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« Deux ateliers porc et bovin dans le Cantal pour être ensemble tout en étant indépendants »

Si la production porcine a permis à Benoît Julhes de s’installer, la complémentarité avec les bovins a donné à l’exploitation une plus grande solidité qui permet aujourd’hui de nouvelles évolutions.

Le Gaec Julhes, dans le Cantal, se préparait à devenir ce 1er avril le Gaec du Puech Laborie et à vivre au cours des prochains mois de profondes évolutions. Jean-Pierre et Benoît Julhes, à la tête d’un élevage allaitant de 80 salers et d’un atelier porcin de 100 truies productives naisseur engraisseur, s’associent à un voisin, Henri Calvet, éleveur laitier avec 40 vaches. Ils vont réunir 178 ha de SAU. Le cheptel allaitant va être divisé par deux tandis que le troupeau laitier va doubler et s’installer dans la stabulation des salers après réaménagement. Et, à la fin de l’année, Jean-Pierre Julhes va céder la place à la sœur de leur nouvel associé, Marie-Françoise Calvet. Benoît Julhes anticipait depuis plusieurs années le départ en retraite de son père. Mais, face à l’impossibilité de conserver seul les deux productions, aucune solution ne paraissait évidente. « Je n’arrivais pas à me résoudre à l’idée d’arrêter un des ateliers. Je le voyais comme un échec face au défi que je m’étais lancé il y a dix ans de m’installer en production porcine et comme un gâchis par rapport à cette optimisation de la complémentarité entre bovins et porcins que nous avons construite. » Après avoir exercé pendant cinq ans le métier de technicien porcin à la coopérative dont il est aujourd’hui le président (CAPP du groupe Altitude à Aurillac), il a franchi le pas de l’installation en 2011 en créant sa propre activité. Volonté tout à la fois de « faire [ses] preuves », de ne pas être dépendant d’un foncier en fermage à l’avenir incertain – il a été acheté depuis – et de ne « pas mettre tous les œufs dans le même panier ». « À deux sur la même surface (110 ha de SAU), rien qu’en optimisant les aides Pac et en limitant les investissements, j’aurais pu dégager un revenu, comme beaucoup le faisaient. Mais, développer un nouvel atelier nous permettait d’être ensemble tout en ayant un peu d’indépendance l’un par rapport à l’autre. Mon père ne souhaitait pas non plus que je sois dépendant du même système que lui. »

La taille de l’atelier optimise les investissements et la main-d’œuvre

Les dix ans qui ont suivi ont montré l’opportunité du choix de la production porcine. À commencer par la main-d’œuvre. L’atelier porcin fonctionne en sept bandes de 14 truies avec sevrage à trois semaines et demie (7 bandes d’affilée le lundi puis 7 bandes le jeudi). « Ce système me va bien en termes d’organisation du travail. Pendant neuf jours d’affilée, il n’y a rien à faire sur le cheptel. C’est une bonne taille d’atelier qui optimise bien les investissements (machine à soupe…) et l’usage de la main-d’œuvre et qui ne rend aucune tâche trop astreignante. Le bâtiment est très optimisé. Je travaille seul et je fais au maximum 35 heures par semaine sur l’atelier porc. Ça me libère du temps pour d’autres tâches sur l’exploitation (travail administratif…) Et, il y a une bonne complémentarité dans l’organisation du travail entre ces deux ateliers qui fonctionnent à des rythmes différents : très régulier pour les porcs et très saisonnier pour les vaches allaitantes. » En charge de plusieurs responsabilités professionnelles, le jeune éleveur fait appel au service de remplacement deux jours par semaine. Mais, peu sur l’atelier porcin car il n’est pas facile d’avoir de la main-d’œuvre spécialisée en remplacement. C’est plutôt son père qui intervient si nécessaire. La recherche de la performance technique en élevage porcin a aussi influencé la conduite du troupeau allaitant « vers plus de rigueur », ajoute Benoît Julhes.

Le lisier de porc fait économiser 6 000 euros par an

S’il est un autre point positif qu’ont amené les porcs, c’est la valeur fertilisante du lisier. « Mon père n’utilisait pas d’azote minéral, explique-t-il. Il était tributaire des aléas climatiques et devait acheter de la paille et du concentré pour compenser le déficit fourrager chronique du troupeau allaitant. Le lisier de porc a permis d’être totalement autonome sur le plan fourrager et de réduire d’un tiers les achats de concentré. » Il a permis aussi de libérer 10 hectares pour produire des céréales. « Avec le lisier de porc, toutes charges comprises, le seuil de rentabilité des céréales se situe à 40 quintaux par hectare. Avec un rendement moyen de 50-60 quintaux, c’est une production tout à fait intéressante. » L’exploitation a pu aussi développer l’engraissement de génisses. Les porcs ont apporté les 25 unités d’azote par hectare qui manquaient (pour des besoins totaux de 105 u) pour atteindre l’autonomie fourragère, tout en réduisant légèrement la surface consacrée à l’herbe et sans dégrader la biodiversité prairiale. Le Gaec n’utilise que le quart du lisier de porc. Le reste est donné à des voisins. La Cuma prévoit de s’équiper prochainement d’une tonne à lisier avec rampe à pendillards. « Nous chiffrons l’économie annuelle d’engrais azoté à 3 000 euros par exploitation. » En ajoutant des économies d’échelle sur les charges de structure, Benoît Julhes estime que l’atelier porcin permet d’économiser environ 6 000 euros de coûts par an.

Le porc nous a permis d'investir

Cette complémentarité économique entre bovins et porcins se traduit bien évidemment dans le revenu de l’exploitation. « Depuis dix ans, la moitié des années a été plus favorable aux bovins et la moitié aux porcins, mais, dans ce cas, de manière beaucoup plus importante. Ces deux dernières années, le porc nous a permis de réaliser des d’investissements, de rembourser le compte courant associé de mon père en prévision de sa sortie du Gaec et de mettre un peu d’argent de côté pour préparer l’avenir. » Un avenir dont la nouvelle page va désormais s’écrire avec des porcs et des vaches laitières principalement, tout en gardant « une grande capacité d’adaptation » à de nouvelles complémentarités. À plusieurs, tous les projets sont envisageables.

Chiffres clés (depuis le 1er avril 2021)

178 ha de SAU dont 15 ha de céréales pour les bovins
100 truies productives naisseur engraisseur ; 12,7 porcelets sevrés par truie ; 3 300 porcelets sevrés par an dont 3 000 engraissés en charcutiers
Montée progressive à 80 vaches Montbéliardes pour produire 530 000 litres de lait
Baisse du cheptel allaitant à 35 vaches salers pour exploiter des surfaces éloignées
3 UMO

Benoît Julhes, président de la CAPP

« Proposer une diversité de modèles de production »

« Pour développer des vocations porcines dans notre territoire, il ne faut pas proposer un modèle unique d’atelier porcin, mais différents types d’ateliers adaptés à la physionomie et aux besoins de chaque exploitation. On peut s’installer spécifiquement sur le cochon. J’incarne cette possibilité. Mais, une exploitation plus diversifiée, avec par exemple une taille d’atelier plus petite, un investissement optimisé et une partie de vente directe, est aussi envisageable. Il ne faut pas opposer les systèmes. Il y a une diversité de modèles possibles, avec du multifilière, du long, du court, où chacun peut trouver sa place. C’est en montrant qu’il y a tout un tas de productions porcines possibles que nous susciterons des envies plutôt que par un système ultra-spécialisé dans lequel la marge de manœuvre est réduite. La production porcine conçue en complémentarité d’autres ateliers a toute sa place dans un tissu agricole diversifié et répond à une attente sociétale en ce qui concerne le modèle de développement agricole et territorial. »

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