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Les filières sans antibiotiques, un levier de valorisation et de progrès en production porcine

En 2020, environ 15 % des porcs étaient produits en filière sans antibiotiques. Le marché est désormais considéré comme mature.

Les filières sans antibiotiques, un levier de valorisation et de progrèsen production porcine

En dix ans, les usages d’antibiotiques ont fortement baissé dans la filière porcine française grâce aux évolutions techniques, réglementaires et à la création de démarches privées « sans antibiotiques » (SA). Dès le début des années 2010, des acteurs de la filière porcine ont commencé à développer ces démarches pour répondre à la demande de certains distributeurs et communiquer sur les efforts des éleveurs.

En l’absence de réponse collective, les cahiers des charges se sont multipliés comme un moyen pour les entreprises de se démarquer de leurs concurrents et d’améliorer leur image.

Les spécifications sont évolutives, dans une démarche de progrès. L’allégation SA « à partir de 42 jours » est progressivement remplacée ou complétée par « depuis la naissance ». Ce critère est toujours inclus dans une démarche de communication plus globale (alimentation, environnement, bien-être animal…).

15 % des porcs français

Aujourd’hui, la part des porcs produits en filière SA est d’environ 15 % en France (chiffre 2020). La demande est satisfaite : « la gamme SA s’est développée et a touché les gens que ça intéressait vraiment », affirme un distributeur enquêté par l’Ifip dans le cadre d’une étude européenne (voir encadré). « Elle porte principalement sur le jambon cuit, un produit enfant/famille avec une attente santé forte. En revanche, la côte de porc SA ne fonctionne pas car l’attente sur ce produit est le prix et le goût. »

Les filières SA les plus importantes en volumes sont « Bien élevé » de la Cooperl (trois millions de porcs produits SA, dont un million depuis la naissance, sur un total de six millions), « La Nouvelle agriculture » de la coopérative Terrena (200 000 porcs sur un total de 825 000) et « Engagé dans l’élevage » de la société Avril et du transformateur Fleury-Michon (120 000 porcs sur 1,9 million).

Une motivation avant tout économique

La production de porcs sans antibiotiques est avant tout une démarche de filière. Une fois le compromis trouvé entre les partenaires sur les exigences, leur coût et leur rémunération, les organisations de producteurs (OP) proposent à certains adhérents, faibles utilisateurs d’antibiotiques, jeunes installés ou récents investisseurs, ou à des prospects, d’entrer dans la démarche. Ils évaluent par un audit leur capacité à respecter les exigences.

Les éleveurs qui veulent entrer en filière SA, mais ne réussissent pas l’évaluation, peuvent se voir proposer un audit pour identifier leurs leviers de progrès, un bénéfice collatéral des filières SA en termes de réduction globale des usages d’antibiotiques. 

La première motivation des éleveurs enquêtés pour entrer dans une démarche SA est économique. Tous disent avoir été motivés par la meilleure valorisation de leurs porcs et la plus-value. Ils apprécient aussi la sécurisation des prix et des débouchés. Selon eux, la démarche SA permet de valoriser les bonnes pratiques existantes de faible utilisation d’antibiotiques, sans être forcément le moteur du changement : « même sans filière SA, mon objectif était de ne pas mettre d’antibiotiques », explique l’un d’eux.

En entrant dans ces filières, les éleveurs se disent aussi motivés par la volonté « d’être précurseur », de redorer « l’image de l’élevage et du métier » et de « produire un produit plus valorisant ». La totalité des éleveurs enquêtés engagés dans une filière SA la recommanderait à un autre éleveur. Mais ils ne souhaitent pas la voir imposée car « elle nécessite un fort engagement dans la coopérative : prendre l’aliment, les produits de santé animale… Mais l’engagement est réciproque : la coopérative s’engage à trouver les débouchés ».

Une production contractualisée

L’engagement de l’éleveur dans une filière SA se matérialise par un contrat qui fixe la durée (3 à 5 ans, reconductible en général), le volume, la plus-value et, dans certains cas, la modalité de fixation du prix de base. Les éleveurs ont une part variable de leurs porcs commercialisés dans la démarche. Le montant global de la plus-value (environ 5 euros par porc) diffère selon les obligations et le degré d’approvisionnement auprès de la coopérative.

Certains éleveurs jugent cette plus-value insuffisante. Mais dans l’ensemble, les surcoûts liés strictement au SA (substitution des antibiotiques par plus de prévention (vaccins, hygiène…), investissements et temps de travail) semblent assez limités, comparativement aux contraintes sur l’alimentation.

Selon la règle de facturation propre à chaque cahier des charges, les porcs ayant reçu un antibiotique pour être soigné bénéficient ou non, ou jusqu’à un taux maximum d’animaux traités, du bonus. Ceci peut conduire l’éleveur à ne plus soigner correctement les cochons malades, un problème soulevé dans les entretiens. Chaque cahier des charges a un plan de contrôle et une grille d’audit des critères à respecter.

Chaque année, l’OP doit contrôler 100 % des élevages certifiés. Dix à vingt pour cent des élevages font l’objet d’un contrôle aléatoire par un organisme tiers. Le suivi de l’utilisation des antibiotiques par l’Alea (Animal level of exposure to antimicrobials) n’est pas obligatoire dans tous les labels.

Des cahiers des charges multiples

Les filières SA ont été coconstruites dans le cadre d’accords commerciaux entre maillons de chaînes de valeur. Elles reposent sur des engagements réciproques des éleveurs et des acheteurs de porcs dans le but d’élaborer une valeur ajoutée unitaire supérieure. L’absence de définition légale de l’allégation SA, contrairement au « sans OGM », a conduit à des cahiers des charges multiples et des pratiques d’étiquetage très diverses. La confusion qui peut en résulter, y compris sur les prix payés aux producteurs, réactive chez certains l’attente d’un encadrement réglementaire, évoqué en 2015, et plaide pour une simplification de la segmentation. La massification de l’offre permettrait de renforcer la capacité de négociation.

Les auteurs remercient les éleveurs, vétérinaires, techniciens de groupement et responsables qualité pour leurs témoignages.

 

Repères

Une approche européenne

L’étude des filières sans antibiotiques en porc a été conduite dans le cadre du projet européen Roadmap. Lancé en 2019 pour quatre ans et impliquant onze pays, ce projet vise à favoriser les transitions vers une utilisation prudente des antibiotiques dans les filières bovines, porcines et avicoles. Son originalité réside dans l’attention portée à l’étude des systèmes de décision en matière d’usage d’antibiotiques tout au long des chaînes alimentaires et pharmaceutiques. 

L’analyse des filières SA a reposé sur des données documentaires et sur 30 entretiens conduits en 2020 auprès d’un distributeur, d’un transformateur et de dix vétérinaires ou responsables qualité de cinq organisations de producteurs (OP), représentant 55 % de la production porcine française, puis de dix-huit éleveurs de porcs, dont la moitié engagée en filière SA.

 

Un mode de calcul d’exposition aux antibiotiques hétérogène

Parmi les dix-huit élevages enquêtés, seuls six ont un indicateur spécifique d’exposition aux antibiotiques, un Alea (Animal level of exposure to antimicrobials), calculé par leur vétérinaire. Les douze autres suivent leurs dépenses de santé en GTE. 

Le calcul de l’Alea à l’échelle de l’élevage n’est pas harmonisé au niveau national. Les modes de calcul sont hétérogènes entre les structures ce qui ne permet pas de comparaisons entre élevages de différentes OP. En revanche, intra-OP la comparaison met en évidence le cas d’un élevage hors filière SA avec un Alea inférieur à celui d’un élevage en filière SA. Ainsi, des élevages peuvent avoir des usages d’antibiotiques très réduits même sans obligation liée à un cahier des charges. Par ailleurs, les dix élevages en filière SA ne se distinguent pas des huit autres par leur taille ou leurs résultats techniques.

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