressifs », souligne-t-il. Au niveau aromatique, ce procédé semble faire ressortir les arômes amyliques, au détriment des thiols. « Ces notes ont tout de même tendance à s’estomper un peu au cours du vieillissement sur lattes », constate Julien Brochet. Pour ce qui est de l’élevage, la durée varie en fonction des appellations même si, de manière générale, le vieillissement des rosés sur lattes n’est pas très long, selon Nicolas François. « L’objectif est de garder de la fraîcheur ainsi qu’un côté friand avec des arômes de petits fruits rouges », indique-t-il. Enfin, le choix de la bouteille est plus important qu’il n’y paraît. « Le gros souci des rosés reste la bouteille blanche. Même si c’est ce que veut le consommateur, cela provoque souvent d’importants problèmes de couleurs selon la lumière », argue Nicolas François. Quoi qu’il en soit, en matière de marketing, le rosé effervescent semble répondre à ses propres codes, notamment en Provence. « Sur les produits effervescents, nous adoptons vraiment la même stratégie qu’avec les rosés secs, en optant pour des bouteilles très marketées et très modernes », affirme Julien Brochet.

comprendre

Des rosés d’assemblage pour affiner le produit

L’assemblage de vins de base blancs et rouges reste aujourd’hui limité aux champagnes et aux crémants de bordeaux. « Pourtant, cette méthode nous permettrait d’éviter bien des écueils, notamment au moment du vieillissement », regrette Nicolas François, responsable de l’œnocentre d’Alsace. Cette méthode permet en effet d’affiner la teinte, mais aussi l’aromatique, comme le confirme Cyril Delannoy, de la station œnotechnique de Champagne. « Aujourd’hui, je pense que 70 % des opérateurs champenois procèdent de la sorte », estime-t-il.

témoignage
Jean-Yves Lebreton, vigneron au domaine des Rochelles à Saint-Jean-des-Mauvrets dans le Maine-et-Loire

« Un crémant fruité, à bulles très fines »

« Nous élaborons notre crémant rosé avec 90 % de pinot noir et 10 % de grolleau. Les raisins sont vendangés en cagettes entre 10 et 11,5 % du volume d’alcool potentiel, afin d’obtenir un vin de base rond et peu acide. La vendange n’est pas sulfitée, en revanche, les cuves de réception du jus sont inertées au gaz carbonique. À l’arrivée au chai, les baies sont pressées directement, sans macération. Je récupère tous les jus, y compris les presses afin d’avoir un peu de couleur. La fermentation alcoolique (FA) se fait ensuite en levures indigènes, entre 10 et 15 °C. Nous ne voulons pas effectuer de malo, nous sulfitons donc après FA à 2-3 g/hl. Le vin est ensuite stocké à 10 °C. Au moment du tirage, nous remontons les températures à 14-15 °C pour lancer la deuxième fermentation. Il est important que la prise de mousse se fasse dans les trois semaines pour avoir une bulle fine. Une fois la fermentation terminée, le vin est conservé à 12 °C pour un vieillissement sur lattes d’au moins un an et demi. Nous dégorgeons ensuite au fur et à mesure des besoins. Notre but est vraiment d’obtenir un crémant fruité, avec une bulle très fine. Nous avons lancé cette cuvée il y a cinq ans et elle représente aujourd’hui entre 3 500 et 4 000 bouteilles. Nous avons trouvé un vrai public. »

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