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Cadmium : quel rôle des engrais dans la contamination des sols agricoles ?

Si les engrais phosphatés ont un rôle dans la contamination des sols agricoles au cadmium, d’autres facteurs comme la pollution atmosphérique contribuent à la présence du métal lourd cancérogène et à l’exposition des populations, rappelle Thibault Sterckeman, chercheur à l’Inrae et à l’Université de Lorraine à Reussir.fr.

Image d'un champ depuis un tracteur lors d'un apport d'azote sur du blé.
D’autres facteurs que les engrais phosphatés expliquent la présence du cadmium dans les sols agricoles.
© L'Agriculteur Normand

[Mis à jour le 21/06/2025]

Suite à l’alerte début juin des médecins libéraux sur l’imprégnation des Français au cadmium,ce métal lourd cancérogène, les engrais phosphatés utilisés en agriculture ont fait l’objet de divers débats. Ces engrais phosphatés, utiles pour les apports de phosphores dans les cultures, contiennent en effet des traces du métal toxique. Comme rappelé par nos collègues d’Agra Presse, la réglementation européenne impose d’ailleurs un taux maximal de cadmium de 60 milligrammes par kilogramme (mg/kg) d'engrais phosphaté depuis juillet 2022. 

Lire aussi : Contamination des Français au cadmium et au cuivre : le bio impliqué mais pas seulement

La pollution atmosphérique, autre source de contamination des sols agricoles

Toutefois, d’autres facteurs expliquent la présence du cadmium dans les sols agricoles. Dans la couche de labour où se situe l’essentiel des racines, la moitié du métal lourd est « d’origine naturelle et provient de la roche dans laquelle le sol est développé », explique Thibault Sterckeman, chercheur à l’Inrae et à l’Université de Lorraine à Reussir.fr. Auteur principal d’une étude sur le cadmium dans les sols français et publiée en 2018 dans la revue Science of the Total Environment, il précise que cette origine naturelle du métal lourd est variable selon les types sols et peut être plus importante notamment dans les sols calcaires.

Lire aussi : « Les vins français ne représentent pas de danger vis-à-vis du cadmium » assure Matthieu Dubernet

« L'autre moitié qui est d'origine humaine, ce sont les pollutions atmosphériques de la révolution industrielle […], les recyclages des boues de stations d'épuration qui étaient à un moment donné relativement chargés en cadmium [...] et, effectivement, les engrais phosphatés, surtout après la deuxième Guerre mondiale », explique Thibault Sterckeman. Depuis, l'apport d'engrais phosphatés en agriculture a beaucoup diminué, et ils ne peuvent à eux seuls être la cause de la contamination observée selon le chercheur. La pollution atmosphérique y joue aussi un rôle. Quant au fumier et aux composts, les doses de cadmium apportées « ne sont pas si importantes », soutient-il. 
 

Pourquoi le cadmium persiste-t-il dans les sols ?

Cette persistance du cadmium s’explique par les faibles taux de sortie du métal des sols agricoles. Et ce, pour deux raisons. D’une part, « la plante n’absorbe que peu de cadmium […] vis-à-vis de ce qu'il y a dans le sol », explique le chercheur. Et d’autre part, le cadmium part peu avec les eaux percolantes. Au global, la quantité de cadmium qui sort « est plus faible que celle qui rentre », c’est-à-dire qu’« on a tendance à enrichir les sols » avec les engrais phosphatés, explique Thibault Sterckeman. 

Toutefois, la réduction d’utilisation de ces engrais n’aurait que peu d’effets dans les décennies à venir sur les taux de cadmium des sols agricoles français selon le chercheur. Son étude a en effet modélisé l’impact des changements de pratiques agricoles sur le cadmium présent dans le sol. Elle montre que la combinaison de « bonnes pratiques de fertilisation phosphatée » et de la limitation de la teneur en cadmium dans les engrais phosphatés entraînerait une diminution de 3,0 % à 5,2 % de la teneur du métal dans les sols en un siècle. « Il faut relativiser la contribution des engrais […] mais ce n'est pas pour ça qu'il faut continuer à mettre du cadmium avec », prévient le chercheur. 

Lire aussi : La Commission européenne propose de taxer les engrais russes

Les amendements organiques, une des solutions pour limiter l’accumulation du cadmium dans les plantes 

Pour éviter l’exposition des populations au cadmium par l’alimentation, Thibault Sterckeman et ses collègues appellent donc à l’adoption de pratiques réduisant l’absorption du cadmium par les plantes. Notamment, il recommande de limiter l’acidification des sols par des chaulages, et en réduisant l’utilisation d’engrais azotés acidifiants. Le chercheur incite à apporter de la matière organique comme du fumier, des déchets organiques ou du compost. « L’humus retient bien le cadmium […] et c’est recommandé contre tous les métaux en traces » soutient-il. La recherche scientifique travaille aussi sur des variétés de plantes accumulant moins le cadmium

Lire aussi : Glyphosate, néonicotinoïdes, cadmium : quelles sont les substances étudiées dans l’enquête de santé publique Albane ?

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