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[TAILLE DE LA VIGNE] Limiter l’impact du changement climatique

L’effet du gel ou de la sécheresse peut être atténué grâce à une taille adéquate : tardive ou en deux temps pour le premier et respectueuse du végétal et/ou méditerranéenne pour la seconde.

Tailler tardivement les parcelles les plus gélives limite fortement les pertes de rendement liées au gel.
Tailler tardivement les parcelles les plus gélives limite fortement les pertes de rendement liées au gel.
© J. Gravé

« Les conseils permettant de limiter l’impact du gel sur la vigne par la taille sont souvent antagonistes de la vie de la plante », prévient François Dal, de la Sicavac. On préconise en effet souvent de tailler le plus tard possible, comme le rappelle le fameux adage « Taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars ». Or cette opération décale le cycle végétatif de la vigne et l’oblige à puiser dans ses réserves.

« Cela coûte très cher à la vigne d’un point de vue énergétique », abonde Marceau Bourdarias, conseiller en viticulture. Néanmoins, dans les secteurs ayant gelé à plusieurs reprises au cours des dernières années, c’est une technique à privilégier. Une expérimentation mise en place par l’ATVB (Association technique viticole de Bourgogne) en Côte-d’Or a récemment chiffré l’impact de cette pratique sur la réduction des dégâts de gel. Il serait de l’ordre de 6 à 27 %, selon les zones, les cépages, et les dates de taille.

Une baisse de dégâts de gel sur bourgeons de 6 à 27 %

En effet, l’hiver dernier, l’ATVB a taillé des chardonnays et des pinots noirs à deux périodes ; l’une dite précoce (le 3 décembre 2020 pour des chardonnays en meursault 1er cru, le 18 novembre pour du pinot noir en beaune 1er cru et le 22 février 2020 pour des chardonnays et pinots noirs en bourgogne plombières-lès-dijon), l’autre tardive (24 mars pour les chardonnays en meursault 1er cru, 15 mars 2021 pour le pinot noir en beaune 1er cru et 15 avril 2021 pour les chardonnays et pinots noirs en bourgogne plombières-lès-dijon).

Après le gel du printemps 2021, l’organisme a effectué des comptages qui ont établi que la taille tardive avait permis de réduire les dégâts de gel sur les bourgeons de 22 % sur la zone meursault et de 14 % sur le beaune 1er cru, par rapport à la taille précoce. En bourgogne plombières-lès-dijon, l’impact a été variable selon le clone et le cépage. Le gain avec la taille tardive a été de 6 % sur le chardonnay clone 118, de 27 % pour le chardonay 548, et de 8 % sur le pinot noir. Parallèlement à cela, les experts ont noté un retard de stade phénologique sur les vignes de la modalité « taille tardive ». Benjamin Passot, vigneron à Vauxrenard, dans le Rhône, a fait les mêmes constats.

Tailler en deux temps sur vignes gélives et vigoureuses

Néanmoins, il est parfois difficile de mettre en place ce type de taille, notamment pour des raisons organisationnelles. Dans ce cas de figure, « dans les zones gélives, je recommande de laisser une baguette en plus, expose Olivier Thévenon, de la chambre d’agriculture du Var. Car ce sont toujours les bourgeons les plus éloignés du cep qui débourrent en premier et gèlent donc. » Il faut ensuite repasser pour supprimer cette baguette ; un passage rapide mais qui nécessite une opération supplémentaire. « Certains laissent débourrer en haut, poursuit-il, et rabattent juste avant que les deux bourgeons intéressants débourrent. »

L’ATVB recommande également cette taille en deux temps, qu’elle compte expérimenter cette année. L’association conseille un premier passage hivernal pour « démonter le cep », en laissant les trois rameaux sur lesquels seront tirés les deux coursons et la baguette. Puis un second passage le plus tard possible, pour la taille définitive. Mais attention. Cette taille en deux temps ne peut se pratiquer que sur des vignes vigoureuses puisque cela les oblige à puiser dans leurs réserves. À noter par ailleurs qu’en cas de gel tardif, ces deux techniques (taille tardive ou en deux temps) seront inutiles.

Une taille de ramification pour une vigne résiliente

Carole Dumont, maître tailleur chez Simonit & Sirch va plus loin. Pour elle, ce qui est important, c’est la santé de la vigne et sa réaction après le gel. « Nous avons réalisé des essais à Bordeaux, en comparant une modalité taille classique et une taille de ramification (voir article p), relate-t-elle. Et la différence est spectaculaire sur la reprise ! Une bonne taille permet à la vigne d’être résistante et plus résiliente face aux aléas climatiques. »

Avoir une vigne en bonne santé est également primordial contre la sécheresse. Pour lutter contre ce fléau, il faut en effet « favoriser un enracinement en profondeur et optimiser la mise en réserve de la plante », résume François Dal. « Pour cela, il est important d’avoir des pieds solides et bien construits, avec de la sève qui circule », complète Carole Dumont. En effet, « avoir une bonne architecture, avec une répartition des coursons sur les différents bras limite le stress », remarque Olivier Thévenon.

Lorsque la vigne a une croissance dynamique et continue, elle développe ses méristèmes racinaires de manière efficace. L’apex des rameaux libère de l’énergie permettant l’allongement des méristèmes racinaires. « Plus on a de rameaux dynamiques, plus les racines se développent, résume Marceau Bourdarias. En revanche, si on a trop de bourgeons, cela ne stimule pas la croissance de l’apex, et du coup la plante n’arrive pas à descendre dans le sol à la recherche d’anfractuosités où elle pourra trouver de l’eau en période de sécheresse. » Il vaut ainsi mieux éviter les grosses hauteurs de feuillage, qui poussent la vigne à réaliser beaucoup de photosynthèse, et donc à puiser de l’eau.

Opter pour un mode de conduite méditerranéen

Le mode de conduite joue également un rôle prépondérant face à la sécheresse. Une vigne menée en gobelet aura une meilleure résistance que la même vigne conduite en cordon. Néanmoins, l’impossibilité de mécaniser nombre d’opérations, dont la vendange, est un fort frein à son développement. « La taille en palmette, genre de croisement entre le gobelet et le cordon mais en palissé et mécanisable, est intéressante, illustre Olivier Thévenon. Elle crée un ombrage qui protège les grappes et pourrait être autorisée car c’est un cordon particulier. » On peut aussi opter pour un gobelet avec deux fils releveurs à l'instar de Flavien Nicolas, vigneron à Cairanne, dans le Vaucluse.

Elle consiste à palisser verticalement le sarment central et ceux sur les côtés afin d’obtenir une forme de fourche la première année et à répéter l’opération l’année suivante au niveau du sarment central. La taille en nids pratiquée dans les Cyclades est elle aussi bien adaptée à la sécheresse mais pas autorisée dans nos AOC hexagonales. Quant à la lyre employée en Turquie, Olivier Thévenon estime qu’elle pourrait également être une bonne option en IGP ou sans IG.

en bref

Limiter les risques de gel : tailler le plus tard possible ou laisser une seconde baguette qui sera supprimée après débourrement.

Résister à la sécheresse : favoriser une taille respectueuse du flux de sève et privilégier les modes de conduite méditerranéens comme le gobelet, la palmette ou la lyre.

 

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