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S’installer en sélection Est à laine Mérinos sans surface fourragère

Partie de rien, Clara Saltel a su s’adapter pour construire son élevage de 200 brebis et 50 agnelles. Aujourd’hui sélectionneuse en Est à laine Mérinos, elle fait de la vente directe et promeut la filière laine locale.

Le clapotis de l’eau du canal de la Marne au Rhin et les feuilles rougissantes de l’automne forment un cadre idyllique pour installer un élevage ovin. Clara Saltel, 27 ans, a récupéré cet ancien élevage de porcs, de vaches laitières et allaitantes. Les bâtiments portent les traces de la succession des productions passées et Clara doit faire preuve de créativité pour optimiser la disposition de ses aires paillées pour les bêtes. « J’ai fait un BPREA (sans que mes parents soient dans le domaine agricole) et au Pôle Emploi on m’a proposé l’opportunité de l’élevage ovin. Si ça avait été de l’apiculture ou de l’élevage d’escargots, je l’aurais fait aussi, » se remémore pensivement l’éleveuse. Elle insiste sur l’importance de passer par des stages, seules références permettant « de s’y retrouver parmi tous les choix, de fournisseurs et de clients, de façons de faire… Par exemple, j’ai choisi Cobevim parce que lors d’un stage, l’exploitation fonctionnait bien avec eux. » En 2017, elle achète seule l’exploitation et se lance avec ses cinq moutons en tant que céréalière. Malgré ses 136 hectares de SAU, l’éleveuse a choisi de pratiquer l’écopâturage. L’occasion de profiter d’un territoire où les vergers sont nombreux, ce qui permet de « ne pas sacrifier des céréales de moins de dix ans, représentant une entrée d’argent assez sûre à l’installation, alors que j’avais encore mon troupeau à monter, » souligne Clara. « À l’école, on apprend à produire, donc je penchais plutôt pour des Suffolk à la base. Cependant, les brebis à vendre à ce moment-là étaient de la race Est à laine Mérinos. »

La sélection, ce n’était pas prévu

En effet, 40 de ces brebis étaient vendues à deux pas de son exploitation par un sélectionneur partant à la retraite. Les achats et conservations d’agnelles l’ont conduite à un troupeau aujourd’hui composé de 150 Mérinos Est à laine et de 50 croisées Suffolk. En deux ans, son point de vue sur les races et la génétique a largement évolué. « À force de discuter avec des éleveurs plus expérimentés, lors des ventes aux enchères de béliers notamment, j’ai appris à mieux connaître mes animaux. C’est plus facile au démarrage quand on connaît bien ses brebis. » De fil en aiguille, Clara a tissé ses liens à l’Upra et est allée assister à des contrôles de performances chez des sélectionneurs. « Je n’ai pas appris l’amélioration génétique à l’école, et devenir sélectionneuse ne faisait pas partie de mes projets. Pour moi, c’était réservé à un cercle fermé d’élevages très optimisés, alors qu’en réalité, celui qui commence avec pas grand-chose peut se lancer en génétique très rapidement. » Aujourd’hui, Clara est la première femme sélectionneuse d’Est à laine Mérinos. Les agnelles et brebis sont inscrites depuis début 2021. À la fin de l’année, le pointage lui a permis de tester la représentativité de la race chez les jeunes de la troupe. « Depuis que je m’intéresse à la sélection, je suis beaucoup plus pointilleuse sur mes brebis et mes béliers. Pour moi, il est devenu fondamental, même si je veux encore faire grandir les effectifs, de miser sur la valeur laitière pour assurer le démarrage des agneaux plutôt que sur la prolificité, par exemple. » En effet, pour Clara qui ne nourrit ses animaux qu’à l’aliment complet (lorsqu’ils ne sont pas en écopâturage), miser sur une bonne qualité et quantité du lait lui permet d’économiser en achat. Sa volonté de gagner en génétique dans son troupeau se manifeste par l’essai (à la prochaine reproduction) de l’insémination sur 50 femelles. Elle a pour objectif de monter à 300 têtes, par le renouvellement et l’achat de 50 agnelles, tout en éliminant petit à petit toutes les Suffolk.

Miser sur la valorisation de l’ensemble de ses produits

Clara n’en reste pas là pour tirer profit de la race qui a gagné son affection. En effet, les agneaux sont souvent classés en conformation R et la valorisation qui en découle reste assez faible pour l’éleveuse. Néanmoins, elle mise sur le label rouge de l’agneau de l’Adret, l’appellation Agneau Lorrain et enfin, pour les agneaux dépassant les 22 kg de carcasse, sur la vente directe qui lui permet d’éviter le déclassement. « J’ai commencé la vente directe tard au printemps 2020, donc je n’ai pas profité tout de suite du boom du Covid, mais ça fonctionne plutôt bien et ça me plaît. J’ai des projets pour avoir un vrai magasin, afin de séparer les activités entre elles et avec mon domicile. Les produits seront mieux présentés, et même les péniches qui passent sur le canal pourront plus facilement acheter les colis d’agneau. Entre l’élevage et la vente, ça fait beaucoup pour une seule personne, donc j’aimerais aménager un petit studio afin de pouvoir accueillir un apprenti. » Enfin, la force de cette race ovine locale reste sa laine, d’une grande qualité pour le filage… à condition de trouver des clients. Clara fait partie de l’association des tondeurs de moutons, a pris des parts dans la coopérative Mos’Laine, nouvellement créée pour restructurer la filière laine locale. « Le hic, c’est que la coopérative destine pour l’instant la laine à l’isolation et au feutrage, ce qui est dommage pour la belle laine de mes moutons… J’ai donc cherché, et trouvé, un artisan en Alsace pour filer la laine que je produis chaque automne. »

Gérer son écopâturage

L'écopâturage dans les vergers et les terrains industriels alentour permet de consacrer la SAU à la production de céréales.
L'écopâturage dans les vergers et les terrains industriels alentour permet de consacrer la SAU à la production de céréales. © L. Duverne

Autour des bâtiments de l’exploitation de Clara Saltel, deux hectares sont en accès libre pour les brebis. Elles paissent au milieu de son verger, et dans ceux des particuliers. Ce sont majoritairement des personnes qui l’ont aidée à ses débuts, à qui elle rend la pareille avec ce service d’entretien. Clara amène les brebis par lots de quinze, ce qui nécessite une bonne gestion logistique de sa part. Les entreprises sollicitent aussi ses services, et leurs terrains ont parfois l’avantage d’être approvisionnés en eau et en électricité. « Pour l’instant, je ne suis pas payée, mais à l’avenir, lorsque j’enverrai mes brebis sur les terrains d’entreprises, je souhaiterais toucher une contrepartie. »

Le saviez-vous ?

L’Est à laine Mérinos est caractérisée par sa coiffe, une laine bien dense, de bons aplombs assez hauts et son absence de cravate.

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