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Transmission - Anticiper pour favoriser la reprise de son élevage allaitant

Actuellement en plein tournant générationnel, les élevages de bovins viande qui changent de mains sont très nombreux. Bien se préparer permet de mettre toutes les chances de son côté pour réussir à transmettre son troupeau.

Il est conseillé d’entamer les démarches cinq à sept ans avant l’âge visé de départ à la retraite. La réflexion et les choix qui conduisent à cette transition peuvent intervenir encore bien plus tôt que cela.
Il est conseillé d’entamer les démarches cinq à sept ans avant l’âge visé de départ à la retraite. La réflexion et les choix qui conduisent à cette transition peuvent intervenir encore bien plus tôt que cela.
© S. Bourgeois/Archives

Nous sommes actuellement à peu près au milieu de la vague démographique des départs à la retraite des éleveurs de bovins. Elle a démarré en 2018, et se poursuivra jusqu’en 2027. « Cinquante pour cent des éleveurs de bovins de 2018 ne seront plus en activité en 2027 », rappelait Christophe Perrot de l’Institut de l’élevage, à l’occasion de la Journée marchés mondiaux en juin 2022. Et sur les dernières années, le taux de remplacement des éleveurs avoisine 60 à 70 % en bovins viande.

Au-delà de la stricte analyse de la pyramide des âges, de nombreux facteurs viennent complexifier le renouvellement des éleveurs de bovins viande. Car ceci se produit à un moment où s’opère une mutation des modèles agricoles. Ceux qui veulent s’installer cherchent bien souvent des structures individuelles et plutôt de petite taille, et souvent diversifiées. La dimension familiale du travail s’estompe. Et les sécheresses récurrentes ainsi que la nouvelle PAC avec les aides à l’UGB, n’encouragent pas à la capitalisation sur le cheptel. Si les surfaces des cédants seront probablement reprises dans un certain nombre de territoires, la transmission des troupeaux de bovins viande est une vaste problématique.

La transmission est un projet professionnel

De l’avis d’experts, transmettre son élevage est l’aboutissement d’un long cheminement. Il est conseillé d’entamer les démarches cinq à sept ans avant l’âge visé pour le départ à la retraite, et la réflexion et les choix qui conduisent à cette transition peuvent intervenir encore bien plus tôt que cela. Il y a toujours plusieurs trajectoires de transmission envisageables pour un même élevage.

Il faut se donner les moyens de mettre en avant son élevage. Transmettre exige d’échanger en toute transparence avec les repreneurs potentiels.

 

Et l’innovation a un rôle fort à jouer afin d’attirer des porteurs de projets et de préparer le terrain pour la génération qui arrive. « La transmission est à appréhender comme un véritable projet professionnel », explique Stéphanie Delefosse, de la chambre d’agriculture de la Loire. De nombreux sujets sont à travailler : je transmets quoi (cheptel, matériel, bâtiments, foncier, habitation…) ? Comment (location, vente) ? Est-ce que ma ferme est adaptable à d’autres projets (bio, vente directe, transformation…) ? Et pour moi, qu’est-ce que je souhaite faire après ?

Échanger en toute transparence

La loi de l’offre et de la demande prévaut pour les exploitations comme sur tout marché. Il faut se donner les moyens de mettre en avant son élevage. Transmettre exige en plus d’« échanger en toute transparence » avec les repreneurs, sur le plan économique comme en termes de charge de travail.

« On peut rédiger un protocole écrit, qui sert de base à la négociation », remarque Stéphanie Delefosse. L’un des points importants est d’accepter que le montant de la reprise ne soit pas celui du patrimoine, mais celui de la valeur économique, c’est-à-dire celui que la structure permet de rembourser. Il y a en parallèle tout un cheminement à faire pour que la partie professionnelle et la partie privée (maison d’habitation, fermages…) s’organisent harmonieusement.

Au moment de la transmission, il y a tout un cheminement à faire pour que la partie professionnelle et la partie privée (maison d’habitation, fermages…) s’organisent harmonieusement.

 

Une période de stage et/ou de parrainage est ensuite profitable aux deux parties. C’est souvent compliqué d’apprendre à travailler ensemble, et d’éventuels conflits peuvent arriver dans cette phase finale. « Des formations en communication aident à faire face à ces situations », conseille Marie-Reine Cornélis de la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle.

 

[Occitanie] Une étude sur la transmission des exploitations à fort capital

L’observatoire installation-transmission de la chambre régionale d’Occitanie fait état d’un taux de remplacement des chefs d’exploitation de 61 %, toutes productions confondues, en 2018. Il était remarquablement élevé dans certains départements avec 120 % en Ariège, 78 % dans les Pyrénées-Orientales, 72 % en Lozère et 64 % en Aveyron.

"Les actions de la chambre en faveur de la transmission, ainsi que le niveau élevé des soutiens en zone de montagne et le fait que les structures qui se libéraient ces années-là correspondaient plutôt bien aux attentes des candidats expliquent probablement ces bons résultats", estime Clémence Biard, éleveuse de bovins viande et élue à la chambre d’agriculture de l’Ariège en charge du dossier installation-transmission. Le renouvellement des générations ralentit par contre dans les zones de plaine et de coteaux de l’Ouest de la région.

La transmission-restructuration

La chambre d’agriculture d’Occitanie vient de publier une étude sur des leviers pour favoriser la transmission d’exploitations à fort capital, à partir d’une enquête portant sur douze exploitations. Enclencher une dynamique de prospection de candidats est évoqué, car il y a à ce jour peu ou pas de recherche de candidats mais essentiellement un accueil des personnes qui souhaitent s’installer.

La notion de transmission-restructuration est aussi abordée. "Il s’agit d’identifier les potentialités d’une exploitation afin de permettre l’installation de plusieurs agriculteurs sur des projets complémentaires, en association ou pas, avec éventuellement la gestion de 'biens communs' en copropriété." Eloi et Ferme en vie sont deux start-up qui se positionnent aujourd’hui en tant qu’intermédiaires sur cette thématique. La dimension humaine de ce type de projet (communication, médiation, gestion de conflits éventuels) est très importante.

Pour alléger le financement de l’installation, l’étude liste également les différents outils de portage du foncier mobilisables (région, Safer, coopératives), les prêts d’honneur ou prêts familiaux et les fonds de garantie qui apportent un cautionnement.

Le recours à des capitaux extérieurs est aussi possible avec les fonds d’investissement, qui apportent des sommes en fonds propres dans les entreprises, ou encore le financement participatif. Dans ce cas, des points de vigilance sont identifiés pour que la maîtrise de l’outil de production soit assurée pour l’agriculteur.

 

Des actions en territoires pilotes pour la transmission en Pays de la Loire

En région Pays de la Loire, le conseil régional et la chambre régionale d’agriculture avec la communauté de communes Châteaubriant-Derval ont lancé sur la période 2022-2024 des actions avec l’objectif d’augmenter le taux de renouvellement des agriculteurs. Dix territoires pilotes seront identifiés et sept actions ont été définies.

L’une d’elles est l’Agri’bus de la transmission. « Une dizaine de porteurs de projets partent en bus visiter cinq fermes dans la journée, présente Stéphane Loizeau de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Les échanges entre porteurs de projets et conseillers sont favorisés. Il y a forcément certaines exploitations qu’ils ne seraient pas allés voir sinon. Les cédants font un travail de présentation de l’exploitation, se préparent aux questions y compris sur les points qui bloquent. Pour tous, cela permet d’ouvrir le champ des possibles. »

Une autre action porte sur la recherche de solutions de portage du foncier grâce à des investisseurs extérieurs. Il est aussi prévu l’organisation de tables rondes d’accompagnement entre un porteur de projet, un cédant, et tous les partenaires experts (sur les plans juridique, technique, des relations humaines..) quand l’installation a du mal à se concrétiser.

« La délocalisation en mairies de 'point accueil transmission' avec la MSA, vise à rencontrer et sensibiliser des agriculteurs qui n’ont pas encore entamé leur réflexion plusieurs années avant l’âge de la retraite », poursuit Stéphane Loizeau.

Des vidéos sur des installations (et du salariat) donnent via les réseaux sociaux une large visibilité à ces réussites. Des interventions en collèges et en lycées agricoles, y compris hors du territoire régional, sont au programme. Enfin, des actions de sensibilisation des propriétaires, qui parfois ne veulent plus signer de baux avec des agriculteurs, sont prévues.

 

La Foncière agricole d’Occitanie : une formule innovante de portage du foncier

La Foncière agricole d’Occitanie est une SAS fonctionnant avec des capitaux publics et des capitaux privés. Après un an d’expérimentation qui a permis de traiter dix dossiers, elle est opérationnelle depuis juin 2022.

« L’objectif de la Foncière agricole d’Occitanie est de rendre possible des installations qui ne le seraient pas sans elle, et ceci dans le cadre de la politique régionale pour une agriculture durable », présente Emmanuelle Laganier, responsable aménagement et foncier agricole de l’Arac Occitanie.

Les actionnaires de la Foncière agricole d’Occitanie sont l’Arac, la Safer, des caisses régionales du Crédit agricole, de la Banque populaire et de la Caisse d’épargne, la chambre d’agriculture d’Occitanie et La Coopération agricole régionale. Elle est rejointe aussi par JA Occitanie. « Ce montage juridique de portage du foncier conjugue agilité et proximité avec les agriculteurs, et l’actionnariat public garantit de travailler au service de l’intérêt général de l’agriculture régionale. »

Un système qui conjugue public et privé

La Foncière dispose de 1,6 million d’euros de fonds propres, et elle peut mobiliser une enveloppe d’environ 5 millions d’euros avec 70 % d’emprunts. « Le montant moyen des dossiers est de 80 000 à 90 000 euros, et il peut aller jusqu’à 150 000 euros (dont maximum 50 000 euros pour le bâti) », explique Emmanuelle Laganier.

La Foncière agricole d’Occitanie s’adresse aux porteurs de projet en cours d’installation qui, à l’issue du classique tour bancaire n’ont pas pu boucler leur plan de financement, et aussi aux personnes installées depuis moins de cinq ans. Le portage de tout ou partie du foncier a pour but de différer la charge de l’acquisition du foncier : la Foncière achète le foncier et le loue à l’agriculteur, qui régle aussi pendant cette période une redevance du bail Safer et une redevance foncière pour les frais de portage. Au terme de quatre à neuf ans, l’agriculteur achète le foncier au prix fixé au début de la période de portage.

Claude Petitguyot, éleveur de charolaises dans le Jura

Claude Petitguyot

« Sans repreneur déclaré, je voudrais installer un ou une jeune »

"À 57 ans, alors que mes quatre fils ne s’installeront pas, je fais partie des agriculteurs qui se posent sérieusement la question de la transmission. Les années passent très vite, et il est difficile de se projeter, mais je sais qu’il faut que j’entame les démarches officielles maintenant. Je voudrais qu’un nouvel agriculteur ou agricultrice prenne ma place, alors que la pression foncière est énorme. Je travaille en système naisseur-engraisseur avec 35 charolaises sur une surface de 94 ha (dont 25 de prairies). Mon exploitation est viable maintenant, après des difficultés il y a huit ans, et elle est adaptée à une personne qui travaille seule. Les sols de la plaine du Jura ont un bon potentiel, je fais partie d’un réseau d’irrigation, j’entretiens les bâtiments et le matériel tient la route. Depuis mars, j’ai démarré une culture de champignons. Je produis des pleurotes et des champignons de Paris. Et je n’habite pas sur l’exploitation. Je suis attaché à mes vaches, j’ai mes chouchoutes. Je préférerais que le troupeau de charolaises soit repris. Mais si un jeune choisit un autre élevage ou ne conserve que la partie cultures, je n’en ferai pas un blocage. Il est aussi possible de réduire les cultures et de faire plus de luzerne et d’élevage. L’important est que la personne ait les compétences, que son projet soit solide. Je ferais volontiers une année de transition. Ensuite, je saurai me rendre disponible pour l’aider, sans imposer ma présence non plus. »

Gaec de Masselebre - Virginie et Cédric Morel, éleveurs de limousines dans le Puy-de-Dôme

Transmission - Anticiper pour favoriser la reprise de son élevage allaitant

« Une transition précoce pour transmettre à nos enfants »

« Nous étions installés sur une exploitation familiale laitière et en 2016, nous nous sommes retrouvés à deux. Nous avons arrêté le lait, et nous sommes passés en race limousine sur plusieurs années, en élevant des laitonnes. Aujourd’hui, nous travaillons en système extensif, et 90 mères suffisent tout juste à faire vivre une famille sans faire de folie. Nos enfants souhaitant s’installer, nous sommes partis sur le projet de vente directe. Nous arrivons maintenant au bout de la construction du labo de découpe et transformation et du magasin. Notre but est de garder un élevage à taille humaine, et de multiplier les petites productions : viande de bœuf bien sûr, et porc sur paille, œufs, légumes. Et de valoriser au mieux nos produits, afin d’augmenter le revenu bien évidemment, afin que nos enfants puissent s’installer sereinement et que tout ceci puisse aussi nous emmener jusqu’à la retraite. Il nous reste encore quelques bonnes années quand même. »

Pierre-François Jubert, éleveur de charolaises dans le Cher

« Avec mon frère, nous avons divisé l’exploitation de notre père en deux »

« Au départ, nous devions reprendre l’exploitation de mon père - 250 ha dont 100 ha de cultures et 100 charolaises inscrites au herd-book en SCEA, avec moi comme associé exploitant et mes deux frères associés non exploitants. Un de mes frères est boucher, et l’autre technico-commercial en céréales. Mais au bout d’un an de préparation, nous nous sommes tous mis autour de la table et nous avons changé notre projet, car personne ne s’y retrouvait vraiment. Plutôt que chercher un salarié pour travailler avec moi, nous avons décidé de diviser l’exploitation en deux. Aujourd’hui, nous ne regrettons pas notre choix, car cela a apaisé les tensions. Pas de risque si un jour nous ne sommes plus sur la même longueur d’onde : nous avons deux structures plus solides que si nous en avions maintenu une seule. En janvier 2021, j’ai donc repris en individuel le cheptel avec 90 vêlages et 150 ha (20 de cultures et 130 de prairies), et mon frère la partie céréales en double actif avec un associé (lui aussi double actif). Avec mon frère, on travaille conjointement tout en ayant chacun notre indépendance. Nous faisons des échanges paille fumier, il partage ses compétences sur la partie cultures, on utilise une partie du matériel en commun comme notamment la pompe d’irrigation, tout en ayant chacun notre pivot. »

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