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Les atouts de la vendange manuelle nocturne

Le changement climatique conduit certains domaines à vendanger manuellement de nuit. Ceux qui ont sauté le pas y voient des avantages aussi bien sur le plan qualitatif que sur celui des conditions de travail.

Les domaines conquis par la vendange manuelle nocturne avancent un gain en efficacité.
Les domaines conquis par la vendange manuelle nocturne avancent un gain en efficacité.
© J.C. Gutner

Pratiquée notamment en Californie, la vendange manuelle sous la lune plutôt que sous le soleil, a ses adeptes en France, et pas uniquement dans le Sud-Est. D’un domaine à l’autre les retours d’expériences sont unanimes.

Gagner de la fraîcheur face au changement climatique

Sur l’appellation bandol, au château Vannières (33 hectares), à la Cadière-d’Azur, dans le Var, Charles-Éric Boisseaux a opté pour des vendanges nocturnes dès 2014. Il souhaitait éviter d’utiliser un échangeur pour refroidir ses raisins afin de mieux les respecter, et pour les rosés, limiter l’oxydation. Les vendanges ont lieu de 5 h 45 à 8 h 30/9 h sur tout le domaine. « Il y a 2 h, 2 h 30 où il fait jour », note-t-il.

La motivation de fraîcheur anime également Albéric Philipon, vigneron au château Carpe Diem à Cotignac, dans le Var. « Nous vendangeons de nuit, de 3 à 9 h du matin, depuis 2017, afin de rentrer des raisins les plus frais possibles », décrit-il. Il observe que le raisin ramassé à 3 h du matin et laissé en bord de parcelle voit sa température chuter lentement. Dès que le jour se lève, les palox sont rentrés dans la chambre froide.

Beaucoup plus au nord, chez Julien Brocard à Préhy, dans le Chablisien, l’objectif est comme ailleurs la fraîcheur. Mais Julien Brocard poursuit un autre questionnement. « On sait que la lumière abîme les vins et on regarde si cela a un impact sur les raisins. À ce jour ce n’est pas flagrant », constate-t-il. Les vendanges manuelles nocturnes ont lieu de minuit à 6 h du matin depuis sept ans. Le dispositif concerne sa gamme « 7 Lieux » qui regroupe les vins issus des parcelles cultivées en biodynamie, soit une quinzaine d’hectares, dont surtout la cuvée « Le 7e vin », un vin nature sans soufre.

Au domaine du Clos d’Alari, à Saint-Antonin-du-Var, la vendange manuelle de nuit s’est imposée comme une alternative à la vendange machine de nuit. Nathalie Vancoillie-Vautrin, la vigneronne, a fait ce choix il y a trois ans et ne le regrette pas. « Le raisin est plus beau, plus frais », confie-t-elle. Sur ses 7 hectares, seulement 1 hectare est vendangé à la machine. Les horaires sont en général de 4 h à 10 h.

Un accueil plutôt favorable chez les vendangeurs

Tous les domaines interrogés avancent l’atout de meilleures conditions de travail pour les vendangeurs prêts à se lever très tôt. « Ça a été compliqué de convaincre les vendangeurs de travailler de nuit au début, mais les conditions de travail sont bien meilleures, et maintenant, ils ne voudraient plus recommencer à les faire de jour », témoigne Albéric Philipon. Et de citer l’absence d’insectes ainsi que les coups de chaud, de soleil et la transpiration évités. « Et puis, l’ambiance est magique. On récolte sous les étoiles », ajoute-t-il.

Ce rythme de travail décalé peut même être un argument. « Les gens sont preneurs. C’est plus agréable pour tout le monde », constate Nathalie Vancoillie-Vautrin. Elle recrute des équipes de 8 à 9 personnes qui viennent du coin. Charles-Éric Boisseaux note qu’en plus des conditions plus agréables, les vendangeurs apprécient d’être chez eux vers 11 h/11 h 15 et d’avoir l’après-midi pour se reposer. « Une partie est hostile et une autre aime, on leur laisse le choix », tempère de son côté Julien Brocard. Il admet que, de ce fait, il serait difficile d’étendre la démarche à l’ensemble de la vendange.

Un surcoût mais pour gagner en efficacité

L’éclairage apporté par les lampes frontales à led, permet d’y voir comme en plein jour dans la zone de ramassage, constate Albéric Philipon. Il a remarqué qu’il y avait moins « d’oublis de grappes ou de problèmes ».

 

Nathalie Vancoillie-Vautrin, trouve que le travail va plus vite, du fait du bon éclairage et de la fraîcheur. La meilleure visibilité est aussi un argument majeur pour le Château Vannières, qui y ajoute la plus grande concentration des vendangeurs. « Il y a moins d’oublis parce que les vendangeurs sont plus attentifs, ils discutent moins, ils se dispersent moins », se félicite Charles-Éric Boisseaux.

Pour lui, le surcoût qu’ajoute une heure de nuit, de 5 h à 6 h pour une trentaine de vendangeurs n’est pas un problème compte tenu du gain qualitatif. Il mentionne les surcoûts de consommation énergétique des lumières, de l’éclairage des tracteurs qu’il juge minime. Le matériel acheté n’est pas non plus conséquent. Les frontales sont acquises chez Décathlon autour de 30 ou 35 euros. Elles sont rechargées sur un port USB avec un démultiplicateur. Chez Julien Brocard, le surcoût est estimé à environ 20 %.

Le Domaine du Clos d’Alari constate évidemment un surcoût important par rapport à la vendange machine, mais juge que la valorisation des vins lui permet de l’assumer. La démarche s’inscrit dans le cadre d’un passage en bio. « Nous cherchons un meilleur respect des ceps, pour préserver les vignes le plus longtemps possible. Nous sommes dans le souci de moins tasser le sol », conclut Nathalie Vancoillie-Vautrin.

À quelles dispositions sociales doit-on se référer ?

« Les dispositions de la Convention collective nationale (CCN) production agricole et Cuma et de la convention collective départementale se superposent et doivent s’appliquer selon la règle du plus favorable aux salariés et/ou pour certaines dispositions qui n’existent pas dans la CCN, à défaut. Il existe des accords nationaux qui s’appliquent également », indique Muriel Giot, juriste en droit social au sein du cabinet BSF, membre du groupement AgirAgri.

« La CCN production agricole et Cuma définit que les heures de nuit sont de 21 h à 7 h. Pour un travail effectué exceptionnellement la nuit, la majoration est de 25 %, non cumulable avec les heures supplémentaires. Cette contrepartie peut être prise sous forme de repos compensateur ou le cas échéant sous forme de compensation salariale », expose Marie Cabanie-Illhe, responsable pôle social chez BSF.

À titre d’exemple, la convention collective Exploitations de la Gironde, prévoit, elle, dans son article 40, des heures de nuit exceptionnelles, de 21 h à 6 h, majorées à 50 % pendant les vendanges. Dans ce cas, le cabinet BSF préconise de prendre la plage horaire la plus favorable, donc celle de la CCN (21 h à 7h) et la majoration la plus favorable (celle de la convention collective de Gironde), en l’occurrence + 50 %.

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