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Le recyclage agricole des déchets organiques est-il sans risque ?

Le recyclage agricole des déchets organiques se développe de plus en plus mais peut comporter des risques environnementaux et sanitaires comme le montre des recherches auxquelles a participé le Cirad.

engrais
Traitement de déchets verts à la Réunion.
© Cirad

Une synthèse de travaux du Cirad publiée dans le dernier numéro de Advances in Agronomy liste les risques liés au recyclage agricole des déchets organiques notamment pour faire face à l’envolée du prix des engrais. Si l’on se place d’un point de vue pratique et sous l’angle du développement durable et de l’économie circulaire, l’idée de recycler les déchets agricoles d’origine urbaine, agricole ou agro-industrielle, en ressources pour l’agriculture semble séduisante mais les auteurs de l’étude expliquent « qu’un déchet peut contenir certaines substances potentiellement toxiques ». Il s’agit de contaminants, c’est-à-dire d’éléments apportés par l’activité humaine dans le milieu naturel. « On parle ensuite de polluant lorsque la présence du contaminant dégrade le fonctionnement de ce milieu naturel, en raison par exemple de sa toxicité » précise Emmanuel Doelsch, chercheur au Cirad et co-auteur de l’étude.

Trois types de contaminants

On peut retrouver trois types de contaminants dans les déchets organiques. Tout d’abord, les éléments traces (métaux et métalloïdes), qu’on appelle parfois à tort « métaux lourds », sont les contaminants les mieux étudiés. Parmi ces éléments, on retrouve le cuivre et le zinc qui sont indispensables à la vie mais qui deviennent toxiques au-delà d’une certaine concentration. Il y a ensuite les contaminants organiques qui regroupent des substances très diversifiées dont les pesticides, les substances d’origine industrielle (dioxines, PCB, HAP…), les produits pharmaceutiques ou encore les produits de soins personnels. Enfin, les pathogènes rassemblent les virus et autres parasites présents dans les déchets organiques. Parmi les impacts, les chercheurs soulignent la présence de bactéries antibiorésistantes en raison de la présence d’antibiotiques dans les déchets organiques. Selon l’étude « entre 30 et 90 % des antibiotiques utilisés pour la production animale sont retrouvés dans les effluents d’élevage ».

Effets cocktails

Puisque les déchets organiques contiennent des contaminants, la décision du recyclage agricole dépend d’une évaluation entre les bénéfices et les risques potentiels. Scientifiques, décideurs ou agriculteurs utilisent pour cela deux types de méthode d’évaluation des impacts environnementaux et sanitaires : l’analyse de cycle de vie et l’analyse des risques. Mais ces méthodes présentent de nombreuses lacunes. Il résulte de l’étude que les contaminants organiques et les pathogènes sont très rarement intégrés dans ces évaluations. Elles prennent bien en compte les éléments traces mais en gomment certaines spécificités, comme leur forme chimique Emmanuel Doelsch explique : « Certains déchets organiques subissent une étape de transformation, par exemple le compostage. Les métaux présents vont alors changer de forme pendant cette étape, et cela peut impacter leur comportement dans l’environnement et leur toxicité ».

Il existe par ailleurs un autre effet inquiétant pour les scientifiques : l’effet cocktail. « Actuellement, les méthodes évaluent la nocivité des éléments traces de manière individuelle. Elles ne prennent pas en compte les effets de mélanges. Or certains métaux sont inoffensifs isolément, mais s’avèrent toxiques en présence d’autres contaminants, ou vice-versa » pointe Angel Avadí, chercheur au Cirad et co-auteur de l’étude.

Sites expérimentaux dédiés

Localement, les impacts du recyclage des déchets organiques peuvent être analysés grâce à des sites expérimentaux dédiés. Le Cirad travaille par exemple sur des dispositifs d’expérimentation au champ de longue durée (parfois plus de quinze ans), aussi bien à la Réunion qu’en partenariat avec des organismes nationaux dans les pays tropicaux, comme au Sénégal. Pour autant, les connaissance qui en découlent ne permettent pas toujours d’envisager  des évaluations à plus grande échelle ou pour des contextes climatiques différents. Pour les auteurs, « les méthodes d’évaluation doivent être capables de donner une visions d’ensemble. Cela implique de simplifier et d’agréger de nombreuses données ». Ils ajoutent : « Tout est une question de choix dans les paramètres à prioriser dans ces évaluations » et plaident pour une évolution des paramètres, en intégrant, par exemple, certains cocktails. Emmanuel Doelsch et Angel Avadí concluent : « Le recyclage agricole des déchets organiques est une bonne option, mais il faut qu’on soit attentif aux différents risques. Et pour cela, on a besoin d’être capable de les mesurer ».

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