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L’humour des « Blondes de Yannick » sur TikTok change l’image de l’agriculture

Yannick est ce que l’on appelle un pluriactif. Il est éleveur bovin dans le Finistère et agriculteur remplaçant. L’agriculture est une passion et un mode de vie depuis qu’il est enfant. Avec « les Blondes de Yannick », il a décidé d’en être un ambassadeur sur TikTok. Ses vidéos sont basées sur l’autodérision. Entretien avec un Breton qui se dit discret mais qui sort de sa réserve avec une communication efficace.

« Je suis né dedans », dit Yannick Vitré en expliquant son vécu dans l’agriculture. Il n’a jamais douté, jamais bifurqué, son parcours agricole s’est imposé à lui comme une évidence. Fils d’agricultrice, il a aidé très tôt aux travaux sur l’exploitation en bovins lait. Il a ensuite naturellement suivi des études agricoles et a parallèlement commencé à travailler dans un service de remplacement. Sans oublier la ferme familiale située dans le centre Finistère.

« On fait un travail d’équipe avec ma mère depuis des années », observe le Breton. Sa mère a lâché le lait en 2011 pour un troupeau de Blondes d’Aquitaine et pris sa retraite fin 2018. Le jeune homme décide de prendre le relais sur l’activité naissage avec 15 mères Blondes allaitantes mais en ne gardant qu’un tiers de l’exploitation. Un choix qui lui permet de continuer à avoir un salaire fixe en tant que salarié agricole en service de remplacement. A 33 ans, il cumule déjà 13 années en entreprise.

Depuis janvier 2019, il est aussi agriculteur. Il a repris le troupeau de Blondes d’Aquitaine de la jeune retraitée, le corps de ferme et une dizaine d’hectares attenants. La pluriactivité ne lui fait pas peur. Il faut dire qu’avant de s’installer, il a passé un an en Australie. « On était deux pour s’occuper de 2000 mères allaitantes », explique-t-il et « je me libérais du temps ». Un système australien très « carré » de gestion du temps qu’il applique à sa nouvelle organisation. « Avoir du temps à côté est très important pour moi », reconnaît-il. L’éleveur en service de remplacement a besoin de temps car il est sportif. Avec une participation au marathon de Paris à son actif, il court, il court… mais trouve encore le temps d’être actif sur les réseaux sociaux. Son créneau : l’humour sur TikTok. C’est sa façon de parler d’agriculture. Et ça marche. Il est repéré et sollicité pour participer à des émissions de télévision. Comment conçoit-il son rôle de communicant ? Quand je l’ai interrogé, il partait au Salon de l’agriculture avec la ferme intention de rencontrer le Président. Avant d’arpenter les allées, il a bien voulu nous en dire un peu plus sur « les Blondes de Yannick ».
 

Pourquoi êtes-vous sur les réseaux sociaux ?

Yannick Vitré – « Je voulais dédramatiser le métier d’agriculteur. On est pointés du doigt. Moi, je veux montrer qu’on peut être quelqu’un de moderne et avoir le sens de l’autodérision. Je veux divertir les gens et leur donner envie de connaître le milieu agricole. Je ne suis pas fermé. Je suis ouvert à toutes les discussions. Mon but, c’est d’expliquer le métier d’agriculteur avec passion. Les médias montrent les agriculteurs dans les manifs. Moi, je veux montrer leur vraie vie, toujours sous le côté positif. J’ai envie de mettre en avant l’agriculture et d’améliorer son image. L’image dévalorisée, ça me désole. Si j’ai la chance de pouvoir parler au président Macron au salon de l'agriculture, je peux lui proposer des idées pour changer l'image de l'agriculteur. »
 

Sur quels réseaux sociaux êtes-vous ?

Y. V. – « Pour le moment, je suis sur TikTok pour pouvoir communiquer sur le ton de l’humour et parler d’un métier qui est un sujet tabou. Je fais passer des messages avec des vidéos d’autodérision à 100 %. J’ai démarré en juin 2021 avec 2-3 vidéos pour essayer. La première rigolote qui a bien fonctionné est celle où je me brûlais les fesses sur le cuir du siège du tracteur. Ensuite, il y en a eu d’autres comme celle où je passe de la salle de bain à la salle de traite en téléphonant. J’ai pu voir ce qui fonctionnait.  Mais je ne me doutais pas que ça allait prendre une telle ampleur. »

« Je fais passer des messages avec des vidéos d’autodérision à 100 %. »


Combien avez-vous d’abonnés et quelle est votre meilleure audience ?

Y. V. – « J’ai plus de 4600 abonnés et ce ne sont pas des abonnés fantômes. Si je consulte les statistiques, j’ai 68 % d’hommes et 32 % de femmes. 48 % de ceux qui me suivent ont entre 18 et 24 ans, 31 % entre 25 et 34 ans, 13 % entre 35 et 44, 5 % entre 45 et 54 et 3 % au-delà. Ce sont des internautes français à 93 % et je suis suivi par des citadins de Paris, Toulouse, Lyon, Bordeaux, Courbevoie… Je dirai que mon public est à 60 % issu du milieu agricole et à 40 % grand public. Ma meilleure audience, c’est 220 000 vues, avec ma vidéo d’anniversaire, en robe et perruque blonde. Sous les feux du tracteur, je donnais du foin à mes vaches et un souffleur à feuilles faisait bouger ma perruque. Il y a eu 20 000 likes sur la vidéo. En moyenne, les vidéos font dans les 70 000 vues mais il y a des vidéos qui cartonnent et deviennent virales et d’autres qui ne marchent pas du tout. »

Recevez-vous des commentaires négatifs ?

Y. V. – « J’ai eu une fois un message au sujet des boucles d’oreille du veau. Ce n’était pas vraiment un message haineux. C’était plus de l’incompréhension. J’ai répondu en expliquant le parcours du veau, du moment où il naît chez moi au moment où il part. Tout est rentré dans l’ordre. Il suffit juste de parler. »
 

Diriez-vous que la communication fait désormais partie intégrante de votre métier ?

Y. V. – « Tout à fait. C’est un peu un métier d’expliquer dans les règles de l’art et je me forme pour progresser. Je n’ai pas atteint le million de vues et je n’ai pas 10 000 abonnés. Je ne tire donc pas de revenu de tout ça mais c’est important pour la profession. Si j’arrive plus tard à monétiser mes vidéos, cela me servira pour l’exploitation. Je voudrais investir dans des brosses électriques pour les Blondes de Yannick. Ce sont elles les stars. Ca leur reviendrait à elles et aux veaux. »

« J’arrive à communiquer sans être focus sur moi et c’est ce qui plaît. »
 

Si je vous dis « fier », à quelle vidéo pensez-vous ?

Y. V. – « C’est une vidéo dans un style dessin animé. C’est un homme qui rentre dans un taxi. Le chauffeur lui demande : « où allez-vous ? ». Et le client répond : « à la maison ». Le clip me montre en train de coiffer mes vaches. C’est mon quotidien à la ferme. C’est une des vidéos qui m’a touché le plus. Elle a fait 12 000 vues.


Si je vous dis « amusé », à quelle vidéo pensez-vous ?

Y. V. – « C’est ma vidéo d’anniversaire. Il faisait froid. On a vraiment rigolé. On a fait 2 prises de vue et il n’y a pas eu de montage. Pourtant, quand on a commencé, mes copains n’y croyaient pas forcément. »


Regrettez-vous d'avoir posté certaines vidéos ?

Y. V. – « Je n’ai pas de regrets mais je me suis rendu compte que certaines vidéos pouvaient être mal interprétées. Par exemple, celle qui s’appelle " le jour où j’oublierai de payer mes cotisations MSA ". Le message n’était pas : " la MSA me prend trop de sous ". Je ne pensais pas qu’elle aurait été prise au 1er degré. J’ai dû l’épingler avec un commentaire pour expliquer. J’ai préféré recadrer le sujet de la vidéo. »
 

Considérez-vous qu’il y a des limites à ne pas dépasser sur les réseaux sociaux ?

Y. V. – « La limite, c’est ma vie privée, le lieu où je vis. Et je présente mon exploitation en restant vigilant. »


Avez-vous suivi des modèles pour vous lancer ? Quel a été votre déclic ?

Y. V. – « Sur TikTok, il y a beaucoup de danses, de chorégraphies. Moi, je ne me sentais pas trop là-dedans. J’ai trouvé ma voie tout seul. Le déclic a été une vidéo postée sur Facebook en page privée. C’était pendant le confinement. J’avais parodié le télétravail en installant une chaise, une table et un ordinateur sur une tonne à lisier remplie d’eau et un tracteur. Un éleveur dans mon entourage m’a dit : " fais-le sur TikTok ". »

« Ce qui me désole un peu, c’est la concurrence entre ceux qui font des vidéos. »


Qu’est-ce qui vous déplaît sur les réseaux sociaux ?

Y. V. – « Ce qui me désole un peu, c’est la concurrence entre ceux qui font des vidéos. Certains sont dans un challenge. Ils peuvent s’autoproclamer leaders et ne plus parler aux autres. Moi, j’estime qu’il ne faut pas qu’il y ait de monarque. Chacun fait comme il veut et il ne devrait pas y avoir de compétition entre TikTokeurs du monde agricole. Pourtant ça se chamaille un peu, c’est dommage. »


Combien de temps consacrez-vous aux réseaux sociaux ?

Y. V. – « Je dirais une heure par jour. Une vidéo me prend 15 minutes si je la poste dans la foulée. Beaucoup plus si je fais du montage, qui peut me prendre 3 h dans une soirée. Récemment, j’ai fait une petite pause mais j’essaie d’en poster au moins 2 par mois. C’est déjà pas mal car il faut trouver des idées que les autres n’ont pas. Il faut être en alerte sur les idées de sujet, de chansons, de musiques… Ce n’est pas parce qu’on ne publie pas qu’on n’y pense pas. »
 

Etes-vous beaucoup sollicité pour participer à des opérations ?

Y. V. – « Je fais des tournages chez les agriculteurs pour qui je travaille. Je filme également d’autres personnes au travail, notamment des femmes dans le milieu agricole.  J’alimente aussi le compte Facebook Finistère remplacement et un groupe privé " éleveurs de Blondes d’Aquitaine ". J’ai été contacté récemment par une marque de robot de traite et sollicité pour participer à des émissions de télévision. Mais je travaille beaucoup et je ne peux pas écouter tout le monde. Il faut du temps et je suis pas mal pris. Pour le moment, je n’ai ni accepté ni refusé. »   
 

Ce ton de l’humour, est-ce inné chez vous ?

Y. V. – « Apparemment oui. Pourtant, je suis très timide et assez réservé. Je suis plutôt casanier et j’adore passer du temps avec mes vaches. En groupe, je suis très discret, je ne suis pas quelqu’un qui me montre, on ne m’entend pas parler, je ne me vante pas. En fait, je crois que j’arrive à communiquer sans être focus sur moi et c’est ce qui plaît. L’humour, c’est un moyen de me libérer. C’est un peu une thérapie pour moi. »
 

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut se lancer ?

Y. V. – « De ne pas écouter les autres. Si on te dit « arrête tes vidéos », tu dis non. Il faut rester soi-même et ne pas avoir peur du regard des autres. Il faut suivre son idée. »

 

 

Revoir notre dossier : ils communiquent leur métier sur les réseaux sociaux

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