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L’effet cocktail des boues d’épandage sur la fertilité

Un programme de recherche européen a montré que l’exposition de brebis en gestation à des contaminants chimiques présents dans les boues d’épuration épandues sur les pâturages entraîne des altérations des fœtus.

L’épandage de boues urbaines sur les prairies semble avoir de sérieuses conséquences sur la fertilité des brebis lorsqu’elles sont exposées durant leur vie fœtale. © C. Gloria
L’épandage de boues urbaines sur les prairies semble avoir de sérieuses conséquences sur la fertilité des brebis lorsqu’elles sont exposées durant leur vie fœtale.
© C. Gloria

L’épandage de boues issues de station d’épuration sur les sols agricoles est une pratique courante en Europe où des dizaines de tonnes de matière sèche sont épandues chaque année en servant de fertilisant. Ces boues peuvent contenir des éléments traces métalliques (cuivre, chrome, plomb, etc.), des micropolluants organiques (pesticides, HAP), des polluants émergents (résidus pharmaceutiques, perturbateurs endocriniens). Un projet européen, mené par l’Inra en France et l’Institut James Hutton et les universités de Nottingham et d’Aberdeen au Royaume-Uni, a montré les effets délétères de ces contaminants chimiques sur les brebis et leurs fœtus en pâture sur ces champs.

Des conditions de terrains pour l’expérimentation

Inséminés au même moment, cinq lots de 14 brebis Texel ont été placés sur des prairies écossaises ayant reçu ou non des boues d’épuration puis euthanasiées après 140 jours de gestation. « Nous avons mis les brebis en conditions de terrain avec un épandage de 225 kilos de boue par hectare et, conformément à la réglementation européenne, un pâturage au moins trois semaines après l’épandage, explique Corinne Cotinot, chercheuse à l’Inra de Jouy-en-Josas. Les boues respectaient les limites seuils à ne pas dépasser pour chacun des polluants ».

Masculinisation des agnelles et fœtus de faible poids

Premier enseignement, le poids des fœtus femelles des brebis exposées (3,6 kilos en moyenne) est très inférieur à celui des fœtus dont les mères ont pâturé sur des prairies saines (5 kilos). La distance ano-génitale, entre l’anus et la base du sexe, est aussi plus importante chez les animaux sur pâture contaminée que sur les pâtures saines. « Cette observation traduit une masculinisation des femelles liées à un surplus de substances ayant un effet semblable aux androgènes » commente Corinne Cotinot. Autre changement observé, les glandes thyroïdiennes des brebis contaminées étaient plus lourdes (308 mg) que celles sur pâture saine (220 mg). Le poids de l’utérus est aussi plus réduit chez les brebis contaminées. En observant le développement des ovaires fœtaux, les chercheurs franco-britanniques ont compté beaucoup moins de follicules (précurseurs des ovules) en bon état. « Cette altération du stock d’ovocytes fœtaux aura des conséquences à long terme sur la fertilité des femelles adultes » craint Corinne Cotinot. L’étude a aussi montré que l’exposition pendant la deuxième moitié de la gestation est la plus néfaste en termes de diminution du nombre d’ovocytes sains. Or, le nombre d’ovocytes présents dans l’ovaire à la naissance est déterminé pendant la vie fœtale pour toute la vie de l’individu.

Au-delà des effets sur les animaux et leur capacité à se reproduire, ces résultats interrogent sur les effets potentiels des polluants sur la santé reproductive des humains. « De très faibles doses de chacun des contaminants peuvent induire des effets délétères car il existe un effet synergique des dizaines voire des centaines d’autres composés chimiques présents dans l’environnement, conclut la chercheuse. C’est la dangerosité de l’effet cocktail. »

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