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Produits phytosanitaires : l'avenir du glyphosate est-il compromis à brève échéance ?

La production de glyphosate pourrait-elle s’arrêter comme le suggérait le P.-D. G. de Bayer en août dernier pour les États-Unis ? La molécule a été nouvellement homologuée jusqu’en 2033 en Europe. Mais elle est toujours accusée d’effets sur la santé humaine et elle montre de plus en plus de ratés en termes d’efficacité sur les adventices. État des lieux.

<em class="placeholder">Parcelle traitée au glyphosate fin octobre 2024 dans le nord de l&#039;Eure-et-Loir avec du chardon</em>
Plusieurs espèces d'adventices présentent des populations résistantes au glyphosate, en France et ailleurs dans le monde.
© G. Omnès

Les déclarations de Bill Anderson, président du directoire de Bayer, ont été reprises par de nombreux médias : en avril puis en août dernier, il disait penser à renoncer à la production du glyphosate par sa société. La raison ? Bayer croule sous des dizaines de milliers de procès sur le glyphosate aux États-Unis et a déjà dépensé plus de dix milliards de dollars pour les résoudre. L’herbicide plombe les résultats de l’entreprise. Bayer a racheté Monsanto en 2018, société américaine dont le glyphosate était le produit phare et qui produisait une grande partie des variétés OGM résistantes à cet herbicide. La société reste le principal producteur de glyphosate dans le monde, mais la molécule est dans le domaine public depuis 2000. De nombreuses autres sociétés produisent l’herbicide.

Dans l’Hexagone, aucun procès n’a abouti à un jugement qui met en cause le glyphosate sur la santé humaine jusqu’à présent. Pourtant en France et en Europe, la molécule a senti le vent du boulet entre 2015 et 2022, avec diverses études incriminant l’herbicide sur ses effets sur la santé humaine et son classement comme cancérogène probable par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Mais au final, l’herbicide a passé les écueils.

En tant que substance active, le glyphosate a été réapprouvé en 2023 au niveau de l’Union européenne pour dix ans, suite à l’évaluation des risques sur la base de milliers d’études menées par les agences européennes de la santé, de l’alimentation et des produits chimiques (EFSA, ECHA).

Des études continuent à incriminer le glyphosate

Le glyphosate n’est pas à l’abri pour autant. Présentée en juin 2025, une étude de grande ampleur, pilotée par l’institut italien Ramazzini et menée sur plus d’un millier de rats de laboratoire, montre le développement d’une leucémie précoce et une augmentation de plusieurs types de tumeurs avec du glyphosate administré à des doses autorisées en Europe. Mais les résultats font polémique entre spécialistes, sur la fiabilité du protocole de l’étude notamment. La Commission européenne a chargé ses agences spécialisées « de procéder à une évaluation scientifique solide et approfondie sur ces nouvelles informations ». À la lumière de leur examen, elle indique pouvoir « agir pour modifier ou retirer l’approbation du glyphosate, si nécessaire. »

Les études du glyphosate concernent également l’impact sur l’environnement : son large usage en interculture peut-il avoir un impact sur les organismes du sol ? « Des effets négatifs du glyphosate sur les vers de terre ont été observés, en particulier dans des sols avec des applications répétées de l’herbicide », relate Céline Pelosi, de l’Inrae, en basant ses résultats sur une revue de la littérature scientifique sur le sujet. L’Inrae a également mesuré la présence de glyphosate et de son métabolite AMPA dans respectivement 70 % et 83 % des sols prélevés dans le cadre d’une étude avec l’université de Bordeaux sur 47 sites. Ces mêmes molécules sont retrouvées tous les ans dans les eaux de surface en divers points du territoire.

Les mauvaises herbes se rebiffent contre le glyphosate

Les herbicides à base de glyphosate sont incontournables pour les agriculteurs en non-labour pour la destruction de plantes indésirables et des couverts végétaux en interculture. Mais des adventices commencent à résister au glyphosate en France, au premier rang desquelles le ray-grass. À la date du 1er juillet 2025, des cas de résistance avaient été détectés dans plus de trente départements avec, pour certains, une fréquence modérée à forte « Des retours d’enquêtes montrent la présence de populations généralisées de ray-grass résistantes au glyphosate sur certaines parcelles. Cela concerne essentiellement des situations gérées en semis direct où il y a eu des pratiques à risques telles que l’utilisation de glyphosate à petites doses de façon répétée chaque année, présente Ludovic Bonin, Arvalis. Dans ces conditions, il n’y a pas d’autres solutions que le retour du travail du sol pour contrôler ces graminées» Des vulpins résistants commencent à apparaître également çà et là depuis 2022.

Outre Atlantique, les adventices résistantes au glyphosate ont atteint une tout autre échelle, 18 espèces rien que pour les États-Unis en 2018 (51 espèces dans le monde). La large utilisation de cultures transgéniques résistantes au glyphosate depuis la fin des années 1990 en est la raison avec plusieurs applications de l’herbicide chaque année sur ces OGM. « C’est une menace pour les pratiques de conservation et de non-travail du sol adaptées aux problèmes d’érosion », signifie Braeden Van Deynze, chercheur de l’université de Washington. Il a démontré une baisse de 7,6 % et de 3,9 % de surfaces menées respectivement en non-travail du sol et en conservation du sol en soja dès lors que les agriculteurs ont à faire face à huit espèces d’adventices résistantes au glyphosate. Des agriculteurs sont contraints de se détourner de ce mode de culture.

Un herbicide utilisé majoritairement contre les vivaces

Une enquête a été menée par les instituts techniques de grandes cultures à l’automne 2019 sur les usages du glyphosate : « Le glyphosate est surtout utilisé sur les adventices vivaces (73 % des 6 921 répondants) ou bien sur les annuelles ou repousses en interculture longue ou courte (50 % des répondants pour chaque) dans le but de semer la culture suivante sur un sol propre, rapporte Terres Inovia. L’usage pour la destruction de couverts s’élève à 30 %. »

En France, des dizaines de produits à base de glyphosate ont été interdits avant 2023. Il en reste quatorze autorisés, dont une version du Roundup (Roundup Dynamic). La plupart des herbicides contiennent du glyphosate à 360 g/L. En situation de grandes cultures, la dose maximale autorisée est de 1 080 g/ha de la matière active avec des usages possibles seulement en situations de non-labour à l’interculture. Pour certaines situations spécifiques et réglementées (sols hydromorphes, lutte contre ambroisie, destructions de repousses en prélevée sur culture installée), la dose peut être augmentée.

Avec le développement de populations d’adventices résistantes, la molécule commence à perdre de son intérêt agronomiquement. Cette évolution justifie de poursuivre les études sur les alternatives au glyphosate (projets Agile, Coverage, Aliage…). Les craintes non dissipées sur les effets du glyphosate sur la santé humaine maintiennent les incertitudes sur l’avenir de la molécule.

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