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Des pistes pour lutter contre les mammites

Le projet Mamovicap a exploré la traite, la sélection génétique ou l’examen clinique des mamelles pour limiter les infections mammaires. Résultats de recherches.

Le 21 février dernier, une soixantaine de personnes — techniciens, vétérinaires ou agents de laiterie — se sont réunies à l’École nationale vétérinaire de Toulouse pour écouter les conclusions du programme Casdar Mamovicap qui vise à mieux maîtriser les mammites des ovins (et des caprins) laitiers. « Ce projet multipartenarial et pluridisciplinaire a duré trois ans, de 2013 à 2016, explique Renée de Crémoux, vétérinaire à l’Institut de l’Élevage. En mettant la santé de la mamelle au cœur des études, Mamovicap a permis d’explorer de nouveaux outils d’investigation des facteurs de risque des infections mammaires chez les petits ruminants laitiers et ainsi contribuer à une meilleure maîtrise de la santé des mamelles ».

Des machines à traire qui manquent parfois de débit

En analysant les 1 800 bilans Opti’traite (contrôle technique régulier des installations de traite) du Rayon de Roquefort et les près de 800 des Pyrénées-Atlantiques, Jean-Louis Poulet de l’Institut de l’Élevage a observé des différences entre les deux bassins laitiers. Les salles de traites du rayon de Roquefort ont 20 ans d’âge en moyenne. Quatre sur dix ont 24 postes et trois sur dix en ont 12. Les deux tiers ont un lactoduc en ligne haute et 38 % sont équipés de systèmes de dépose automatique des faisceaux trayeurs, qui consistent en une temporisation en ovins.

Dans les Pyrénées-Atlantiques, les troupeaux sont plus petits (276 brebis contre 358 en zone Roquefort) et les installations plus jeunes (13 ans en moyenne). Deux installations de traite sur trois disposent de 12 postes. Si elles ne sont que 12 % à être équipées de déposes automatiques, plus d’un tiers ont des clapets automatiques de fermeture de vide. Près de trois installations pyrénéennes sur quatre ont un lactoduc en position basse.

Dans les deux zones étudiées, le rapport entre le débit maximum du lactoduc et celui de la traite est à peine supérieur à un. « Il faut pourtant viser un rapport de 1,4 à 1,6 car, sinon, on peut avoir des soucis d’engorgement du lait, surtout en début de lactation » alerte Jean-Louis Poulet. De même, la réserve de vide est insuffisante dans 23 % des installations de Roquefort et dans 13 % de celles des Pyrénées-Atlantiques. « Ces réserves de vides ont pu être bonnes à un moment donné, mais l’installation a pu évoluer, notamment si l’on ajoute des postes de traites sans augmenter la capacité de la pompe à vide ».

Des traites rallongées par la surtraite

Grâce à des outils expérimentaux, l’Institut de l’Élevage a pu mesurer en continu les variations de vide et les émissions de lait à la ferme expérimentale Inra de La Fage et au lycée agricole de Saint-Affrique dans l’Aveyron. Les courbes de débit et de niveaux de vide ont aussi été analysées lors de simulations d’entrées d’air au niveau de l’embouchure ou d’engorgement, par bouchage des orifices calibrés.

Des données ont enfin été collectées dans quinze élevages ovins, 10 du rayon de Roquefort et 5 des Pyrénées-Atlantiques. Premier enseignement, les traites sont plus longues dans les Pyrénées-Atlantiques, de l’ordre de 2 minutes et 30 secondes par brebis contre 2:10 en zone Roquefort. Mais cette durée moyenne s’explique surtout par une surtraite de 1:09 dans les Pyrénées contre 38 secondes tout de même en Roquefort. « En Pyrénées-Atlantiques, la surtraite représente en moyenne près de la moitié de la traite totale » regrette Jean-Louis Poulet de l’Institut de l’Élevage.

L’observation directe de ces traites a permis de détecter des anomalies de traite. Par exemple, dans les Pyrénées-Atlantiques, près de la moitié des mamelles sont manipulées en fin de traite. Pourtant, « le massage des mamelles en fin de traite ne permet de récupérer qu’une faible quantité de lait mais chahute largement le vide dans le faisceau trayeur » prévient l’ingénieur traite.

Les Pyrénées sélectionnent sur les cellules

La race Lacaune a intégré le critère de comptages de cellules somatiques dans sa sélection en 2005. Plus de dix ans après, le niveau cellulaire moyen s’est stabilisé dans les troupeaux dans le rayon de Roquefort. Par comparaison, alors qu’il y avait 550 000 cellules par ml en moyenne en Roquefort en 2016, le niveau cellulaire moyen atteignait 890 000 dans les Pyrénées-Atlantiques (voir courbes). La mise en place précoce du paiement à la qualité cellulaire dès 1993 dans la zone Roquefort, contre 2013 dans les Pyrénées peut aussi expliquer cette différence. D’autant que les pénalités peuvent atteindre 95 euros les mille litres en Roquefort contre 28 en Pyrénées-Atlantiques.

L’efficacité de la sélection sur les cellules dans le lait a inspiré les races ovines laitières des Pyrénées qui ont décidé en 2016 d’inclure ce critère dans leur schéma de sélection. Désormais, 9 % des efforts génétiques sont orientés vers ce caractère. Cette timide entrée du critère cellule (il est de 25 % en Lacaune) s’explique en partie par une corrélation génétique défavorable avec la production de lait. « En sélectionnant sur les cellules, on réduit le gain génétique sur le lait et il faut faire un compromis entre caractères de production et caractères fonctionnels » explique Jean-Michel Astruc de l’Institut de l’Élevage. Un index sur le critère cellule est diffusé depuis le printemps 2016 pour la sélection des Manechs tête noire, Manechs tête rousse et Basco-béarnaises.

Afin d’évaluer l’impact et l’efficacité d’une sélection génétique sur les mammites, l’Inra a créé en 2005 deux lignées divergentes sur les cellules. Le troupeau ovin lait de l’unité expérimentale de La Fage dans l’Aveyron contient deux sous-populations, l’une sensible aux mammites avec plus d’un million de cellules et l’autre plus résistante avec seulement 300 000 cellules en moyenne. La quantité de lait produite et sa composition sont similaires dans les deux lignées car les pères choisis étaient non divergents sur la quantité de lait produite et les taux. En revanche, entre les deux sous-troupeaux, les bactéries pathogènes sont beaucoup plus nombreuses dans le lait des brebis sensibles aux mammites. L’Inra a aussi observé moins de mammites cliniques et subcliniques dans la population résistante. La sélection sur le critère des cellules a aussi permis d’améliorer la conformation de la mamelle avec une mamelle plus haute et des trayons plus courts et moins courbés. Par contre, à la traite, le temps de latence avant l’éjection du lait et donc la durée de traite sont rallongés d’environ cinq secondes pour les brebis résistantes. « Le sphincter semble moins élastique chez les brebis résistantes, note Charlotte Allain de l’Inra de Toulouse. Les bactéries ont plus de mal à rentrer dans la mamelle mais le lait a aussi plus de mal à en sortir… ».

Une méthode de palpation pour repérer les mammites chroniques

L’École nationale vétérinaire de Toulouse a évalué un examen mammaire standardisé avec une grille de palpation pour enregistrer et quantifier les indurations, les abcès, les kystes lactés ou les asymétries de mamelles. Pour tester la répétabilité et la reproductibilité, deux étudiantes ont chacune palpé deux fois 203 brebis. Elles ont ensuite palpé près de 6 000 brebis dans les 15 élevages du dispositif d’étude au moment de la mise à l’herbe vers 110 jours de lactation puis en fin de campagne (à 180 jours). Selon les troupeaux, 7 à 40 % des brebis présentaient des anomalies – surtout des déséquilibres mammaires, des abcès ou des indurations marquées -.

En croisant ces observations avec les pointages de conformation mammaire et les comptages cellulaires, elles ont observé que la présence d’une anomalie sur la mamelle était associée à des comptages cellulaires individuels élevés. La moyenne de ces comptages était d’autant plus élevée que la lésion était persistante d’une palpation à l’autre ou qu’elle était importante.

Pour Dominique Bergonier de l’École nationale vétérinaire de Toulouse, toutes les anomalies sur les mamelles ne doivent pas appeler la même réponse. « Un kyste n’a pas d’origine bactérienne directe et ce n’est pas un motif de réforme, sauf s’il gêne à la traite, ce qui reste rare. A contrario, un abcès associé une forte augmentation des cellules, d’autant plus s’il est volumineux. Les abcès sont très fréquemment caractérisés par une excrétion bactérienne maintenue, contagieuse et potentiellement dangereuse pour la santé humaine. Il faut réformer ces brebis précocement. Une réforme peut être envisagée aussi en cas d’indurations ou de déséquilibres marqués. Sur les cas discrets, une antibiothérapie intramammaire en fin de lactation est possible dans le cadre d’un traitement sélectif. »

Pour le professeur vétérinaire, le traitement antibiotique intramammaire en fin de lactation ne devrait plus pas être utilisé de façon préventive. Cette évolution se justifie d’une part pour répondre à la nécessité de réduire l’usage des antibiotiques et, d’autre part, pour s’adapter aux particularités ovines : période sèche très longue et faible prévalence des nouvelles infections au moment du tarissement. Le rapport coût/bénéfice penche vers un traitement sélectif en se limitant aux mamelles infectées. Un essai réalisé au lycée agricole La Cazotte à Saint-Affrique n’a pas montré une production laitière significativement plus élevée en traitant préventivement tout le troupeau. Par contre, la marge brute par brebis était de 12 euros plus élevée chez celles ayant reçu un traitement sélectif par hémi-mamelle par rapport à un traitement préventif de tout le troupeau.

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