Aller au contenu principal

Guerre Israël-Iran et prix des engrais : des hausses en perspective dans un contexte géopolitique explosif

Alors que la taxation des engrais russes entrera en vigueur le 1er juillet, le conflit entre Israël et l’Iran rebat à nouveau les cartes, dans un contexte géopolitique déjà très tendu. La tendance actuelle est plutôt à la hausse du prix des engrais et l’Europe doit se réindustrialiser pour renforcer sa souveraineté.

<em class="placeholder">Déchargement d&#039;engrais dans le port de Rouen. </em>
Les engrais russes représentent 20 % des importations françaises d’engrais.
© S. Leitenberger

Le 1er juillet, les engrais azotés russes et biélorusses seront taxés à hauteur de 40 €/t à leur entrée dans l’Union européenne. Cette mesure s’inscrit dans un contexte géopolitique très instable, et plus encore depuis quelques jours, avec le conflit Iran-Israël. La situation actuelle ne va pas améliorer un marché des engrais déjà « extrêmement bouleversé », estime Arthur Portier, consultant sénior chez Argus Média, lors de l’assemblée générale de l’Unifa (Union des industries de la fertilisation) ce 18 juin. L’expert rappelle que beaucoup d’éléments peuvent avoir une incidence sur le prix des engrais et notamment le prix du gaz, pour lequel la tendance haussière est de retour, soutenue par ce nouveau conflit au Moyen-Orient. Parmi les inquiétudes actuelles, la menace de l’Iran, depuis quelques jours, de bloquer le détroit d’Ormuz (entre l’Iran et Oman) où transite 30 à 40 % des hydrocarbures du monde. Le contexte est donc extrêmement incertain et « le marché n’aime pas l’incertitude », rappelle Arthur Portier. « Le potentiel de hausse du prix des engrais peut s’accentuer, nous ne sommes pas dans un contexte de baisse. »

20 % des engrais azotés utilisés en Europe sont russes 

La mise en place des sanctions européennes sur les engrais russes s’inscrit dans un contexte de forte dépendance à ceux-ci. Les engrais russes représentent 20 % des importations européennes d’engrais (même pourcentage pour la France), conséquence de l’économie de guerre mise en place par la Russie, avec des engrais vendus 10 à 20 % moins chers que les prix du marché.

Les taxes européennes vont être progressives, de 40 €/t en 2025 à 315 €/t en 2028 pour les engrais azotés, et de 45 €/t à 430 €/t pour les engrais composés. À cela s’ajoute la mise en place d’un quota d’importation pour 2025 et 2026, avec en cas de dépassement, une taxe immédiate de 318 €/t d’engrais. L’objectif de cette taxation progressive est notamment de limiter le risque une augmentation brutale du prix des engrais. Arthur Portier indique que le coût de revient actuel d’un hectare de blé (215 €/ha) est plus élevé que le prix payé aux producteurs (180 €/t), pour un rendement moyen de 70 q/ha.

10 à 20 % des sites européens de production d’engrais sont à l’arrêt

Un système de sauvegarde a été prévu si les prix des engrais venaient à augmenter de façon démesurée, avec la mise en place d’une mesure de stabilisation si nécessaire, indique Brigitte Misonne, chef d’unité à la Commission européenne. Celle-ci ajoute que ces droits de douane ont été voulus « pour alléger la pression sur l’industrie européenne des engrais, encourager la production intérieure et stimuler une utilisation plus raisonnée des engrais ». Aujourd’hui, les producteurs d’engrais minéraux présents sur le territoire français fournissent près de 45 % des besoins du marché. Ils peuvent fournir davantage car 10 à 20 % des capacités de production d’engrais des usines françaises et européennes sont à l’arrêt en raison de l’entrée massive des engrais russes, explique de son côté Delphine Guey, présidente sortante de l’Unifa. La remise en route de ces sites va nécessiter de réorganiser la logistique, avec un surcoût « limité dans le temps », estimé entre 5 et 10 dollars la tonne d’urée selon une étude de Fertilizers Europe, soit 4 à 9 € la tonne. À la question des approvisionnements en gaz nécessaires à la production d’engrais, Delphine Guey assure que l’Europe a su réorganiser et diversifier ses approvisionnements pour être suffisamment sécurisé sur ce point.

Risque de hausse des prix en 2026 avec la tarification carbone

À cela s’ajoute, l’entrée en vigueur au 1er janvier 2026 du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, nouvel instrument réglementaire européen dédié à la lutte contre les fuites de carbone. Il va soumettre certains biens importés dans l’UE, dont les engrais azotés, l’électricité, et l’hydrogène, à une tarification du carbone afin de les placer sur un pied d’égalité avec les produits européens. Le prix des engrais importés pourrait ainsi augmenter en raison du coût des certificats carbone à acquérir à l’entrée dans l’UE. Le dispositif doit stimuler une production européenne d’engrais bas carbone, qui va avoir besoin de temps pour se mettre en place, au vu des technologies à déployer et des investissements nécessaires (utilisation d’hydrogène décarboné).

Dans ce contexte, l’Unifa milite pour le développement d’une « fertilisation associée » qui repose sur le principe d’association des différents fertilisants (minéraux, organiques, biostimulants), cumulant des avantages agronomiques, environnementaux et économiques, et pour gagner en souveraineté aussi.

Les plus lus

<em class="placeholder">Alexandre Smessaert, agriculteur à Roy-Boissy dans l’Oise</em>
Semis de colza à la volée : « La technique m’a fait économiser en temps de travaux et carburant sur mon exploitation dans l'Oise, mais elle reste à améliorer »

Intéressé par les techniques innovantes, Alexandre Smessaert, agriculteur à Roy-Boissy dans l’Oise, a testé le semis de colza…

<em class="placeholder">Matthieu Kohler, agriculteur à Sélestat (67) :« Ma priorité numéro 1 avec l&#039;épandage de produits résiduaires organiques est l&#039;enrichissement de mes sols en matière ...</em>
En Alsace, « j’économise plus de 100 €/ha sur les parcelles qui reçoivent des produits résiduaires organiques »

À Sélestat, en Alsace, chez Matthieu Kohler, une trentaine d’hectares reçoit chaque année des épandages de différents produits…

<em class="placeholder">Moisson des céréales. Moissonneuses-batteuses Claas dans une parcelle d&#039;orge dans la plaine céréalière de la Marne. chantier de récolte des orges avec des rendements ...</em>
Moisson 2025 : quels impacts du pic de chaleur actuel sur les céréales à paille ?

Des températures qui dépassent les 30 degrés, une absence de pluies depuis plusieurs semaines…, des inquiétudes pointent dans…

<em class="placeholder">Jérôme Noirez, agriculteur et gérant au sein de la SEP Poinsirez à Arraincourt, en Moselle, pratique l’agriculture de conservation des sols</em>
En Moselle, « nous gérons le couvert d’interculture courte entre deux céréales comme une culture à part entière »

Jérôme Noirez, gérant au sein de la SEP Poinsirez à Arraincourt, en Moselle, pratique l’agriculture de conservation des sols.…

<em class="placeholder">A l&#039;occasion de l&#039;évènement fêtant les cent ans de l&#039;AGPB, Eric Thirouin, président de l&#039;association, a rappelé la crise que traversent les céréaliers depuis quelques ...</em>
Producteurs de blé : Annie Genevard au soutien de l’AGPB et des céréaliers pour les cent ans de l’association

Lors de l’évènement fêtant les 100 ans de l’AGPB, Annie Genevard, ministre de l’Agriculture est venue au soutien de l’…

<em class="placeholder">Les semis précoces de betterave présageait d&#039;une belle récolte mais le manque de pluie se fait sentir sur certains territoires.</em>
Betterave sucrière : rémunération en baisse dans un contexte de marché tendu sur le sucre
Les coopératives sucrières Tereos et Cristal Union ont présenté leurs résultats économiques lors de conférences de presse les 28…
Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures