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[Interview]
Laurie Poussier, future agricultrice : « je veux juste parler de mes petits bonheurs parce que je suis heureuse au quotidien »

Laurie Poussier sera officiellement éleveuse en 2023, avec comme projet la création d’une savonnerie artisanale à la ferme. La future agricultrice est active sur les réseaux sociaux, principalement Twitter et Linkedin, pour parler de la ferme et de cette diversification originale. Témoignage.

Laurie Poussier : « Je fais des vidéos assez directes et les gens s’attachent surtout à ma façon de travailler. »
© Capture compte Instagram Laurie Poussier

Laurie Poussier est en cours d’installation sur la ferme reprise par son compagnon il y a 4 ans et demi, à la Chapelle-Janson, en Bretagne près de Fougères. En réalité, elle participe déjà activement aux travaux de l’exploitation laitière qui compte une centaine de vaches Holstein. Le troupeau pâture 9 mois sur 12 sur les 40 ha en herbe. Maïs, blé et orge sont cultivés sur le reste de la surface, d’un total de 90 ha. La jeune femme issue du milieu agricole a travaillé dans des structures para-agricoles avant de faire le choix de s’installer. Elle se consacre depuis un an et demi à la création de sa nouvelle activité : la fabrication de savon artisanal au lait de vache de l’exploitation. Le couple a pour projet aussi de référencer l’exploitation en ferme pédagogique. Par goût et pour son métier, la future agricultrice est présente sur les réseaux sociaux. Elle nous parle de sa démarche de communication sur la ferme du Tilleul. Entretien.

Pourquoi êtes-vous sur les réseaux sociaux ?

Laurie Poussier – « J’ai commencé à communiquer agriculture avant de parler des savons, à travers la ferme de mon compagnon où je participe aux travaux depuis quelques années. Je communique pour ne pas laisser d’autres personnes qui ne connaissent pas le métier communiquer à notre place. Je veux montrer la réalité du métier au quotidien, d’un point de vue objectif. »

Votre communication est positive. Est-ce une volonté de ne montrer que cet aspect ?

L. P. – « Oui, je communique de façon plutôt positive. Je trouve que les infos du monde agricole sont souvent source d’anxiété et donnent une image faussée à force d’entendre des discours négatifs. Moi, je veux donner envie parce que, même s’il y a des galères, je suis contente de ce que je fais. Je veux juste parler de mes petits bonheurs parce que je suis heureuse au quotidien. Pour autant, je ne communique pas en version bisounours. Je veux communiquer pour attirer les jeunes et que les éleveurs continuent à exercer leur métier. »

 

Est-ce une démarche personnelle ou le faites-vous pour la profession ?

L. P. – « Les deux. Au départ, je communiquais personnellement. Ensuite j’ai découvert l’association FranceAgriTwittos et maintenant je communique sans doute plus à travers l’association. On a tous la volonté de communiquer de façon positive pour l’ensemble de la filière à travers cette association. »

« Je ne communique pas en version bisounours. »

Sur quels réseaux êtes-vous présente ?

L. P. – « Mes deux réseaux principaux, c’est Twitter (@PoussierLaurie) et Linkedin (Laurie Poussier). Je fais des vidéos assez directes et les gens s’attachent surtout à ma façon de travailler. Ils aiment découvrir la ferme et les étapes de création de la savonnerie. Ils aiment savoir comment ça évolue. Sur Linkedin, c’est plutôt la cible entreprise, importante car une partie de mon offre avec la savonnerie s’oriente vers les comités d’entreprise notamment. Et derrière chaque compte Linkedin, c’est une personne salariée d’une entreprise mais surtout un consommateur. Sur Instagram et Facebook, j’ai démarré un compte sur la savonnerie car ces réseaux sont plutôt orientés commerce du produit. La cible de ces réseaux est également plus jeune, surtout Instagram. J’ai aussi un compte TikTok et YouTube mais je ne suis pas très active sur ces réseaux. »

Combien avez-vous d’abonnés ?

L. P. – « Sur Twitter, je suis suivie par 3700 personnes. Sur Linkedin, j’ai 1500 abonnés sur ma page perso et 900 abonnés sur ma page entreprise savonnerie. Et j’ai 300 abonnés sur chacun des réseaux Facebook et Instagram. »

Quelle est votre meilleure audience ?

L. P. – « Sur Linkedin, j’ai fait ma meilleure audience avec un post qui parlait des labels en cosmétique, du label bio en particulier. Je parlais de mes choix de matières premières pour les savons et de leur provenance, où je privilégiais l’origine France par rapport au bio. J’expliquais notamment que certains labels de cosmétique bio ont un cahier des charges très light pour le pourcentage d’ingrédients bio sur le produit fini, ce qui à mon sens n’est pas un gage de qualité. Je préfère privilégier une origine France, et notamment une provenance direct producteurs, dans mes matières premières. Sur Twitter mes meilleures audiences sont des post liés à la ferme. »

 

Avez-vous subi un « bad buzz » ?

L. P. – « Moi non mais c’est arrivé à des collègues. Au début de Twitter, j’étais plutôt "rentre dedans", je voulais convaincre tout le monde. A un moment, j’ai été pas mal attaquée dans des débats anti-élevage. Si la personne est vraiment agressive, je bloque désormais. Je ne réponds pas aux insultes de personnes très virulentes. Les échanges avec des membres de l’association FranceAgriTwittos m’ont aidée à prendre du recul par rapport à tout ça. »

Y-a-t-il un post que vous regrettez ?

L. P. – « Non. Cela a pu m’arriver de m’excuser après un commentaire trop osé mais je n’ai jamais eu à supprimer un post. »

Vous souvenez-vous d’un post qui vous a amusé ?

L. P. – « Oui, c’est un clip musical parodique que l’on avait fait avec un collègue. Il a quand même fait 75 000 vues. »

 

Y a-t-il un post qui vous a marqué sur les réseaux sociaux ?

L. P. – « Les posts du Dr Toudou, un vétérinaire qui fait des brèves d’étables, sur son quotidien dans les fermes. Je pense que chaque éleveur se retrouve dans ses posts. On a tous connu des situations touchantes. »

Y-a-t-il un post qui vous a énervé ?

L. P. – « Oui, un post d’un parti animaliste. Ils avaient fait un clip vidéo orienté anti-élevage et cherchaient à énerver les éleveurs. Peu ont répondu, donc au final cette vidéo n’a pas eu beaucoup de répercussions. »

« Je pense que la filière agricole et nos politiques devraient plus s’intéresser à ce qui se dit sur les réseaux sociaux. »

Avez-vous des modèles sur les réseaux sociaux ?

L. P. – « Il y a des comptes que je suis comme Etienne Fourmont, Antoine Thibault, Bruno Cardot… Je regarde comment ils communiquent. Je m’en inspire mais chacun a sa façon de faire. Plutôt que de suivre des exemples à la lettre, j’essaie de comprendre les algorithmes de chaque réseau. Je fais des tests en mettant les mêmes vidéos sur les 4 réseaux. On n’obtient pas du tout les mêmes réponses. Il y a des techniques à trouver pour optimiser les vues sur chaque réseau. »

Quel a été votre déclic pour vous lancer ?

L. P. – « Je n’ai pas eu de déclic particulier mais juste l’envie de communiquer sur mon métier avec le grand public, de manière simple. J’ai rencontré ensuite les FranceAgriTwittos, où je me suis retrouvée dans l’esprit de bienveillance. Il y a également l’association des Agriculteurs de Bretagne, dont je fais partie aussi. »

 

Pensez-vous que les réseaux sociaux ont du poids pour la filière agricole ?

L. P. – « Je pense que la filière agricole et nos politiques devraient plus s’intéresser à ce qui se dit sur les réseaux sociaux. Par exemple au niveau des difficultés que l’on rencontre au quotidien, du poids de l’augmentation des charges, du manque de visibilité sur le prix du lait... Twitter est un réseau important d’un point de vue professionnel. Pour moi, il y a matière à s’améliorer en termes de communication entre les différents acteurs de la filière. »

Combien de temps passez-vous sur les réseaux sociaux ?

L. P. – « Mon temps d’écran sur mon téléphone est énorme mais je ne sais pas comment ils calculent. Pour les réseaux sociaux, j’évalue ça à 2 – 3 h par jour. Si je monte une vidéo, ça prend environ une heure de plus. »

« Je fais des tests en mettant les mêmes vidéos sur les 4 réseaux. »

Comment choisissez-vous les sujets de vos vidéos ?

L. P. – « Au feeling. Ca peut être quelque chose de spontané comme un vêlage. Je ne m’impose pas de fréquence de publication mais sur Twitter et Linkedin, j’en poste plusieurs par semaine. »

« Il faut se former un minimum sur les algorithmes des réseaux sociaux »

Quels conseils donneriez-vous à une agricultrice ou un agriculteur qui veut se lancer sur les réseaux sociaux ?

L. P. – « Ce serait un conseil sur la manière de faire. Il faut rester le plus naturel possible et je conseille d’être objectif par rapport à ce qu’on explique. Il faut assumer ses post et être prêt à pouvoir répondre aux commentaires. Ensuite, je pense qu’il faut se former un minimum sur les algorithmes. J’ai eu une formation à Twitter quand j’étais salariée. Ca aide à comprendre les petits trucs pour être vu. Et je conseille de s’intéresser aux comptes qui ont pas mal d’abonnés pour comprendre comment ça marche. »

 

 

Retrouvez toutes nos interview : Ils expliquent leur métier d'agriculteur sur les réseaux sociaux

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