Des barriques low cost pour élever ses vins à moindre coût
Plusieurs tonneliers ont développé des offres de barriques à moindre coût. Voici ce qu’en pensent leurs utilisateurs.
Plusieurs tonneliers ont développé des offres de barriques à moindre coût. Voici ce qu’en pensent leurs utilisateurs.
Les tonnelleries lancent des offres de barriques à moindres prix, afin que les vignerons puissent continuer à élever leurs vins sous bois malgré la crise.
C’est le cas de la Tonnellerie du Sud-Ouest (TSO), basée à Gaillac dans le Tarn, avec sa solution Double Eco. Cette dernière consiste à régénérer le bois des barriques de trois à cinq vins selon un procédé breveté comprenant entre autres un rabotage, un passage aux ultrasons et une chauffe, pour qu’elles puissent repartir pour trois à cinq ans de plus. Hervé Grandeau, vigneron au Château Lauduc, à Tresses, en Gironde, applique cette solution depuis un an sur ses barriques. Et il en est pour le moment très satisfait. « Je me suis intéressé à la Double Eco pour des questions d’économies financières, relate-t-il. Mais au-delà de cet avantage, il y a un intérêt écologique indéniable : on coupe moins de chênes et on génère moins de déchets de barriques usagées. » Avec le côté satisfaisant de faire durer son outil de production plus longtemps.
Moins de 500 euros la barrique de 400 litres
Il y a un an, il a donc envoyé 40 barriques de 400 litres ayant reçu quatre vins à Gaillac, via un transporteur. Leur régénération à la TSO a duré environ un mois au bout duquel il a refait passer un transporteur pour récupérer son lot. Tout compris, l’opération lui est revenue à moins de 500 euros la barrique, contre minimum 1 000 euros pour une neuve. Pour un résultat « très encourageant ». Hervé Grandeau y a entonné son rouge du millésime 2022 (merlot, cabernet et malbec) en décembre pour un élevage. « Nous avons réalisé une première dégustation comparative en mai 2023, et la Double Eco est bien sortie », rapporte-t-il.
Même s’il attend d’avoir davantage de recul et d’avoir effectué une seconde dégustation, il a réitéré l’opération cette année. Il a envoyé 12 barriques, toujours de 400 litres, datant de 2017, un à deux mois avant les vendanges, à la TSO, afin de vinifier ses blancs 2023 dedans. « Nous les avons eues début septembre, témoigne Hervé Grandeau. On ne voit pas du tout qu’elles ont contenu du rouge, c’est très bien. Pour le moment, tout s’est bien déroulé même s’il est encore trop tôt pour goûter le résultat final. » Le vigneron n’a pas eu de problèmes de déviations ou de fuites. « Elles sont comme neuves », observe-t-il.
Aucun problème microbiologique ou physique
Même échos à la cave coopérative de Labastide, à Labastide de Lévis, dans le Tarn. Le directeur technique, Erwan Bordier-Monteiro est conquis par la Double Eco, qu’il a commencé à tester sur du blanc en 2022. La tonnellerie lui a mis à disposition 3 barriques Double Eco de 225 litres, qui avaient reçu du rouge. « J’y ai entonné du loin de l’œil en octobre pour l’élevage, se remémore-t-il. Depuis, nous l’avons dégusté quatre à cinq fois et il ressort très bien. Il a gagné en fruits à chair blanche, alors qu’habituellement, c’est plutôt un cépage minéral. » Il n’a constaté aucun problème que ce soit d’ordre microbiologique (absence de déviations) ou mécanique (pas de fuites). Tant et si bien que cette année, il a commandé une vingtaine de Double Eco pour l’élevage de ses rouges et a envoyé 5 vieilles barriques de 2016 à la TSO pour leur faire appliquer le traitement Double Eco, en vue d’y entonner du gaillac doux. Étant à proximité de la tonnellerie, il n’a pas eu à affréter de transporteur ; le personnel de chez TSO s’est chargé de venir récupérer les pièces.
Erwan Bordier-Monteiro apprécie le fait de pouvoir remettre en service des vieilles barriques qu’il a sur son parc. « Nous sommes dans une démarche de RSE à la cave, et la Double Eco va dans ce sens », note-t-il. Quant à l’aspect financier, il est plus que positif : « les barriques me reviennent 40 % moins cher que des neuves », calcule-t-il.
Une marketplace pour les fûts d’occasion avec Reoaked
La tonnellerie Baron a pour sa part lancé Reoaked début 2023. Il s’agit d’une marketplace permettant d’estimer le prix, de vendre et d’acquérir des barriques d’occasion, avec une expertise olfactive, visuelle, voire analytique, garantissant le bon état des pièces achetées, et une prise en charge du transport. Là aussi, l’argument financier fait mouche. Une cliente du Bordelais, souhaitant rester anonyme, indique avoir acquis de nombreuses barriques par la plateforme, pour des tarifs avantageux. « En neuf, une barrique vaut entre 700 et 1 000 euros, cite-t-elle. D’occasion, cela s’échelonne entre 80 et 300 voire 400 euros. »
Elle estime que la plateforme fonctionne très bien. « C’est un peu plus cher d’acheter par ce biais qu’en direct, admet-elle, mais si on prend en compte le temps passé à négocier, à se rendre sur place pour rien, à organiser le transport, etc., on s’y retrouve. » Et c’est également l’avis des vendeurs. Le Château Moncets & Chambrun, à Néac en Gironde, a de suite été séduit par ce concept. « Depuis cinq ans, nous passions par la société de leasing H & A pour nos achats de barriques, plante Julien Noël, directeur du château. Or en 2021, nous avons perdu pratiquement toute notre production. Et nous avons dû payer les barriques comme si nous les avions utilisées alors que nous n’avions pas de vin à mettre dedans. »
Possibilité de mettre en vente avant le soutirage
Le château a alors pris la décision d’acheter les barriques, de les passer en immobilisation et de les revendre. Et pour cela, la plateforme s’est révélée bien utile. « Nous avons vendu un lot de 30 barriques en deux ou trois mois, témoigne Bruno Chaminade, le maître de chai, avec une bonne valorisation. » Un délai qui s’est avéré encore plus court pour Kristell Bertaud du Chazaud, œnologue au Domaine La Croix Belle, à Puissalicon, dans l’Hérault. Son lot de 10 barriques de quatre à cinq vins blancs a trouvé preneur deux ou trois semaines après la publication de l’annonce.
Tant le directeur que le maître de chai du Château Moncets & Chambrun voient une foule d’avantages à cette plateforme. Tout d’abord, la vente s’effectue rapidement, puisqu’on peut mettre les barriques en vente avant qu’elles ne soient vides, en précisant la date du soutirage. « Nous avons déjà publié une annonce pour les 60 barriques qui seront disponibles début janvier, illustre le maître de chai. Et sur les 60, 10 sont déjà vendues. » Autre atout : l’économie de temps, le domaine n’ayant pas à rechercher d’acheteur ni à gérer la logistique du transport. Un avantage également souligné par Kristell Bertaud du Chazaud. Par ailleurs, « la prise de risque financière sur l’achat est aussi minimale, poursuit le directeur. On sait qu’on va vendre par exemple 200 à 220 euros une barrique, ce qui permet de prendre en compte cette enveloppe lors de l’achat de barriques annuel. » Les utilisateurs pointent également le fait que la marketplace permet de toucher beaucoup plus de personnes, sur une zone bien plus étendue que leboncoin.
Le Wilfa, pour raboter barriques et prix
La Tonnellerie Navarre, sise à Saint-Sulpice-de-Cognac, en Charente, propose tant des barriques d’occasion que des reconditionnées, et achète des barriques auprès des vignerons. « Pour l’an prochain, nous prévoyons d’acquérir entre 7 500 et 10 000 barriques », annonce Paul Boitard, responsable technico-commercial fûts, barriques neuves-occasions ou reconditionnées de la Tonnellerie. S’il n’avance aucun prix d’achat, ce dernier variant selon l’année de la barrique, son état de conservation ou encore sa localisation, le responsable souligne que ce service permet de trouver une destination pour les barriques usagées.
La Tonnellerie offre également un service de reconditionnement des fûts par rabotage, nommé Wilfa. Ainsi traitée, une barrique de 225 litres coûte environ 250 euros, quand elle en vaut au moins 600 neuve.