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Un Plan pollinisateurs jugé trop précipité : le Gouvernement modifie son calendrier

Le Plan pollinisateurs présenté le 18 décembre par les ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture suscite interrogations et insatisfactions de la part des professionnels de l'agriculture. Le lancement de la consultation publique sur l’arrêté « abeille » révisé, auparavant prévue pour la fin décembre, a été repoussé au début de l'année et le texte officiel ne sera pas publié avant fin mars.

© Gilles San Martin / flickr

Le Plan pollinisateurs a été présenté le 18 décembre aux représentants des producteurs agricoles (dont la FOP, CGB, la section apicole de la FNSEA…) et différentes associations. Le plan comporte quatre axes majeurs : améliorer la connaissance sur les pollinisateurs, mobiliser les leviers économiques, lutter contre les agresseurs et protéger les pollinisateurs des produits phytosanitaires. Mais les grandes lignes proposées par les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique soulèvent beaucoup d’interrogations et peu de satisfactions.

« Tout ce qui a été cité existe déjà », regrette Franck Alétru, président du Syndicat national d'apiculture (SNA). Le plan évoque notamment des pistes de recherches déjà explorées par l’Inrae, ou encore un plan Varroa, que les apiculteurs demandent de longue date. La principale nouveauté viendra du dernier volet, comprenant la révision de l’arrêté abeille et des lignes directrices de l’Efsa, l’Autorité européenne de sécurité des aliments.

Une mention « abeille » pour les fongicides et herbicides

Le document de travail remis aux participants confirme que la mention « abeille » sera bien étendue progressivement à tous les fongicides et herbicides, conformément à l’avis de l’Anses. L’une des voies consisterait à imposer aux fabricants de produits phytosanitaires de remettre de nouvelles données sous 18 mois à compter de la promulgation du texte. L’autre suivrait le calendrier de renouvellement des autorisations de mise en marché (AMM) des produits. En cas d’absence de solution en période de floraison pour une culture et un « agresseur », les ministères envisageraient des dérogations. « Un dispositif reposant sur des dérogations sera une source d’insécurité juridique. La discussion doit avoir lieu au niveau européen », prévient Eugenia Pommaret, directrice de l’UIPP (syndicat des fabricants de produitsphytosanitaires). « Il n’y a aucune visibilité sur les moyens », regrette Eric Lelong, président de l’interprofession apicole et responsable de la filière pour la FNSEA. « J’en suis au moins à mon troisième plan pollinisateurs depuis 2007, avec les beaux résultats qu’on connaît », ironise quant à elle Claudine Joly, en charge du dossier pesticides chez France nature environnement (FNE).

Lire aussi dans Réussir Fruits & Légumes FLD « Plan pollinisateurs : faudra-t-il pulvériser de nuit ? » 

La filière colza met en garde sur une possible réduction des surfaces

Pour sa part, la Fop estime que la précipitation du Gouvernement risque de réduire une nouvelle fois les surfaces d’oléoprotéagineux.

Dans un communiqué publié le 21 décembre, les représentants de la filière colza mettent en garde. Alors que l’Union européenne doit se prononcer sur la réautorisation de l'insecticide phosmet, l’interprofession du colza Terres Univia et son institut technique, Terres Inovia, préviennent que l’interdiction de l’insecticide pourrait entraîner un recul de 300 000 hectares de la sole de colza. Les conséquences en termes d’emplois « doivent absolument être prises en compte », alerte l’interprofession, soulignant que la production correspondante de graines de colza, soit environ 1 Mt, représente l’activité d’une usine de trituration. Ce recul aboutirait aussi, selon Terres Univia, à une perte de revenu des apiculteurs, en particulier dans les zones de grandes cultures « où les oléagineux constituent une part primordiale du bol alimentaire des pollinisateurs ». Dans un autre communiqué du 18 novembre, l’interprofession dénonce aussi les risques du plan gouvernemental en faveur des pollinisateurs. D'après Terres Univia, cet autre durcissement de la réglementation sur les produits phytosanitaires pourrait à lui seul entraîner une réduction de surface estimée à 120 000 ha par l’interprofession, conduisant à une hausse de 180 000 t des importations de tourteaux. Avec 1,1 million d’hectares en 2020, la surface française de colza a déjà perdu 30% depuis 2014, rappelle l’interprofession.

Lire aussi dans La depêche Le petit meunier « Le plan de pollinisation pose problème aux professionnels du colza »

Révision du calendrier

Initialement, le lancement de la consultation publique sur l’arrêté « abeille » révisé, était prévu pour la fin décembre. Mais devant cet accueil pour le moins mitigé, le Gouvernement a revu son calendrier. La consultation est repoussée au début de l'année et le texte officiel ne sera pas publié avant fin mars.

« L’intention de la ministre de la Transition écologique était de boucler le texte d’ici quinze jours, alors que nous n’avions eu aucun écho sur nos propositions », souligne Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Les professionnels avaient été sollicités le 4 puis le 15 décembre pour évoquer les premières pistes. « C’était essentiellement le sujet phytos qui était traité dans la précipitation et sans écouter », déplore Christiane Lambert.

De son côté, Julien Denormandie se veut rassurant. « Nous avons entendu les inquiétudes des uns et des autres. Il y aura bien une concertation qui tiendra compte des réalités de terrain et des conditions de travail », a-t-il confirmé le 18 décembre dans le cadre d’un déplacement à Saclay. Pour le ministre de l’Agriculture, « il faut faire en sorte de répondre au principal enjeu des abeilles entre mars et juin, qui est d’avoir des zones nourricières ». La FNSEA avait soumis dès l’automne plusieurs propositions dans ce sens, dont l’aménagement de zones mellifères, ainsi qu’un travail sur le volet sanitaire de l’apiculture.

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