PPL Duplomb : le Conseil constitutionnel valide l’essentiel du texte, sauf la réintroduction de l’acétamipride
Le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 7 août sur la controversée proposition de loi du sénateur Laurent Duplomb. Si l’essentiel du texte a été validé, les Sages ont censuré la réintroduction de pesticides néonicotinoïdes dont l’acétamipride. Les président de la République Emmanuel Macron a indiqué qu’il promulguera la loi « dans les meilleurs délais ».
Le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 7 août sur la controversée proposition de loi du sénateur Laurent Duplomb. Si l’essentiel du texte a été validé, les Sages ont censuré la réintroduction de pesticides néonicotinoïdes dont l’acétamipride. Les président de la République Emmanuel Macron a indiqué qu’il promulguera la loi « dans les meilleurs délais ».

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé ce jeudi 7 août sur la controversée proposition de loi (PPL) du sénateur Laurent Duplomb, adoptée le 8 juillet en commission mixte paritaire. Saisi par les députés et sénateurs de gauche, les Sages ont validé l’essentiel du texte, mais ont censuré l’article 2 prévoyant une dérogation à l’interdiction de l'acétamipride. Aussi, le Conseil constitutionnel a formulé deux « réserves d’interprétation » concernant l’article 5 de la PPL Duplomb qui prévoit une présomption d'« intérêt général majeur » pour les ouvrages de stockage d'eau. Les Sages estiment que ce statut d'« intérêt général majeur » ne pourra pas être accordé aux « prélèvements au sein de nappes inertielles » et pourra être contesté au cas par cas devant la justice.
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Comme souligné par nos confrères d’Agra Presse, l’article 8 concernant le renforcement des sanctions pour vignes non cultivées a aussi été censuré, considéré comme un « cavalier législatif » (mesure introduite sans lien direct avec le sujet traité par la loi). Par ailleurs, les Sages ont validé « la procédure d’adoption de la loi », dénoncée par les députés de gauche après l’adoption d’une motion de rejet déposée par les partisans du texte.
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Pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il censuré la dérogation à l’interdiction de l'acétamipride ?
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel justifie que la dérogation à l’interdiction de pesticide de la famille des néonicotinoïdes manquait « d’encadrement suffisant », citant trois raisons. D’abord, la dérogation « était instaurée pour toutes les filières agricoles sans les limiter à celles pour lesquelles le législateur aurait identifié une menace particulière dont la gravité compromettrait la production ». De plus, elle « n’était pas accordée à titre transitoire pour une période déterminée ». Et enfin la dérogation « pouvait être décidée pour tous types d’usage et de traitement, y compris ceux qui, recourant à la pulvérisation, présentent des risques élevés de dispersion des substances ». « Les produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ont des incidences sur la biodiversité, […] ainsi que des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine », rappelle le Conseil constitutionnel qui s’appuie sur la Charte de l’environnement.
Comme rappelé dans leur décision, les Sages avaient admis en 2020 une dérogation des pesticides contenant des néonicotinoïdes « cantonnée au traitement des betteraves sucrières dont la culture était soumise à de graves dangers, circonscrite dans le temps, soumise à des conditions procédurales ». Ce qui garantissait « une mise en œuvre limitée et encadrant les usages des produits concernés », soutient le Conseil constitutionnel, « en excluant en particulier toute pulvérisation afin de limiter les risques de dispersion ».
#Décision n°2025-891 DC du 7 août | Saisi de la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, le Conseil constitutionnel juge que sa procédure d’adoption n’a pas été irrégulière. Puis, contrôlant ses dispositions au regard des exigences de la Charte de… pic.twitter.com/mzMPuLtH2x
— Conseil constit (@Conseil_constit) August 7, 2025
Le président de la République annonce promulguer la PPL Duplomb « dans les meilleurs délais »
De son côté, le président de la République Emmanuel Macron « a pris bonne note de la décision du Conseil constitutionnel » et « promulguera la loi (…) dans les meilleurs délais », a annoncé l’Elysée le 7 août. Le chef de l’Etat a donc bien attendu le « temps institutionnel », comme il l’avait affirmé le 23 juillet en Conseil des ministres en réaction à la pétition contre la PPL Duplomb qui avait dépassé le million de signatures et qui en a rassemblé plus de deux millions depuis.
La ministre de l’Agriculture appelle à un « sursaut de patriotisme alimentaire » après la décision du Conseil constitutionnel
Dans un communiqué le 8 août, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard indique prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel, saluant des « avancées concrètes qui seront mises en œuvre dès la promulgation de la loi ». Sur l’acétamipride, elle regrette le maintien d’une « surtransposition » du droit français par rapport au droit européen, « au détriment de nos agriculteurs et notre dépendance à des importations souvent moins strictes en matière sanitaire et environnementale ». Annie Genevard annonce poursuivre son travail d’« harmonisation des règles phytopharmaceutiques en Europe » auprès de la Commission européenne, « afin que les décisions soient prises au niveau européen et non plus au niveau national ». Et la ministre de l’Agriculture d’appeler les consommateurs à un « sursaut de patriotisme alimentaire » : « Achetez français […] la souveraineté alimentaire commence dans le caddie », affirme Annie Genevard, citée dans le communiqué.
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Quelles sont les réactions des syndicats agricoles après la décision du Conseil constitutionnel ?
Du côté des syndicats agricoles, les réactions ne se sont pas non plus fait attendre. Dans un communiqué le 7 août, l’alliance syndicale FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA) a salué une décision du Conseil constitutionnel qui « pose des bases essentielles et attendues sur des sujets clés ». Et ce « malgré la décision de censurer les articles 2 et 8 qui laisse certaines filières dans l’impasse », regrettent les syndicats, qui appellent à les reprendre « rapidement […] dans un prochain texte agricole ». « Les engagements politiques doivent être tenus », soutiennent la FNSEA et les JA, rappelant que la PPL Duplomb était « une réponse concrète aux attentes exprimées par les agriculteurs lors des mobilisations de l’hiver 2024 ». Plus globalement, l’alliance syndicale FNSEA-JA affirment que la PPL Duplomb « a ouvert un débat de société légitime » auquel les syndicats veulent répondre par « un dialogue franc et respectueux ».
De son côté, la Coordination rurale (CR) se veut plus critique de la décision des Sages. Dans un communiqué le 7 août, le syndicat dénonce que « l’agriculture n’est rien pour eux par rapport à l’environnement […] Les 400 000 agriculteurs ne sont rien par rapport à 2 millions de pétitionnaires ». « Peu importe pour eux si les standards sanitaires, sociaux, et environnementaux des produits étrangers que nous consommerons demain sont largement inférieurs à ceux imposés à l’agriculture française » regrette la CR, qui invite les consommateurs à « favoriser les produits français ».
La Confédération paysanne dénonce aussi la décision du Conseil constitutionnel, regrettant pour sa part une « sombre victoire pour l’agro-industrie ». Dans un communiqué le 7 août, le syndicat qui avait déposé une contribution extérieure au recours juge que la décision sur l’acétamipride « n'est qu'une victoire en demi-teinte ». La Conf’ appelle à « amplifier la mobilisation » contre la PPL Duplomb dès la rentrée.
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