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En Nouvelle-Zélande
Deux fromagers bretons chez les Kiwis

Morgane Jan et Thomas Quélen ont passé quatre mois dans une exploitation de brebis laitières en Nouvelle-Zélande, où la production de fromage au lait de brebis débute timidement.

Initier les habitants au fromage de brebis dans un pays célèbre pour compter plus de moutons que d’habitants semble paradoxal. Pourtant, la Nouvelle-Zélande a beau être le premier exportateur mondial de produits laitiers et se classer au septième rang en termes de production de lait, cela ne concerne que celui issu des vaches.

Alors que le gouvernement tente d’améliorer la rentabilité de la filière (voir encadré), Morgane Jan, 24 ans, et Thomas Quélen, 26 ans, sont venus en tant que woofeurs dans l’archipel pour perfectionner leurs fromages de brebis avant d’ouvrir leur propre exploitation dans leur Bretagne natale à l’horizon 2021.

Les Néo-Zélandais découvrent le fromage de brebis

Ce 28 décembre, le couple vend, comme chaque samedi et dimanche depuis septembre et jusqu’à mi-janvier - période de lactation des 112 brebis frisonnes de leur exploitation de 23 ha - ses productions au marché de Kerikeri, ville de 6 500 âmes située au nord-est du pays. « Merci de parler doucement. Nous sommes français », prévient un drapeau tricolore imprimé, soigneusement collé sur la vitrine réfrigérée à destination des clients anglophones.

Cinq des huit fromages proposés s’avèrent d’ailleurs inspirés des recettes hexagonales - deux fromages frais dits « Tihi » (« fromage » en Maori) affinés à trois et dix jours, une tomme, de la raclette et du « Baabeer », un type de reblochon lavé à la bière pendant trois semaines. Auxquels s’ajoutent habituellement un genre de camembert et un maroilles « qui marche étonnamment bien, peut-être parce qu’on l’a rebaptisé ‘’le Frenchie’’ », souligne Morgane Jan, précisant avoir été « dévalisée » le week-end précédant Noël.

Or, en dehors des fêtes, les Kiwis consomment environ trois fois moins de fromage qu’en France - 8,5 kg annuels par habitant en 2017 contre 26,4 kg. « La première fois, on a fait 40 litres de camembert. On a dû en jeter les trois quarts », se souvient la fromagère spécialisée en produits fermiers. Depuis, le couple, qui travaille bénévolement en échange d’un logement et du dédommagement des frais alimentaires et de carburant, a divisé sa production par quatre pour culminer à 180 kg par semaine en début de saison contre 60 kg entre fin décembre et mi-janvier.

Matériel et ferments importés

Morgane Jan impute ce faible appétit aux prix « au moins deux fois plus élevés qu’en France […] Puisqu’il n’y a pas du tout de culture fromagère, on est obligés d’importer le matériel de fromagerie et les ferments de France et des États-Unis », explique-t-elle.

Mais le principal défi consiste à vaincre les préjugés des Néo-Zélandais peu habitués à trouver du fromage de brebis sur leurs étals. « Ils sont assez réticents parce que, dans leur mentalité, le fromage est issu du lait de vache et les brebis ne produisent que de la viande, constate la native du Morbihan. Mais il y a tout de même des personnes qui ne voulaient pas goûter et aiment bien maintenant ! », relativise-t-elle.

Alternative au lait de vache

Heureusement, leur clientèle comprend un bon tiers de Français, comme Andoni Fagoaga et Julien Pachelu, respectivement venus travailler en Nouvelle-Zélande en tant que chocolatier et pâtissier. Ils ont fait un détour par le marché après avoir vu un post de Morgane Jan sur Facebook car « ce n’est pas facile de trouver du bon fromage ici. » Encore moins de brebis.

« Ça va venir, estime la fromagère, optimiste. Les consommateurs pensent qu’il s’avère meilleur pour la santé et qu’il est produit de manière moins industrielle [ce qui est le cas pour les cinq à six producteurs néo-zélandais actuels tandis que les gros exploitants de lait de brebis exportent majoritairement leur production brute vers les pays asiatiques, NDLR]. On a aussi quelques clients intolérants au lait de vache qui se tournent vers le brebis. »

De l’autre côté du globe également, ce fromage demeure en retrait - 63 000 tonnes produites en 2018 contre 1,7 million de tonnes pour celui au lait de vache -. « On a largement plus de diversité en vache, alors qu’avec le brebis on peut tout faire ! », assure Thomas Quélen. Raison de plus pour s’installer en Bretagne où cette production commence à se développer. C’est précisément dans sa région que le Finistérien a eu le déclic, après avoir effectué un stage dans une des rares exploitations de brebis fromagères. Il s’est ensuite formé au conseil en élevage ovin lait. De son côté, Morgane Jan, fille d’éleveurs de bovins laitiers, a été séduite par le meilleur rendement en fromage de ce lait plus riche en protéines et en matières grasses.

Installations faites main

Certes déçus par le manque d’enthousiasme des Kiwis, leur passage dans cette exploitation « peu productiviste » leur a tout de même permis de découvrir « plein d’installations qui demandent peu de moyens mais qui facilitent la vie. » Parmi elles, des presses fabriquées artisanalement avec des planches en bois et des poids, beaucoup moins onéreuses que les vérins souvent utilisés en France. Ou encore un quai d’embarquement des agneaux qui permet de préserver le dos des éleveurs.

Le couple réfléchit aussi à mettre en place un pâturage tournant dynamique qui nécessite de changer les brebis de parcelle tous les jours pour qu’elles se nourrissent en permanence d’herbe de qualité. Pourquoi pas enfin développer à l’avenir une gamme de fromages à présure végétale, seule utilisée dans l’archipel alors qu’elle demeure chez nous extraite de l’estomac des jeunes ruminants. Ce qui est certain, c’est que les Bretons n’auront plus à se soucier des débouchés de retour au pays des 1 000 fromages !

Sheep and goat dairy project

Le gouvernement néo-zélandais finance, entre janvier 2019 et mars 2020, un « projet laitier ovin et caprin » visant à renforcer l’ensemble de filière. Depuis un an, une dizaine de consultants indépendants analysent donc la chaîne de la production à la consommation. Cela doit permettre de trouver de nouvelles opportunités d’exportation. Mais aussi de pointer les besoins en infrastructures afin d’augmenter la quantité de lait transformé. L’objectif final consiste à passer d’initiatives locales ou régionales à un leadership national capable de répondre à la demande mondiale d’un lait de meilleure qualité, plus nutritif et respectueux de l’environnement.

Plus d’infos sur sheepandgoatmilk.nz

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