En Aveyron, des éleveurs bio travaillent la sélection génétique de la lacaune lait
Le service élevage de la Confédération générale de Roquefort, entreprise de sélection de la race lacaune lait, innove en intégrant des éleveurs en agriculture biologique dans le schéma de sélection et le contrôle laitier officiel.
Le service élevage de la Confédération générale de Roquefort, entreprise de sélection de la race lacaune lait, innove en intégrant des éleveurs en agriculture biologique dans le schéma de sélection et le contrôle laitier officiel.

Treize élevages sont aujourd’hui engagés en sélection lacaune lait et en agriculture biologique (AB). Le groupe s’est constitué courant 2020, sous l’impulsion du service élevage de la Confédération générale de Roquefort (CGR) en réponse à une attente forte de plusieurs éleveurs en AB. Ce projet, baptisé « CLO bio » pour “contrôle laitier officiel en agriculture biologique”, a formellement démarré en octobre 2021.
« La grande majorité des membres du groupe avaient dû quitter le noyau de sélection lacaune lait lors de leur conversion en AB, faute d’un protocole de reproduction simple dans sa mise en œuvre, n’utilisant pas d’hormones de la reproduction (interdites en AB) et permettant d’assurer le suivi des généalogies, rappelle Benoît Nougadère, animateur du projet CLO bio. Tous regrettaient d’avoir été contraints à ce choix et restaient très motivés par la perspective de pouvoir réintégrer un jour la sélection officielle de leur race. »
Intégrer la monte naturelle dans le schéma

Dans l’attente de solutions techniques et d’un projet global intégrant la gestion de la reproduction en monte naturelle et les modalités exigeantes de la sélection génétique en race lacaune, les élevages bio avaient été un peu délaissés sur ce plan depuis les premières conversions, sans possibilité d’inscrire pleinement leurs troupeaux dans l’action collective d’amélioration génétique.
À l’issue de la forte vague de conversion en AB des années 2010, le service élevage de la CGR a souhaité ouvrir la réflexion, avec l’objectif de concrétiser rapidement l’entrée d’élevages bio dans le schéma collectif de sélection lacaune lait pour rester fidèle au principe d’une race sélectionnée dans toute la diversité des systèmes et des terroirs de son bassin d’origine.
« Les objectifs à moyen et long terme de la création de ce CLO bio sont multiples : le renforcement de l’amélioration génétique des troupeaux Lacaune lait bio, la création d’une offre de reproducteurs bio sur la base des garanties sanitaires strictes et des hautes valeurs génétiques attestées du noyau de sélection (la réglementation AB n’autorise plus que sur dérogation les éleveurs à acquérir des reproducteurs conventionnels, s’il n’existe pas d’offre en bio), la satisfaction et l’entretien de l’appétence des éleveurs pour la sélection », liste Benoît Nougadère.
Un seul noyau de sélection bio et conventionnel
Cette initiative permet en outre, au bénéfice de tous, d’alimenter les réflexions ouvertes ces toutes dernières années sur la reconception des systèmes de reproduction en ovin lait, et plus particulièrement en race lacaune.
D’un point de vue opérationnel, une animation du groupe a vu le jour, afin de co-construire le protocole entre les éleveurs et le service élevage de la CGR, dans le respect des exigences de l’AB et du schéma de sélection lacaune lait. L’idée était de prendre en compte les désirs des éleveurs, leurs limites en termes de travail supplémentaire, tout en gardant une vraie perspective de création de progrès génétique.
Avec un impératif partagé par tous dès le départ : il ne s’agissait pas de construire un schéma de sélection “bis” mais d’intégrer le noyau de sélection unique de la race, dans le strict respect du programme de sélection et des exigences de l’organisme de sélection Upra lacaune. Ainsi le suivi technique et sanitaire, les mesures des performances individuelles et l’évaluation génétique sont identiques entre le protocole CLO bio et le protocole originel de sélection génétique de la race, cherchant à optimiser la reproduction dans les élevages sélectionneurs et maximiser le progrès génétique créé.
Maximum trois luttes par bélier

Côté reproduction, un protocole basé sur la monte naturelle est mis en œuvre dans les élevages CLO bio afin de respecter leur souhait de maîtrise de l’organisation du travail lors des périodes de luttes et de mise bas. « Pour chaque élevage, un plan de monte spécifique avec un renouvellement rapide des béliers est construit. Chaque année, les béliers sont choisis par le responsable du schéma parmi les agneaux "élite" du programme de sélection, afin de maximiser le progrès génétique des troupeaux et d’assurer leur connexion avec l’ensemble des élevages du noyau de sélection », explique Benoît Nougadère. Dans les faits, les béliers réalisent de une à trois luttes au sein des troupeaux pour éviter tout risque de consanguinité.
La connaissance complète et la gestion des généalogies est possible en faisant appel au génotypage : à partir d’un simple prélèvement de cartilage, il est possible d’assigner la paternité de la descendance. Comme chez les éleveurs-sélectionneurs conventionnels, l’indexation des brebis mères du troupeau permet d’identifier des agneaux d’intérêt pour le schéma de sélection. Ainsi, après une évaluation génomique pour confirmer leur potentiel d’amélioration génétique, ces jeunes mâles sont diffusés dans le schéma par la vente de reproducteurs ou par l’insémination.
Des premiers béliers bio en centre d’insémination
« En 2025, soit quatre ans après le début du projet, nous pouvons nous satisfaire d’avoir intégré des jeunes mâles issus d’élevages CLO Bio au centre d’insémination», souligne Benoît Nougadère.

Grâce au développement de ce projet, il est maintenant possible pour les éleveurs bio qui le souhaitent de se fournir en reproducteurs mâles et femelles de haute qualité génétique et sanitaire, qui sont nés et élevés sous certification AB dans une diversité de systèmes d’élevage bio permettant de satisfaire la demande de tous les acheteurs.
La commercialisation des animaux issus du schéma de sélection est réalisée par le partenaire GID lacaune (organisation de producteurs des éleveurs sélectionneurs du service élevage de la CGR, spécialisée dans la vente de reproducteurs), en cherchant pour autant à favoriser au maximum un lien direct entre l’éleveur acheteur et l’éleveur naisseur.
Au niveau du service élevage de la CGR, environ 620 élevages (sélectionneurs ou non) sont suivis en contrôle laitier chaque année, dont 13 % sont en AB. Ainsi au vu des résultats génétiques obtenus sur les premières années de ce projet innovant, ceci laisse un bon espoir de progression et de diffusion du CLO Bio.
« Ce travail pourra également servir à tous les éleveurs laitiers en améliorant le suivi et le conseil de la reproduction en monte naturelle stricte et en proposant un accompagnement dans l’amélioration génétique des troupeaux », souligne Benoît Nougadère.