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A quoi ressemblera la viande de culture à la française ?

La présidence de la Commission des affaires économiques du Sénat a organisé le 8 février une table ronde sur la viande in vitro qui provoque de nombreuses réactions du côté des filières élevage et suscite bon nombre d’interrogations auxquelles ont tenté de répondre les différents intervenants.

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Plusieurs invités ont débattu avec les sénateurs.
© capture d'écran de l'enregistrement de la table ronde

« La viande in vitro : ce sujet peut paraître encore lointain mais il nous semble important de défricher le terrain car dans l’Union européenne des demandes de mise sur le marché pourraient être déposées cette année » explique en préambule Sophie Primas, présidente de la Commission des affaires économiques du Sénat le 8 février lors d'une table ronde organisée sur le sujet.

Le principal argument développé par ceux qui veulent produire de la viande in vitro est de répondre à la demande toujours croissante dans le monde de protéines animales. « La viande de culture se présente comme une solution d’avenir et l’heure n’est pas d’être pour ou contre mais d’en prendre acte et de savoir comment la France va se positionner. Nous devons agir plutôt que subir. Nous avons toutes les cartes en main  » affirme Nicolas Morin-Forest, cofondateur et président de Gourmey qui travaille à l’élaboration d’un « foie gras » fabriqué à partir de cellules animales.

Quelle appellation ?

Viande artificielle, cellulaire, in vitro, cultivée : quelle appellation choisir puisque le terme « viande » provoque des crispations ? « Peu importe comment on appelle cette viande puisque la dénomination n’est pas fixée » estime Etienne Duthoit, fondateur et directeur de Vital Meat qui développe de la « viande de poulet » à partir de cellules cultivées. « Nous l’appelons viande de culture par commodité mais nous nous adapterons aux contraintes » abonde Nicolas Morin-Forest.

La sécurité alimentaire en question

Une autre question centrale est celle de la sécurité alimentaire, notamment avec les intrants utilisés. « Nous n’utilisons pas d’antibiotiques et pas d’hormones de croissance » affirment les intéressés. Nicolas Morin-Forest ajoute : « Les nutriments pour les cellules sont identiques à ceux donnés aux animaux d’élevage mais sous des formes différentes ».

Etienne Duthoit nuance : « Ce qui peut se retrouver, ce sont des facteurs de croissance » alors que Jean-François Hocquette, directeur de recherche à Inrae, estime qu’« une utilisation d’antibiotiques est probable ou possible ». « Avant d’arriver sur le marché, nos produits seront soumis à une autorisation préalable des agences de sécurité avec un processus qui va durer au minimum 18 mois » rappelle Etienne Duthoit.

 

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Une possible concentration des acteurs de ce futur marché ?

Une des principales objections au développement de la viande in vitro est la possible concentration du futur marché entre les mains de quelques gros industriels mais les dirigeants de Gourmey et Vital Meat estiment qu’il y a possibilité de créer une filière à la française.

Nous ne sommes pas là pour remplacer la viande

Quant au danger de mettre en péril la viande « traditionnelle », Etienne Duthoit répond : « Nous ne sommes pas là pour remplacer la viande. Nous sommes là pour proposer un nouveau choix aux consommateurs en termes de protéines animales. Il y a complémentarité entre les solutions ».

Préserver le monde agricole et l’élevage

Plusieurs sénateurs soulignent l’importance de préserver le monde agricole, notamment Marie-Christine Chauvin, la sénatrice LR du Jura : « Il ne doit pas y avoir de dénigrement de l’élevage qui nourrit le pays, fait vivre la ruralité et soutient la biodiversité. Il existe un risque de voir disparaître certaines races. L’élevage de qualité est prépondérant en France. La viande in vitro n’est peut-être pas la principale menace qui plane sur l’élevage mais il n‘avait pas besoin de ceci ».

« Expliquer le processus de fabrication »

Toujours au chapitre des griefs, on retrouve aussi des inquiétudes quant à l’empreinte environnementale et des interrogations sur l’énergie nécessaire à la production de la viande in vitro. Les participants s’accordent d’ailleurs sur le fait que l’information en direction du consommateur est primordiale et Jean-François Hocquette souligne le fait qu’« il faut communiquer et expliquer le processus de fabrication qui ne va pour autant se traduire par une meilleure acceptation. Il faut une grande transparence du processus. A Inrae, nous pouvons conduire une expertise collective pour analyser toutes les dimensions mais pour le moment nous n’avons pas été saisi pour la mener ».

La France doit se positionner sur ce marché en devenir

Si globalement, les sénateurs présents et de tous horizons politiques sont plutôt perplexes, voire hostiles au développement de la viande in vitro, un consensus semble émerger sur le fait que la France doit se positionner sur ce marché en devenir. « Il y a une nécessité de développer une recherche publique pour ne pas être dépendant des technologies étrangères. Nous devons être autonomes et proposer des produits français sur le marché français » explique Etienne Duthoit. Intervenants et sénateurs s’entendent donc sur le fait que la France ne doit pas rester à la traîne, surtout que plusieurs pays sont déjà très en avance comme Israël, les Etats-Unis ou encore les Pays-Bas qui ont débloqué une enveloppe de 60 millions d’euros pour développer ce secteur.

« Il faut donner du sens à son alimentation »

Plusieurs sénateurs et Thierry Marx, chef étoilé, défendent culture, gastronomie et tradition françaises et dénoncent la viande in vitro qu’ils classent dans les aliments ultra-transformés, ce que réfutent Nicolas Morin-Forest et Etienne Duthoit.

Dans ce mot viande, je pense qu'il y a tromperie

« Dans ce mot viande, je pense qu’il y a tromperie. Plaisir, bien-être et santé doivent composer l’assiette. Il faut donner du sens à son alimentation. Nous ne devons pas entrer dans une alimentation normalisée. Il y a un risque de perte d’identité nationale. La France et ses agriculteurs sont capables de produire de bons produits pour tous » a déclaré Thierry Marx qui refuserait de servir de la viande in vitro mais qui estime que la France ne doit pas rester à la traîne. Il conclut : « C’est une boîte de pandore qu’il faut contenir mais ça va être difficile étant donné les sommes qui vont entrer en jeu ».

La présidente de la Commission des affaires économiques du sénat a demandé une mission d’information sur la viande in vitro. Cette dernière rendra ses travaux le 8 mars prochain.

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