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Comment identifier les risques de caudophagie en élevage de porcs

L’Ifip a adapté en France l’outil d’audit allemand Schwip qui permet d’identifier et de corriger en élevage les facteurs de risque de caudophagie. L’objectif est de réduire progressivement le recours à la coupe des queues.

La coupe de la queue n’est pas autorisée de façon systématique dans les élevages. Réglementairement, si un éleveur constate des morsures de la queue des porcs, il doit mettre en œuvre des mesures correctrices.

Si les morsures persistent, il peut continuer la caudectomie, mais doit parallèlement améliorer ses pratiques d’élevage. S’il ne constate pas de morsures sur une période de six mois, il doit essayer, progressivement, d’arrêter de couper la queue des porcs. Un outil d’audit, intitulé Schwip, a été développé en Allemagne depuis une dizaine d’années pour accompagner les éleveurs et les conseillers techniques. Il permet de faire le point sur les facteurs de risque de morsure et d’identifier les axes sur lesquels l’éleveur peut travailler pour limiter ces risques. La conceptrice de cet outil, Sabine Dippel, de l’institut de recherche allemand FLI, l’a partagé avec l’Ifip et a contribué à son adaptation française.

Une analyse exhaustive de la situation de l’élevage

L’objectif de l’audit est d’obtenir une vue d’ensemble des forces et des faiblesses de l’élevage concernant le risque de morsure de la queue, et d’aider l’éleveur à améliorer la situation. Comme un élevage résulte en général de rénovations et d’agrandissements qui ont accompagné son développement, il va se focaliser sur le bâtiment ou le type de salle dans lequel des morsures sont observées de façon récurrente, soit en post-sevrage, soit en engraissement. Il peut également servir à identifier des facteurs de risque potentiels, préalablement à un essai avec quelques cases de porcs à queue longue. Dans ce cas, l’audit se fera préférentiellement sur la partie post-sevrage, puis sur la partie engraissement. La réalisation d’un audit comporte une première partie d’échange avec l’éleveur sur son élevage et sa conduite (1 heure) et de recueil de documents (performances, composition des aliments, contrôles divers sur l’élevage…). Elle est suivie d’une visite de l’élevage, avec des contrôles sur la distribution d’eau (débit), l’ambiance dans les salles, le comportement et l’état des animaux… (2 heures). Les données saisies dans le calculateur permettent de générer un rapport le jour même, d’en discuter avec l’éleveur et d’envisager un plan d’action. Au final, la démarche complète prend de quatre à six heures pour un bâtiment. Comme de nombreux facteurs peuvent entraîner un risque de morsure de la queue, l’outil comporte des questions sur des indicateurs majeurs pour différents domaines : conduite, logement, ambiance, santé, hygiène, alimentation/abreuvement, performances, comportement, observation de porcelets en maternité. Au total, plus de 180 questions sont recensées pour couvrir ces aspects pour le post-sevrage et l’engraissement. Les dix principaux facteurs identifiés sont détaillés sur un graphique (figure 1), à la fois pour les facteurs de risque (en rouge), mais aussi pour les points forts de l’élevage (en vert). Des écrans complémentaires reprennent l’ensemble des facteurs classés par ordre d’importance décroissante et apportent une explication sur les facteurs. Des solutions sont proposées (figure 2) : l’amélioration pourra être apportée directement par l’éleveur, ou il pourra être amené à faire appel à un expert selon le domaine concerné (ventilation, nutrition, santé…).

Une adaptation de l’outil aux conditions françaises de production

Pour identifier les facteurs de risque principaux dans un élevage, il est nécessaire d’apporter une pondération à chaque facteur ; elle sera élevée si le risque associé est fort (par exemple s’il y a un mauvais fonctionnement des abreuvoirs) ou faible si le facteur n’est pas déterminant sur l’apparition de morsures, voire limite le risque. Pour adapter l’outil aux conditions françaises, les ingénieurs de l’Ifip ont d’abord fait appel à quelques experts pour compléter la liste des facteurs de risque de l’outil d’origine en prenant en compte les spécificités françaises : par exemple, nous avons introduit plusieurs questions sur l’alimentation en soupe (nombre et fréquence des repas, fiabilité du système de distribution…). La pondération des facteurs a été réalisée en questionnant des vétérinaires, conseillers ou chercheurs, via une enquête en ligne, et en leur demandant de classer chaque facteur sur une échelle de -100 (limite fortement le risque de morsures) à +100 (risque très important). Les réponses obtenues vont de -60 à +60. Une amplitude moins importante qu’en Allemagne, où elles vont de -95 à +95. Les professionnels allemands semblent avoir des positions plus tranchées, car ils sont confrontés au risque de morsure depuis plus longtemps (dans certains Länder ou certains cahiers des charges, l’arrêt de la coupe de la queue a été mis en place depuis de nombreuses années). Cependant, la corrélation entre les pondérations des deux pays est élevée et traduit une bonne concordance dans l’évaluation. Dans l’outil français d’audit, les deux systèmes de pondération sont accessibles ce qui permet d’enrichir l’appréciation de la situation.

Une phase de test en élevage

Schwip a été testé par des techniciens et des vétérinaires dans 30 situations d’élevages, 15 en post-sevrage et 14 en engraissement. Pour l’ensemble des audits en post-sevrage, 34 facteurs sont ressortis dans le top 10 des facteurs de risque, ce qui illustre la variabilité des situations d’un élevage à l’autre. La situation est la même en engraissement. Les utilisateurs et les éleveurs ont apprécié la présentation des résultats qui est à la fois claire, ludique, visuelle et pédagogique et permet de balayer et discuter l’ensemble des points à améliorer. Sa mise en œuvre est toutefois longue. De ce fait, elle peut difficilement être envisagée en évaluation systématique. Elle peut néanmoins permettre aux conseillers d’envisager l’ensemble des dimensions à prendre en compte dans une approche du risque de morsures en élevage, et ainsi les aider dans leur démarche de conseil.

Repères

Les principaux facteurs de risques ressortis dans les post-sevrages audités

Absence de litière dans la case
Nombre de porcs par abreuvoir trop élevé
Pas de matériaux organiques
Rayons directs du soleil dans la salle
Pas de zone de couchage distincte
Pas de transitions alimentaires
Pas de case d’infirmerie ou d’isolement
Température insuffisante dans la zone de couchage
Abreuvoirs sales
Âge au sevrage faible (pour certains porcelets)

Un outil de progrès partagé

Schwip est un outil technique développé pour faciliter le conseil en élevage et progresser collectivement sur le sujet. Il est disponible sous forme de tableur. Sa diffusion est assurée via une formation par l’Ifip comportant une phase théorique et une phase pratique en élevage. En retour de la mise à disposition gratuite de l’outil, les personnes formées s’engagent à retourner vers l’Ifip les audits réalisés sous forme anonymisée. Ceci permettra collectivement de mieux cerner les principaux facteurs de risques présents dans les élevages français. À terme, il est prévu de mettre en ligne cet outil avec une grille d’audit simplifié et une grille d’audit complète, afin de faciliter la saisie et la valorisation des données.

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