Vers une sélection des truies sur leur posture en maternité
Le suivi de l’activité des truies en maternité peut être automatisé en élevage grâce à des caméras et à l’intelligence artificielle. Il offre de nouvelles perspectives pour la sélection du comportement maternel.
Le suivi de l’activité des truies en maternité peut être automatisé en élevage grâce à des caméras et à l’intelligence artificielle. Il offre de nouvelles perspectives pour la sélection du comportement maternel.


Le projet Actae, soutenu par l’Ifip Alliance R & D et Inrae, a été mené afin de sélectionner les truies sur leur comportement maternel.
Ce comportement est mesuré par l’utilisation de caméras connectées à des micro-ordinateurs. Elles permettent de l’analyser dans des cases bloquées de dix élevages de sélection à partir d’images enregistrées autour de la mise bas. L’objectif est de faire un lien entre ce comportement et le nombre de porcelets écrasés grâce à l’intelligence artificielle. Les dispositifs installés pendant le projet, ont permis l’acquisition des données de 264 truies pendant leur séjour en maternité.
L’ordinateur détermine la posture des truies
La conduite en case bloquée limite l’activité des truies à certaines postures.
Au total, huit postures peuvent être considérées : debout, à genou, assis, couché ventre, couché latéralement sur son côté droit ou gauche ou couché avec la mamelle accessible sur son côté droit ou gauche. Différents indicateurs peuvent être calculés, tels que le temps passé dans chaque posture ou le nombre de changement de posture journalier sur l’ensemble de la période d’allaitement.

Dans cette configuration (grand nombre d’animaux à suivre individuellement, période de mesure longue et plusieurs indicateurs), il est essentiel de s’appuyer sur un outil permettant d’acquérir ces phénotypes de façon automatisée. Le dispositif MoSBReal (conçu dans le projet Actae) permet d’acquérir ces données de façon automatisée, par la captation vidéo couplée à l’usage de l’intelligence artificielle (IA) au travers des algorithmes de classification des images. Si on considère chaque posture de la truie comme une classe différente, l’IA une fois entraînée sur des images préalablement classées à dire d’expert, sera en mesure d’identifier chacune des postures.
Un outil facile d’utilisation

Le cahier des charges de l’outil comprenait la création d’un boîtier étanche (ammoniac, poussière et humidité) permettant sa mise en service en élevage. Il fallait aussi qu’il soit facile à installer et à utiliser dans toutes les dispositions de maternité. D’autre part l’ordinateur doit intégrer un logiciel capable d’enregistrer en temps réel la posture des truies suivies. Le dispositif final est donc composé d’un boîtier avec un micro-ordinateur, deux caméras (pour le suivi de deux truies simultanément) et un ensemble d’attaches permettant de fixer l’ensemble en hauteur. Afin de faciliter le paramétrage des dispositifs, il est possible de se connecter à ceux-ci sans fil et sans connexion internet. Pour les changements de postures, un programme informatique se charge de prendre une photo toutes les 30 secondes et d’estimer la posture de la truie. L’option d’enregistrement vidéo quant à elle, permet d’envisager l’utilisation des séquences pour l’acquisition de nouveaux phénotypes.

Un modèle performant et généralisable
Au total, 188 648 images ont été classées manuellement afin d’entrainer le modèle d’IA à reconnaître chaque posture. Cette étape préalable a permis au modèle de déterminer les formes et caractéristiques spécifiques à chaque catégorie d’image. L’entraînement de l’algorithme a été fait sur la base de 154 780 images provenant de 252 truies de neuf élevages de sélection. Ensuite, les performances de l’algorithme ont été testées sur 13 809 images issues de douze truies élevées dans des nouvelles maternités. Ces images sont issues de dispositifs installés en élevage à la fin du projet. Cette configuration permet de valider le modèle dans différentes configurations de maternités et dans des conditions d’utilisation réelles. C’est-à-dire lors d’une installation dans un élevage n’ayant pas été utilisé pour la conception du logiciel. Sur de nouveaux élevages, l’IA prédit la bonne posture dans 92 % des cas. C’est un très bon résultat. Par ailleurs la capacité de l’algorithme à reconnaître la posture de truies dans un élevage où les truies sont moins visibles à cause d’une moindre qualité d’image (luminosité et angle de vue des caméras) reste inchangée. La plupart des erreurs proviennent de la confusion entre les postures, couché sur le ventre et couchés latéraux. La qualité des résultats de prédiction est grandement due à la diversité présente dans la base de données (nombre d’élevages et nombre d’individus), la quantité d’images utilisées pour l’entraînement, mais aussi grâce à la bonne optimisation de l’algorithme de classification. L’enregistrement de nouvelles truies en routine permettra entre autres d’étudier plus en détail les liens entre activité de la truie et la mortalité des porcelets. In fine, elle permettra l’étude du déterminisme génétique associé au comportement des truies en maternité.
Juliette Magadray, juliette.magadray@ifip.asso.fr
Repères
Actae
Projet porté par l’Inrae qui réunit Alliance R & D (association regroupant les entreprises de sélection Axiom, Nucléus et Choice Genetics) et l’Ifip. Son but est de créer un outil de suivi de l’activité des truies en maternité bloquées en s’appuyant sur un algorithme de Deep Learning et de le tester chez les entreprises de sélection françaises. Ce projet a été rallongé en 2024 pour arriver à un outil fiable, facile d’utilisation et complet (MoSBReal) afin qu’il puisse être déployé dans tous types d’élevages de sélection pour de la collecte de données. Actae a été cofinancé par Inrae et Alliance R & D, avec le soutien des sélectionneurs et des techniciens.
Guillaume Lenoir directeur génétique d’Axiom
Un projet novateur pour sélectionner des truies du futur
« Dans ce projet, il y avait deux objectifs extrêmement importants. Le premier était la création d’un dispositif de suivi par caméra automatique. Jusqu’alors, toutes les solutions testées n’étaient pas optimisées pour des contraintes d’élevage, à cause notamment d’un câblage trop important. Ici nous sommes arrivés à un outil avec une interface facile d’utilisation pour les techniciens et les éleveurs, robuste (14 mois d’utilisation), à un coût maîtrisé. Le second est l’algorithme. Nous avons réussi, avec un très gros jeu de données, à créer un algorithme fiable sur des positions fines dans des milieux différents (configuration de maternité et angle de vue), ce qui est rare. Il reste désormais un travail à faire sur l’aspect génétique en recherchant comment utiliser les postures pour réduire les pertes au sevrage et détecter des truies adaptées à différents types de cases. »