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Mort du pape : quelle était la vision de l’agriculture du pape François dans l’encyclique Laudato sí ?

La remise en cause du système agricole développée par le pape François dans Laudato sí avait plutôt crispé les agriculteurs à sa sortie en 2015. L’encyclique pourrait néanmoins inspirer de nouveaux arrivants en agriculture, selon certains observateurs. 

Le Pape François salue une foule d'agriculteurs du syndicat italien Coldiretti
Le syndicat majoritaire italien, Coldiretti, considère l'encyclique Laudato si, comme une inspiration de la politique agricole italienne de sauvegarde de l'agriculture familiale.
© Ansa Angelo Carconi

Inégalité planétaire, justice envers les générations futures, partage de l’eau et des terres, sobriété, transparence et démocratie… Dans l’encyclique Laudato sí, publiée en 2015, le pape François donnait sa vision de la place de l’agriculture dans l’écologie intégrale.

Pour Marine Cnudde, ingénieure agronome et secrétaire générale du Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC), structure qui a succédé à la JAC, « cette encyclique fait date. Elle a d’une part conceptualisé la notion d’écologie intégrale, et d’autre part actualisé la problématique du changement climatique. »
 

Remise en cause en profondeur du paradigme agricole actuel

Pour Dominique Lang, prêtre assomptionniste, auteur de Générations Laudato sí(1), « c’est tout le paradigme techno-économique agricole que le pape remettait en cause dans ce texte ». En effet, François y déclarait que « la solution devrait être un regard différent, une pensée, une politique, un programme éducatif, un style de vie et une spiritualité qui constitueraient une résistance face à l’avancée du paradigme technocratique ». 

« Chercher seulement un remède technique à chaque problème environnemental qui surgit [...] c’est se cacher les vraies et plus profondes questions du système mondial »

Autrement dit, « chercher seulement un remède technique à chaque problème environnemental qui surgit, c’est isoler des choses qui sont entrelacées dans la réalité, et c’est se cacher les vraies et plus profondes questions du système mondial »(2), citant en exemple la disparition des insectes pollinisateurs

Lire aussi : Le pape François, un allié fidèle du monde agricole, est mort

Mettre la technique au service d’un autre type de progrès 

Le pape François pressait les responsables politiques à créer « un système normatif qui implique des limites infranchissables et assure la protection des écosystèmes, avant que les nouvelles formes de pouvoir dérivées du paradigme techno-économique ne finissent par raser non seulement la politique mais aussi la liberté et la justice »(3). Le souverain pontife se disait convaincu que la « liberté humaine est capable de limiter la technique, de l’orienter, comme de la mettre au service d’un autre type de progrès, plus sain, plus humain, plus social, plus intégral »(4)

Au Nord, « les tentatives de certains pour développer d’autres formes de production plus diversifiées, finissent par être vaines »

Face au défi planétaire de nourrir la population mondiale, le pape rappelait qu’au Sud, « une grande variété de systèmes alimentaires ruraux de petites dimensions continuent à alimenter la plus grande partie de la population mondiale, en utilisant une faible proportion du territoire et de l’eau, et en produisant peu de déchets » (5). Au Nord, « les tentatives de certains pour développer d’autres formes de production plus diversifiées, finissent par être vaines en raison des difficultés pour entrer sur les marchés régionaux et globaux, ou parce que l’infrastructure de vente et de transport est au service des grandes entreprises », écrivait-il.

Lire aussi : Le pape croit à l’agrivoltaïsme pour alimenter le Vatican

Un « appel » plutôt qu’une « critique », selon Christiane Lambert

Lors de l’assemblée plénière des évêques de France en 2020, Christiane Lambert, alors présidente de la FNSEA, avait fait une lecture conciliante du Laudato sí. Elle invitait les agriculteurs à ne pas y lire une « critique » mais un « appel ». Sans remettre en question le constat écologique et social, elle ne questionnait pas, contrairement au pape, la course vers davantage de productivité et de technologie. La syndicaliste en appelait à la responsabilité individuelle des agriculteurs, tiraillés entre des injonctions contradictoires de la part de la société et des consommateurs. 

« Ce rapport unifié à la terre pourrait même attirer des vocations agricoles, en quête de cohérence spirituelle »

L’impact de l’encyclique est difficile à évaluer. Une nouvelle génération urbaine et rurale, bien que marginalement chrétienne, s’intéresse à ce plaidoyer. « Ce rapport unifié à la terre pourrait même attirer des vocations agricoles, en quête de cohérence spirituelle », estime Dominique Lang. Pour Marine Cnudde, cette encyclique a déjà influencé des trajectoires individuelles, favorisant notamment l’installation en agriculture biologique ainsi que des engagements professionnels et associatifs. Selon la secrétaire générale du MRJC, il est néanmoins trop tôt pour en voir les effets structurels sur une génération de ruraux en soif de changement. 

Lire aussi : « L’Etat se désengage de l'installation et manque de vision sur les modèles des futurs agriculteurs »

(1) Générations Laudato sí — Dominique Lang – Bayard (2020) – 225 pages – 17 €

(2) Laudato sí, paragraphe 111

(3) Laudato sí, paragraphe 53

(4) Laudato sí, paragraphe 112

(5) Laudato sí, paragraphe 129

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