Tonnellerie : faire réparer ses fûts, un choix économique et durable
Une douelle qui fuit, un fond qui n’est plus étanche : plutôt que de réformer directement une barrique, une réparation est peut-être possible. À la clé, un moindre impact économique et environnemental.
Comment réduire la facture d’un élevage sous bois ? La question se pose de manière d’autant plus aiguë avec le prix des fûts neufs qui suit une courbe ascendante, dépassant couramment 1 000 euros l’unité. Une réparation peut coûter 150 à 200 euros. Le calcul est rapide. Si l’élevage des vins tel qu’il se pratique de manière traditionnelle destine les barriques à la réforme après un, deux ou trois vins, en Cognaçais, l’élevage des eaux-de-vie est une affaire de longue haleine.
À Bouteville, en Charente, le vigneron indépendant Paul Giraud cultive 50 hectares de vignes et a pour spécialité de commercialiser des cognacs âgés. Il a donc de nombreuses récoltes en stock, principalement dans des fûts de 400 et 500 litres, quelques demi-muids et tonneaux de 25 à 70 hectolitres. Chaque année, il achète de quoi loger 30 % de sa récolte en fûts neufs, à des prix de 1 000 ou 1 300 euros le fût, selon la capacité. Le reste trouve sa place dans des fûts plus ou moins anciens. « Mon objectif est d’optimiser la durée de vie des fûts, afin de garantir ma capacité de conservation », résume-t-il.
Une surveillance de tous les jours
Chaque jour, Paul Giraud passe entre les rimes et inspecte son parc. Son astuce ? Cogner les fonds pour avoir une idée de ce qu’il se passe à l’intérieur. « Si ça ne sonne pas plein, il faut s’inquiéter », explique-t-il. Le sol du chai étant en terre battue, les fuites ne sont pas toujours visibles immédiatement. D’autant que l’hygrométrie est naturellement maintenue à 80 % dans l’un des chais, grâce à une source.
Si une fuite est repérée, le fût est rapidement vidé de son cognac puis emmené chez le tonnelier tout proche. Une vingtaine de barriques part ainsi chaque année en réparation. Des unités isolées, mais aussi parfois des lots d’une dizaine de pièces. « Lorsque nous démontons une rime, nous en profitons pour vérifier l’état des barriques, ce qui peut donner lieu à un envoi groupé chez le tonnelier », indique le vigneron.
« Même si seulement une ou deux douelles sont cassées, il faut démonter toute la barrique, ce qui demande beaucoup de main-d’œuvre. Le prix de la réparation peut atteindre une centaine d’euros. Aussi, nous profitons souvent de cette opération pour faire changer les fonds », explique Paul Giraud. Un moyen de retrouver un tiers de bois neuf, qui va ramener de la couleur et des tanins sur les cognacs, tout en optimisant les coûts, à raison de 80 euros le fond. « On peut garder un fût jusqu’à 50 à 60 ans, à condition de l’entretenir », considère le vigneron.
Tout le travail de réparation se fait artisanalement
« Bien entretenue, une barrique peut durer quatre-vingts ou cent ans ! », estime quant à lui Cyrille Royer, responsable commercial spiritueux de la tonnellerie Bernard à Lignières-Sonnevile, en Charente. Selon lui, « il n’y a rien de plus beau que de réparer une barrique, c’est là que l’on voit le savoir-faire des tonneliers, car il faut utiliser sa tête pour réfléchir à la manière d’opérer et tout se fait artisanalement ».
Pour réparer, « soit nous prenons une barrique dans un lot pour fournir les pièces nécessaires aux autres, soit nous fabriquons une botte de douelles que nous ajustons à la demande », précise le tonnelier. La tonnellerie Navarre produit des fûts neufs, mais 80 % de son activité provient de la rénovation des fûts pour la revente d’occasion. L’entreprise propose aussi la réparation en prestation, au moins pour les domaines à proximité, pour que l’opération reste rentable malgré les coûts de transport. Histoire de faire durer un matériel fabriqué en chêne vieux de 150 ans.