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L’agriculture n’est plus l’apanage des seuls agriculteurs, selon François Purseigle et Bertrand Hervieu

Dans leur livre « Une agriculture sans agriculteurs » édité par Les Presses de SiencePo, François Purseigle et Bertrand Hervieu brossent le portrait d’une agriculture française aux multiples facettes, souvent bien éloignée de l’image que professionnels et grand public s’en font.

purseigle
© Les Presses Sciences Po

"Une agriculture sans agriculteurs" : avec ce titre choc, François Purseigle, professeur en sociologie et directeur du département de sciences économiques, sociales et de gestions de l’Ecole nationale supérieure agronomique de Toulouse et Bertrand Hervieu, sociologue, ancien directeur de recherche au CNRS et ancien président de l’Inrae, inspecteur général de l’agriculture honoraire, appellent à la réflexion sur le modèle agricole. Ou plutôt sur les modèles car l’agriculture est devenue multiple. Le capital et le travail agricoles s’organisent de façons nouvelles et diverses. Bien que l’idée soit difficilement acceptée, l’image de l’agriculture familiale s’efface.

« Ainsi, à côté d’agricultures familiales en forte recomposition, apparaissent des agricultures financières et marchandes sans « agriculteurs », à proprement parler, tandis que prolifèrent les paysans sans terre » écrivent les auteurs qui parlent de « révolution indicible ».

« Les syndicats agricoles sont entre opposition et déni »

L’éventualité que les agriculteurs puissent perdre la maîtrise de l’activité de production agricole et du capital foncier est aujourd’hui souvent mal vécue. Pour les auteurs, les syndicats sont entre opposition et déni, ils écrivent : « Les organisations professionnelles agricoles regardent l’agriculture avant tout comme elles la souhaitent et non comme elle est. Des souhaits qui ne s’accordent pas toujours avec les transformations de l’entreprise et de la production agricole observables sur le terrain ».

Du côté de l’opinion publique, les auteurs notent des incompréhensions puisqu’une « large majorité de la population française découvre et rejette l’existence d’exploitations qui empruntent au secteur industriel leurs formes de concentration et d’organisation mises en œuvre au nom de la compétitivité et de la baisse des coûts de production (…) mais que beaucoup n’en sont pas moins consommateurs de denrées alimentaires peu chères produites ou transformées industriellement en France ou à l’étranger ».

Repositionnement des agriculteurs au sein de la société française

François Purseigle et Bertrand Hervieu constatent « l’embarras de la classe politique face au développement de l’agriculture de firme » et certaines « hésitations » de la part des chercheurs vis-à-vis de ces nouvelles formes d’entreprise de production agricole impliquant des investisseurs extérieurs au secteur de l’agriculture. Et qu’en est-il des agriculteurs ? Un premier constat s’impose : les aspirations d’autonomie des individus dans le travail et dans leur vie quotidienne ne sont aujourd’hui plus les mêmes que jadis.

Les auteurs estiment qu’il existe « une grave crise du statut d’agriculteur dans nos sociétés post-modernes ». Pour eux, la recomposition de l’exercice du métier d’agriculteur et le bouleversement des modalités de production agricole induisent un repositionnement des agriculteurs au sein de la société française, y compris dans les territoires ruraux où ils sont devenus minoritaires.

« Nommer précisément les producteurs agricoles »

L’arrivée des néo-ruraux et l’explosion de la fonction résidentielle des communes rurales changent le regard collectif sur ces espaces et l’usage qui en est fait. « La prise en compte de cette condition minoritaire, renforcée par les mises en cause des pratiques culturales et d’élevage au  nom de la préservation de l’environnement, de la santé et du bien-être animal, est extrêmement douloureuse pour les intéressés » soulignent les auteurs.

Avec en toile de fond l’effondrement démographique du secteur et le changement climatique, le monde agricole vit souvent difficilement toutes ces mutations inéluctables. Pour y faire face, les auteurs concluent : « Un nouveau chapitre de l’agriculture s’est ouvert. Pour le penser et l’écrire, il nous faudra parvenir à nommer précisément les producteurs agricoles dans leur diversité et à considérer leurs capacités plurielles à prendre part à cette histoire ».

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