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« Nos vaches ne trient plus grâce au compact feeding »

Le Gaec Ripoche, dans le Maine-et-Loire, ajoute de l’eau à la ration pour obtenir un mélange condensé et homogène. Tel le principe du compact feeding, un concept venu du Danemark. À la clé, un bol alimentaire régulier tout au long de la journée et une ration mieux valorisée. 

Et si l’alimentation des bovins passait à une nouvelle ère ? Aujourd’hui, une centaine d’élevages laitiers travaillant avec la coopérative Terrena ont adopté le compact feeding, une nouvelle approche alimentaire. La ration ne change pas en termes de composition, à la seule différence près qu’un ingrédient supplémentaire est apporté au mélange distribué : de l’eau !  Avec le compact feeding, c’est la présentation physique de la ration qui est modifiée. Elle est plus lourde, plus compacte et avec des fibres coupées très court. L’objectif est de limiter le tri au maximum pour que chaque repas, chaque bouchée ingérée soit la plus homogène possible. À première vue, les éleveurs qui l’ont expérimentée sont satisfaits des résultats, aussi bien sur la production que sur la santé des animaux. À l’image d’Anthony Ripoche, installé en Gaec avec son père Christian et sa mère Evelyne, à Torfou dans le Maine-et-Loire, et qui met en pratique cette technique depuis décembre 2018. « Les conseillers en alimentation de Terrena nous y ont encouragés suite à un voyage d’étude effectué au Danemark, où ils ont pu se familiariser avec ce concept en rencontrant des éleveurs et des chercheurs, rapporte Anthony. Nous n’avons pas hésité longtemps. En ajoutant de l’eau au régime, on s’est dit qu’on ne prenait pas grand risque ! »

En moyenne, 4 litres de lait supplémentaires par vache

Auparavant, les 150 vaches hautes productrices du Gaec recevaient une ration complète mélangée, repoussée une fois par jour. « Mais les vaches triaient, on retrouvait des grains de maïs aplatis dans les bouses, et le troupeau souffrait régulièrement de maladies métaboliques et de boiteries, témoigne Anthony. C’était le yo-yo. » Ces problèmes ont aujourd’hui disparu. La cage de parage peut rester inutilisée pendant plus de deux semaines, alors qu’avant les éleveurs n’avaient pas une journée sans devoir lever les pattes d’une vache. Autre constat : la production a décollé. « On a gagné 4 litres par vache en moyenne, sans rien modifier d’autre à la ration. En parallèle, l’ingestion a augmenté d’au moins un kilo, mais il s’agit de fourrages. Nous n’avons pas augmenté la quantité de concentrés. » Les taux, quant à eux, sont restés stables.

 

 
La quantité d’eau ajoutée est équivalente à la quantité d’aliments secs de la ration. Avec l’expérience, on peut adapter le volume d’eau au taux de matière sèche des fourrages, en respectant au maximum 10 à 11 litres d’eau par vache. © DR
La préparation de la ration se réalise dans un bol à double vis verticale (24 m3). Anthony charge d’abord les aliments secs (concentrés) avec l’eau afin qu’ils se délitent. Cela permet de faire adhérer les petites particules au mélange et d'obtenir un mélange dense. « Nous préparons ce mélange le soir pour laisser tremper toute la nuit », dépeint Christian. L’eau provient du puits. « Au départ, je craignais que le bol ne soit pas étanche. En fait, la farine gonfle en s’humidifiant et forme une pâte qui colmate les trous. » La farine et l’eau créent une espèce ce bouillie, et le reste des constituants de la ration est ajouté le lendemain matin.

 

Pour réussir, il faut récolter des fourrages coupés très courts

« Les premiers temps, on a fait pire que mieux, se souvient Anthony. La farine humide se collait sur la paroi du bol, sans s’incorporer vraiment au fourrage. Cela créait des boulettes de farine (très acidogènes) ! Et le mélange s’effectuait mal, un peu comme quand la mélangeuse est trop pleine. Le contenu remontait mais ne redescendait pas correctement sur les parois du bol. » Quelques adaptations sur la mélangeuse ont été nécessaires pour venir à bout de ces problèmes.

 

La mélangeuse tourne pendant la durée du chargement, soit 20 minutes environ. « Chez nous, elle sert uniquement à mélanger, pas à hacher », avance le jeune éleveur. Et de poursuivre : « l’une des bases pour que le mélange s’effectue du mieux possible, c’est de récolter un fourrage coupé finement ». Le Gaec a demandé au chauffeur de la Cuma de couper l’ensilage de maïs à 7 mm, et à 2-3 cm maxi pour l’herbe. « Le chauffeur passe un peu plus de temps mais le tas est mieux confectionné et mieux tassé. Et on réalise un mélange de meilleure qualité derrière. »

Les particules fines collent davantage aux fourrages

 

Les vaches mangent le dessus du cordon sans chercher le fond pour trier. © E. Bignon
Les particules de farine se collent davantage aux fourrages. « Au départ, les vaches ont tiqué. Elles ont été perturbées par ce changement d’aspect de la ration, pendant une semaine. Désormais, il y a moins de tri, c’est net, et moins de repousse à l’auge. » Le même constat s’observe sur les autres élevages convertis au compact feeding. « L’alimentation reste en tas. On voit beaucoup moins de trous creusés, synonymes de tri, détaille Paul Nerrière, de Terrena. Les vaches sont plus calmes et restent davantage couchées au moment de la distribution. Le compact feeding réduit fortement les phénomènes de compétition. C’est flagrant sur les vidéos. »

Lire aussi "Nous nous sommes lancés dans le compact feeding car nos vaches n'exprimaient pas leur potentiel"

Avec le compact feeding, la ration est homogène toute la journée, comme en témoignent les analyses réalisées chez différents éleveurs. Entre le matin et le soir, la composition de la ration est quasiment inchangée. C’est souvent loin d’être le cas dans les systèmes d’alimentation classiques, où les vaches trient et ingèrent beaucoup de particules fines (moins de 19 mm) au moment de la distribution. Mais 12 heures plus tard, la ration est constituée principalement de particules longues. « Cela crée de l’instabilité ruminale, qui provoque des problèmes de digestion et une mauvaise valorisation de l’ingéré », décrit Emmanuel Siette, de Terrena. Ce phénomène est encore renforcé quand l’auge reste vide trop longtemps, notamment la nuit, ce qui entraîne souvent un comportement boulimique des vaches. « On estime que l’instabilité ruminale équivaut à une perte de 1 UFL, soit 1,5 à 2 kg de lait. » Qui dit ration compacte, dit aussi moins d’oxygène dans le rumen. « Cela favorise l’action des bactéries fibrolytiques (en augmentant le potentiel rédox) et l’utilisation de l’acide lactique dans le rumen », conclut l’expert en précisant que « parmi la centaine d’élevages suivis, la valorisation de la ration a augmenté de 5 %, soit 1,5 kg de lait produit en plus, en moyenne ».

« Économiquement, il n’y a pas photo ! se félicite Anthony Ripoche. Le seul inconvénient de la technique, c’est que ça fait consommer plus de fioul (+2 l/h) du fait du mélange plus dense. »

Lire aussi : Conseils d'une consultante danoise pour se lancer dans le compact feeding

Le compact feeding empêche les vaches de trier la ration

Avis d'expert : Paul Nerrière, conseiller à Terrena

« L’ennemi, c’est le tri ! »

« Le compact feeding bat en brèches tout ce que nous avons appris sur la fibrosité des rations. On a recommandé pendant des années de distribuer des rations volumineuses, soufflées, aérées. On cherchait à apporter de la fibre piquante… Mais on s’est trompés ! La rumination ne dépend pas de la longueur des fibres ni du piquant. La recherche danoise l’a montré : le pH ruminal est le même, que l’on distribue une ration broyée (particules de 3 mm) ou longue (particules de 30 mm). C’est le tri qui apparaît le facteur le plus pénalisant car il engendre des variations de concentration en amidon et protéines sur 24 heures. En permettant de coller les petites particules aux fourrages, le compact feeding est une avancée importante. »

 

À retenir

Préhacher les fourrages à la récolte et viser une ration à 36 à 40 % MS (ajouter 1 l d’eau pour 1 kg d’aliment), 35-38 % de NDF, 17 % de cellulose brute.

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