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Adapter la pulvérisation à la végétation grâce aux capteurs

À ultrasons ou optiques, les capteurs permettent de donner des informations sur le feuillage. Ouvrant la voie à une pulvérisation de précision qui s’arrête quand il le faut, voire qui module les doses en fonction.

 © Smart Guided System
Les capteurs Lidar oermettent de modéliser la vigne. La machine peut ainsi savoir où se trouvent les feuilles et quelle est la densité du feuillage, et ainsi commander l'ouverture des buses en fonction de ces informations.
© Smart Guided System

Il n’est pas imaginable pour un opérateur de devoir couper la pulvérisation lorsqu’il manque des plants sur la rangée d’un côté ou de réguler la dose si le feuillage est moins dense. Cependant, l’arrivée de nouvelles technologies, capteurs en tête, pourrait aider à lutter contre les déperditions dues à ces aléas dans la végétation. C’est d’ailleurs ce que propose dès cette année l’entreprise Diimotion, aussi connue pour ses prototypes d’injection directe. La start-up a lancé un kit de coupure automatique de la pulvérisation à installer sur un pulvérisateur existant. « C’est tout simple, explique Xavier Cassassolles, fondateur de Diimotion. S’il y a des feuilles devant la buse ça pulvérise. S’il n’y en a pas ça ne pulvérise pas ! » Ce kit comprend capteurs à ultrasons, électrovannes, bloc hydraulique et électronique.

Cliquez ici pour revoir la vidéo de présentation de l'injection directe par Diimotion

Pouvoir arrêter de pulvériser même sur un trou dans la végétation de 30 cm

« Les capteurs à ultrasons ont l’avantage d’être robustes, contrairement aux capteurs optiques », justifie le fondateur. Le bloc hydraulique sert de tampon dans le circuit : lorsqu’une buse est coupée, il compense pour ne pas qu’il y ait une différence de pression au niveau des autres buses. L’électronique quant à elle permet à l’ensemble d’être précis lors de la coupure. « L’idée est de pouvoir arrêter la pulvérisation sur un trou de végétation de 30 cm quand on roule à 9 km/h. Cela nécessite d’abord de bonnes électrovannes, et ensuite un bon programme informatique pour couper au bon moment », relève Xavier Cassassolles. Le kit est commercialisé 5 000 €, et se raisonne par rang de vigne. Il n’est donc clairement pas adapté aux voûtes pneumatiques, mais peut s’installer sur à peu près tous les pulvérisateurs face-par-face. La présence d’un DPA (Débit proportionnel à l’avancement) n’a par ailleurs pas d’influence sur le système. Selon la hauteur des vignes, deux ou trois capteurs sont positionnés à chaque face. Ainsi sur un jeune plant ou en début de végétation, la buse du bas peut fonctionner et celle(s) du haut ne pas pulvériser dans le vide. À la différence d’une coupure de tronçon par GPS, qui ne prend en compte que la longueur des rangs, il y a ici une notion d’étage foliaire supplémentaire. Diimotion a réalisé une partie des tests de ce kit en 2019 chez un viticulteur charentais, et estime qu’il est possible, selon le taux de ceps manquants et de complants, d’économiser de 15 à 25 % de bouillie. « Ce type de système complique la mécanique, on rentre dans la pulvé moderne, mais il y a un gain environnemental et de confort pour le chauffeur, qui n’a plus à se soucier de l’arrêt en bout de rang », estime Xavier Cassassolles.

De tels capteurs pourraient venir un jour à se généraliser. Le constructeur allemand KMS Rinklin présentait au salon suisse Agrovina en janvier son dernier pulvérisateur, équipé de panneaux récupérateurs. Un système de capteurs avec coupure automatique lorsqu’il n’y a pas de végétation est proposé en option sur ce modèle.

Des économies de produit sont possibles en s’adaptant à l’épaisseur de feuilles

Certains chercheurs espèrent même aller plus loin dans l’adaptation de la pulvérisation à la canopée. Ils travaillent par exemple sur la mesure de la densité foliaire pour moduler les doses en fonction. C’est le cas d’Emilio Gil, chercheur à l’université Polytechnique de Catalogne en Espagne, qui planche sur le sujet depuis une dizaine d’années. Dès 2013, il s’est lancé dans un prototype de pulvérisateur qui pouvait modifier le volume de bouillie pulvérisée en fonction de la géométrie de la cible. Pour cela, il a utilisé un algorithme basé sur le volume foliaire inspiré du modèle TRV (Tree Row Volume), qui se calcule en comptabilisant la hauteur et l’épaisseur du feuillage. En pratique, les variations de la largeur du rang étaient mesurées électroniquement à l’aide de plusieurs capteurs à ultrasons placés sur le pulvérisateur, à trois hauteurs différentes, correspondant aux trois hauteurs de buses. Le principe est simple : plus la vigne est proche des capteurs, plus cela veut dire que le feuillage est épais. Et inversement. Cette information sur l’épaisseur du rang était alors utilisée pour modifier le débit émis par les buses en temps réel. L’objectif était donc de maintenir un volume de bouillie pulvérisée équivalent pour une unité de volume foliaire (en m3) donnée. Les essais au champ effectués à différents stades végétatifs sur merlot et cabernet sauvignon ont indiqué une bonne corrélation entre le volume de produit appliqué et les caractéristiques du feuillage. Le chercheur espagnol a observé qu’il était ainsi possible de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires de façon substantielle. « Estimée en moyenne à 21,9 % par rapport à une application conventionnelle », précise-t-il. Ce pulvérisateur n’est toutefois resté qu’au stade de prototype. La suite des travaux d’Emilio Gil en vigne ne l’a pas conduit à optimiser un tel matériel pour en faire un outil généralisable. Mais son équipe a développé un outil d’aide à la décision (OAD) permettant d’estimer sa surface de haie foliaire à traiter et de déterminer le volume par hectare optimal, nommé Dosaviña et accessible sur internet. En revanche, le constructeur espagnol Pulverizadores Fede s’est inspiré de travaux similaires pour concevoir le Smartomizador, appareil primé au Fima Agricola de Saragosse en 2018. Ce pulvérisateur intelligent est capable, entre bien d’autres choses, d’estimer le volume de la plante et d’adapter la dose et le volume d’air approprié. Malheureusement cet aéroconvecteur est pertinent pour les vergers (où il permet jusqu’à 48 % de dérive en moins) mais il n’est pas vraiment un matériel des plus adaptés à la vigne…

Le Lidar, technologie intéressante mais complexe à mettre en œuvre

En France également, Inrae et IFV se sont mis à travailler sur la densité de végétation, en utilisant une technologie laser : le Lidar. Notamment à travers le projet ArchiTechDoseViti, qui a rendu ses conclusions l’an dernier et jette les bases d’un raisonnement des doses en fonction des caractéristiques du couvert végétal. Dans un premier temps les chercheurs français souhaitent mettre au point des abaques d’adaptation des doses en fonction du stade végétatif et autres indicateurs, comme il se fait en Espagne avec Dosaviña. Car les données recueillies dans ce premier projet français montrent « qu’un mode d’emploi (étiquetage) des produits phytosanitaires plus précis tenant compte du développement de la plante cible permettrait aux applicateurs de réduire les quantités épandues, probablement de 20 à 30 % », précisent les chercheurs. Mais en parallèle, le groupe de recherche de l’UMT EcoTechViti va aussi évaluer, à travers le projet TechnoDoseViti, l’intérêt des techniques de pulvérisation de précision associées à l’agriculture numérique. Les conclusions devraient être livrées l’an prochain.

En définitive, l’unique solution actuellement disponible en vigne pour s’adapter au volume foliaire vient d’une entreprise américaine. Smart Guided Systems, basée à Indianapolis, propose le kit Smart-Apply Intelligent Sprayer, issu de la recherche publique outre-Atlantique et adaptable sur la plupart des pulvérisateurs à jet porté du marché américain. Nos confrères de la revue Entraid’ (réseau Cuma) rapportent qu’un capteur « analyse les contours et la densité de la végétation » grâce à une technologie Lidar. Puis le système ouvre et ferme les buses à pulsation et ajuste le débit en fonction des besoins. Deux bémols subsistent toutefois. Le prix d’abord, puisqu’il est affiché à 27 000 $ (environ 25 000 €) auquel il faut ajouter un abonnement annuel de 2 500 $ (environ 2 300 €), le tout pour 18 buses. La configuration ensuite, puisqu’il a été développé pour la vigne tout autant que pour l’arboriculture, et ne permet d’analyser que deux demi-rangs à la fois.

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