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Mal-être sur l’exploitation agricole : comment réagir ?

Comment détecter une situation de mal-être sur son exploitation agricole et comment réagir ? Quels numéros appeler ? Psychologue, référent en prévention du mal-être agricole : ils vous donnent les clés pour pouvoir aider à votre échelle.

<em class="placeholder">Paysage avec un champ de céréales sous la neige en hiver, avec un promeneur sur une route de campagne.</em>
Si vous identifiez une situation de mal-être autour de vous, votre objectif est d’éviter l’isolement de la personne concernée, conseille Sophie Cot-Rascol, psychologue clinicienne et conseil en santé au travail.
© Réussir SAS

Comment gérer une situation de mal-être dans votre exploitation agricole, chez un associé, un salarié, ou chez un voisin agriculteur ? « Avant d’alerter, il faut aller vers la personne, et développer une “éthique de l’inquiétude” », explique Dominic Kastler, référent du programme de prévention du mal-être agricole de la MSA Dordogne Lot-et-Garonne. « Il faut pouvoir dire qu’on a remarqué un changement, qu’on s’en inquiète, et de lui proposer ensuite un espace d’écoute, sans jugement » détaille-t-il.

« Il faut être attentif aux signaux faibles, et à tout changement de comportement »

Pour repérer ces changements, « il faut être attentif à ce que l’on appelle les signaux faibles. Ils peuvent être physiques ou somatiques, liés au comportement ou aux émotions », expose Sophie Cot-Rascol, psychologue clinicienne et conseil en santé au travail, et responsable de la plateforme Agri’Écoute de la MSA. Ces signaux peuvent être très divers : fatigue, manque de sommeil, humeur changeante, émotions moins contenues, arrêt du travail etc. Voir une verbalisation, avec des propos négatifs ou fatalistes, tels que « c’est difficile, mais c’est comme ça, il n’y a pas de solution », ou « de toute façon, tout ce que je fais, ça ne sert à rien ». « C’est rare d’avoir l’expression d’un signe unique », souligne Sophie Cot-Rascol. La psychologue recommande donc d’être attentif à tout changement de comportement qui serait inhabituel.

​​​​« Pour la DNC, le moment le plus critique n’est pas au moment de l’abattage, c’est le vide d’après »

Certains évènements exceptionnels et brutaux peuvent aussi conduire à un état de mal-être. C’est le cas par exemple des éleveurs et éleveuses touchés par la dermatose nodulaire contagieuse bovine (DNC) depuis juin, dont le troupeau a dû en partie ou totalement être abattu. « Cet évènement non souhaité, imprévisible et irrémédiable peut être vécu comme un choc psychologique » souligne Sophie Cot-Rascol. « Et le moment le plus critique, paradoxalement, ce n’est pas au moment de l’abattage, c’est le vide d’après » explique-t-elle. « Car au moment de l’annonce, les agriculteurs sont encore dans l’action, pour faire correctement les choses, faire en sorte que leur troupeau soit jusqu’au bout bien traité et respecté. » Il faut maintenir une vigilance particulière après ces évènements qui peuvent laisser place à une détresse psychologique, prévient la psychologue. Les caisses MSA Alpes du Nord, Ardèche Drôme Loire et MSA Midi-Pyrénées Sud ont respectivement mis en place des mesures d’accompagnement (financier, psychologique, social, etc.) pour les éleveurs touchés par la DNC.

Éviter l’isolement de la personne, et lui proposer de contacter des professionnels

Si vous identifiez une situation de mal-être autour de vous, votre objectif est d’éviter l’isolement de la personne concernée, conseille Sophie Cot-Rascol. Il faut l’entourer, via ses proches par exemple. Et lui proposer, sans l’obliger, de prendre contact avec des professionnels. « Ça peut être un assistant social, un psychologue, un conseiller technique de la MSA, etc. Et ce qui est encore plus riche, c’est un accompagnement pluridisciplinaire avec plusieurs de ces professionnels-là » détaille-t-elle. C’est d’ailleurs la vocation des cellules pluridisciplinaires de la MSA, qui visent à assurer un accompagnement adapté à chaque situation.

Comment écouter une situation de mal-être ?

Accepter l’aide peut cependant s’avérer difficile. « La détresse psychologique altère momentanément la capacité à être proactif pour rechercher de l’aide », avertit la psychologue. « C’est une chose de tendre la main, c’en est une autre qu’elle soit saisie », complète Dominic Kastler. Aussi formateur en prévention du suicide et du programme Sentinelles, il recommande de maintenir un lien régulier et une présence attentive. « Il s’agit d’être là, sans s’imposer. Parfois, ce n’est tout simplement pas le bon moment pour parler, et c’est important de le respecter » prévient-il.

Cette vigilance de proximité est l’un des rôles du réseau des sentinelles agricoles, composé de personnes vivant en milieu rural, en contact avec le milieu agricole. Les sentinelles sont des citoyens bénévoles, formés pour repérer une situation de mal-être, puis pour échanger et orienter la personne en souffrance. Ce dispositif, créé en 2018, est déployé par la MSA sur tout le territoire et est ouvert gratuitement à tout citoyen par une formation d’une journée.

Aussi, dans le cadre d’un échange avec la personne en souffrance, il est très important de ne pas minimiser son ressenti, prévient Dominic Kastler. « Il faut reconnaître la souffrance, et ne surtout pas juger ». « C’est l’une des choses enseignées dans la formation : écouter, c’est déjà agir ; Mais ça ne s’improvise pas, ça s’apprend », soutient le référent du programme de prévention du mal-être agricole.

Quelles sont les ressources disponibles aux personnes aidantes ?

Différentes ressources sont à votre disposition dans le cadre d’une situation de mal-être. Le numéro Agri‘Écoute donne accès à un échange téléphonique anonyme avec un psychologue, qui peut ensuite être renouvelé jusqu’à un rendez-vous physique. « Le proche peut démarrer l’appel avec la personne souffrante à ses côtés, pour poser la situation et faciliter l’échange », explique Sophie Cot-Rascol. De la même manière, vous pouvez essayer de contacter avec elle son médecin traitant, ou un centre médico-psychologique de proximité. En cas de situations plus urgentes comme des pensées ou un risque suicidaire, vous pouvez aussi appeler le 3114, numéro national de la prévention du suicide. « Et si la personne parle d’un passage à l’acte immédiat, il faut lui proposer de l’accompagner aux urgences, ou d’appeler le SAMU avec elle » indique Dominic Kastler.

« Prendre soin de soi, ce n’est pas forcément dans l’ADN du monde agricole »

Ces ressources sont aussi à mobiliser directement par vous en tant qu’aidant, pour trouver des solutions pour accompagner une personne en souffrance. « On ne reste pas intact lorsqu’on rencontre une personne en souffrance. Il faut aussi savoir se protéger, et prendre soin de soi » soutient Dominic Kastler. « Ce n’est pas forcément dans l’ADN du monde agricole. On prend plus facilement soin de ses animaux, de sa culture, voire de son matériel, etc. », explique-t-il. « C’est important de prendre soin de soi, car c’est aussi une manière de prendre soin de ses proches et de sa famille, autant que de son exploitation » affirme-t-il.

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