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Avec le bio, plus d’observations et moins de traitements

Dans la Drôme, Sébastien Rigaud est passé au bio. Pour lui, pas de changement majeur mais il observe mieux ses brebis et agneaux et adapte les traitements.

Juchée sur le plateau des contreforts du Vercors, la ferme de Sébastien Rigaud se réchauffe sous le soleil printanier de Beaufort-sur-Gervanne, au cœur de la Drôme. L’éleveur, à l’image du cadre qui entoure son exploitation, est accueillant et ouvert. Installé depuis 2007, il conduit une troupe de 150 brebis romanes et croisées Ile-de-France et Hampshire. En parallèle, il cultive aussi six hectares de vigne pour l’appellation Clairette de Die. En 2018, son troupeau ovin, les surfaces pastorales et les surfaces d’affourragement et de céréales sont passés en bio. Officiellement, car bien avant cela, Sébastien Rigaud a arrêté les traitements chimiques sur ses parcelles et s’est tourné vers la médecine alternative pour ses animaux. « Je n’avais pas envisagé de passer au bio plus tôt, car cela représente une charge administrative supplémentaire, reconnaît l’éleveur de 46 ans. Mais aujourd’hui, la donne a changé, ma fille souhaite s’installer avec moi et c’était une demande forte de sa part. »

Préférer les traitements individualisés à la prophylaxie

SEBASTIEN RIGAUD : "Je pense que le bio me revient moins cher que le conventionnel." © B. Morel

Le passage au bio n’a pas demandé beaucoup de changement sur la conduite du troupeau, mais tout de même quelques ajustements dans la façon de travailler. L’éleveur ne fait plus de prophylaxie, mais passe plus de temps à l’observation des animaux pour faire un maximum de traitements individualisés. Cependant, Sébastien Rigaud est conscient des limites qu’ont l’aromathérapie et la phytothérapie : « on ne fait pas de curatif avec ces méthodes-là. Il faut être vigilant en amont pour éviter les problèmes. » Lors des travaux de parage, de tonte ou lors de la distribution d’aliment, l’éleveur fait dorénavant plus attention au comportement de ses brebis et agneaux et en cas de situation anormale, à lui d’essayer d’évaluer l’origine du problème. « J’essaye de reconnaître s’il s’agit de fièvre, de boiterie, de toux. Ensuite, j’appelle mon vétérinaire qui prescrira un mélange aroma-phytothérapeutique. Je préfère agir ainsi que de traiter tout le monde aux antibiotiques et anti-inflammatoires au moindre signe de faiblesse. » En traitement préventif lors de la mise à l’herbe, il utilise de la teinture mère, une décoction à base d’ortie, d’ail, de consoude et d’absinthe. Pour administrer les huiles essentielles qu’il utilise pour gérer les différentes situations, il les mélange aux concentrés en ajoutant de la paraffine « pour limiter l’aspect liquide et éviter que toute l’huile ne se retrouve au fond de l’auge ». Pour améliorer le transit intestinal de ses brebis, il dilue du vinaigre de cidre dans l’eau de boisson. Cela marche aussi pour traiter la coccidiose chez les agneaux. Ceux-ci reçoivent une complémentation en argile, qui aide la digestion et le transit, et en soufre, pour lutter contre l’ecthyma.

Plus de précision et d’attention pour le bio

La chance de notre éleveur, c’est qu’il bénéficie de l’appui d’un groupement vétérinaire local dont les praticiens sont fins connaisseurs et utilisateurs des traitements alternatifs. Il a glané des informations avant de lancer sa conversion, sur internet, mais aussi dans son entourage professionnel. « Sur le plateau de Beaufort-sur-Gervanne, près de 90 % des terres sont en bio. J’ai donc pu discuter de cela avec mes voisins agriculteurs et chacun a apporté sa pierre à l’édifice. Il faut savoir être ouvert d’esprit quand on se lance comme ça dans un nouveau projet », se remémore l’éleveur. Il a aussi été aidé par la chambre d’agriculture de la Drôme lors de sa transition. Il a d’ailleurs suivi une formation au bio proposée par cette dernière. « Pendant trois jours, nous avons brossé tous les aspects du bio. La formation était pour toutes les filières, c’était intéressant de voir les différences que cela peut engendrer. » Sébastien Rigaud s’en est rendu compte par lui-même en ce qui concerne les itinéraires techniques culturaux : « il faut être beaucoup plus précis et rigoureux qu’en conventionnel, mais cela m’a appris aussi à être plus attentif, notamment au niveau de l’administratif. » L’autre contrainte qui lui est apparue, c’est qu’il pourra difficilement augmenter la taille de son troupeau : « ça aurait pu être une bonne chose avec l’arrivée de ma fille, mais le bio étant plus exigeant en surfaces pastorales et aire paillée par brebis, nous serions trop justes », remarque l’éleveur.

La transparence est requise pour une clientèle de qualité

Pour le moutonnier drômois, le passage au bio n’était pas du tout motivé par la supposée meilleure valorisation des produits. Avec une adhésion à l’organisme certificateur de l’ordre de 500 euros par an, l’éleveur était en droit d’espérer mieux valoriser ces agneaux mais il n’en est rien. « Je touche plus de primes PAC avec le bio, rappelle-t-il. Par contre, comme la commercialisation est en direct, je ne peux pas me permettre d’augmenter les prix d’un coup. » En effet, sa clientèle, constituée uniquement de particuliers à qui il vend des demi-agneaux découpés, s’est construite par le bouche-à-oreille. « Comme le passage au bio n’a pas changé beaucoup de choses pour moi, il n’est pas cohérent de faire passer une hausse de prix. Qu’est-ce qui la justifierait ? ». Néanmoins, il est conscient de l’engouement collectif pour de la viande de meilleure qualité, produite localement. « Je fais abattre mes 200 agneaux annuels à l’abattoir de Die, qui est géré par les éleveurs eux-mêmes, explique-t-il. Je participe d’ailleurs à la découpe, ce qui me permet de suivre ma production de la case d’agnelage jusqu’à la caissette. » Sébastien Rigaud mise sur la transparence de son exploitation et n’hésite pas à la faire visiter, que ce soit pendant les journées « De ferme en ferme » ou simplement à ses clients. D’ailleurs, sa fille Clémentine, qui prévoit de s’installer avec lui, souhaite aller plus loin dans l’ouverture de l’exploitation, avec le développement d’une zone de camping à la ferme et le développement d’une ferme pédagogique, aussi pour diversifier les revenus.

En chiffres

Installation en 2007

Conversion en bio terminée en 2018 pour le troupeau, les fourrages et le pâturage

150 brebis
10 ha de céréales
40 ha de fourrage (prairie permanente, sainfoin, luzerne et méteil)
12 ha de bois pâturé
6 ha de vigne AOP Clairette de Die en conventionnel

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