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Trois stratégies pour aborder l’avenir

Nous sommes de retour chez Gilles, Vincent et Lilian, six mois après la présentation de leur stratégie,  pour voir comment ils ont passé l’année 2016.Chez Gilles Chapron, un des associés du Gaec Lacour en Ille-et-Vilaine, le crédo est de miser sur les investissements en conseils et en équipements pour concilier performance technico-économique, efficacité dans le travail et qualité de vie.Chez Vincent Bossard, un des associés du Gaec de la Huberdière en Vendée, la préservation des sols est devenue le fil conducteur de l’exploitation.Chez Lilian Gaillard, un des associés du Gaec du claret en Isère à 1 000 mètres d’altitude, l’exploitation tire son épingle du jeu grâce à un système autonome et économe et à des investissements raisonnés.

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"Nous sommes tout juste au prix d’équilibre"

Agriculture de conservation. Le Gaec de la Huberdière a contrebalancé la baisse des prix en améliorant ses taux et en ajustant ses charges.

Nous ne devrions pas trop mal nous en sortir sur l’année 2016, estime Vincent Bossard, l’un des trois associés du Gaec de la Huberdière en Vendée (100 vaches, 170 ha). Nous n’avons pas encore les résultats de l’exercice clôt au 31 décembre, mais ils seront à peu près similaires à ceux de 2015." L’EBE se chiffrait cette année-là à 40 000 €/UMO. "Nous sommes tout juste au prix d’équilibre. Nous n’avons pas réduit nos prélèvements privés car nous avons eu la chance de percevoir des rentrées d’argent régulières grâce à la vente d’une quarantaine de vaches de réforme. Nous devions les garder jusqu’en décembre 2015 en raison d’une DPI affectée à une augmentation de stocks animaux."

Le prix du lait (298 €/1 000 l en moyenne sur 2016) se situe à peu près au même niveau que celui perçu en 2015 (305 €/1 000 l). La baisse du prix de base a été contrebalancée par de meilleurs taux, en particulier sur le dernier trimestre (44 de TB et 34 de TP), grâce à une bonne qualité des fourrages. Les primes qualité ont permis d’engranger 15 à 25 € supplémentaires aux 1 000 l (Lactalis). "Malheureusement, nous avons eu quelques pénalités butyriques. L’un des silos de maïs, un peu plus sec que d’habitude, a manqué de tassement, ce qui a pénalisé sa conservation." La production est en baisse de 5 % environ par rapport à l’année précédente, avec 800 000 litres livrés, en raison d’une situation un peu tendue en termes de stocks fourragers. Le pâturage d’automne a été écourté du fait de la météo et le rendement moyen en maïs fourrage a été de 9 t MS/ha même en irriguant, soit une baisse de 15 à 20 %. "Par contre la qualité est bonne (0,91 UFL, 32 % amidon). Et le méteil ressort à l’analyse à 0,99 UFL, 99 g/kg MS de PDIE, 97 g/kg MS de PDIN."

Différents leviers pour produire le lait le moins cher possible

Pour s’adapter à la conjoncture, le Gaec a cherché à produire le lait le moins cher possible. La quantité de concentrés a été diminuée de 15 g/1 000 l. Les vaches reçoivent 10 kg MS de maïs ensilage, 5 kg MS de méteil, du foin à volonté, 2 kg de VL 2 l à l’auge et une complémentation individuelle au DAC pour certaines vaches. Côté cultures, les associés ont recouru en 2016 à des semences fermières pour les 15 ha de blé. En maïs, leur choix a porté sur des semences non traitées (les prairies temporaires n’intègrent pas la rotation) et ils n’ont pas utilisé d’engrais starter. Comme les années précédentes, les charges de mécanisation sont limitées du fait du semis direct et la fumure est réduite, se limitant sur maïs à 25 t de fumier par hectare. "À partir du printemps 2018, nous allons récupérer du digestat, dont l’effet fertilisant sera davantage profitable. Les quantités de digestat rétrocédées devraient permettre de saturer notre plan d’épandage et de réduire encore nos achats d’azote (5 à 10 t contre 25 t/an aujourd’hui)." Le méthaniseur sera alimenté à 80 % par des effluents d’élevage et 20 % par des déchets issus d’industries agroalimentaires. Ce projet rassemble dix exploitations. "L’investissement est réalisé par une société spécialisée en énergie, nous ne sommes pas apporteurs de capitaux." Le chantier doit démarrer au printemps. Enfin, les associés espèrent pouvoir sortir les vaches de bonne heure. Avec une nouveauté cette année, puisque le Gaec a augmenté la surface en prairies et redécoupé ses paddocks pour se lancer dans le pâturage tournant dynamique.

"La hausse de la complémentation a été contenue"

Performance en montagne. Au Gaec du claret, la mauvaise saison fourragère a entraîné une baisse de la production laitière malgré une hausse de la complémentation.

Cette année fourragère 2016 n’est pas la pire que nous avons connue, mais pas loin, estime Lilian Gaillard, un des deux associés du Gaec du claret, en Isère, à 1 000 mètres d’altitude (52 montbéliardes, 88 ha tout herbe). Heureusement le pâturage s’est plutôt bien passé. Cet été, il y a eu de l’herbe quasiment tout le temps. Et les vaches sont rentrées vers le 12 novembre, à peu près à la même date que les autres années. Par contre, les génisses et les taries sont rentrées un peu plus tôt, avec l’arrivée de la neige."

Pour l’enrubannage, la première coupe (juin) a été très mauvaise. "Il y a beaucoup de cellulose grossière et seulement 10 de protéines (15 à 16 habituellement). C’est bien pour faire ruminer, mais pas pour faire du lait. Heureusement, les 2e (fin juillet) et 3e coupes (mi-septembre) ont donné des résultats similaires aux autres années, en quantité et qualité (18 de protéines)", décrit Lilian Gaillard. En tout, le Gaec a récolté 380 balles d’enrubannage : 220 de première coupe et 160 de 2e et 3e coupes.

Pour le foin, la récolte a démarré plus tard que d’habitude (début juillet au lieu du 20 juin) à cause des conditions climatiques. "On a battu tous les records en quantité, avec 760 bottes. Mais la qualité est très médiocre, le foin est très grossier."

Quasiment 1 kg de plus de colza pour les vaches

Le Gaec trie les balles pour que les vaches aient les meilleures. "Nous réservons aussi le meilleur foin pour les génisses de moins de neuf mois. Les génisses plus âgées ont le plus mauvais foin. Et les taries ont un peu de mauvais enrubannage et du foin."

À partir de novembre, les vaches sont passées en ration hivernale, après 1,5 mois de transition alimentaire : 2 bottes d’enrubannage, 2 bottes de foin, un mélange céréalier (blé, orge, maïs) en granulé et du tourteau de colza en granulé. "Cet hiver, on distribue au DAC en moyenne 3 kg/VL de concentré céréalier (de 1 à 4 kg suivant la production des vaches) et 2,5 kg de concentré azoté (de 1 à 3,5 kg). Par rapport aux autres années, c’est quasiment 1 kg de plus de tourteau de colza par jour et par vache !" L’objectif du Gaec était de trouver un compromis entre maintenir une production laitière correcte et un bon état des vaches, et un coût de ration maîtrisé. "Si nous avions visé 7 000 l/vache comme d’habitude, les derniers litres auraient coûté cher. Cet hiver, nous sommes plutôt à 6 500 l/VL." Le Gaec ne peut stocker que 5 tonnes de chaque concentré. Il achète à la coopérative ou à un négociant privé, et se fait livrer toutes les cinq semaines. "Heureusement, le prix du tourteau n’a pas augmenté (300 euros/t)."

Avec cette ration, les vaches produisent en moyenne 21 litres par jour, contre 23 litres habituellement. Il manque d’azote soluble dans la ration. Par contre, il y a de l’énergie, et les taux sont très bons. "Le troupeau affiche 34 de TP contre 32 habituellement, et 42 de TB contre 40 habituellement. Cela compense un peu la perte économique. Au-delà de 38-32, à chaque point de matière grasse supplémentaire, il y a 2,90 €/1 000 l de plus sur le prix du lait et 6,40 € à chaque point de matière protéique supplémentaire. Sur décembre, cela fait environ 1 000 euros de plus (10 % du prix payé au total)."

"Nous avons reporté l’achat d’un troisième robot de traite"

Élevage de précision. Avec une année rude côté lait et viande, le Gaec Lacour a choisi de freiner momentanément ses projets de développement sur le lait, mais garde le cap sur la méthanisation.

Nous avons plein d’idées, mais quand il faut sortir le carnet de chèques, ça calme, lance en souriant Gilles Chapron, responsable avec Jean-François Thébault du troupeau laitier. La passion pour le métier et une trésorerie restée à flot grâce aux poulaillers (9 000 m2), ont permis de limiter l’impact de la crise de 2016. "Nous n’avons pas eu de problèmes de trésorerie ni eu besoin de contacter notre banque pour faire face au manque à gagner sur le lait (référence de 1,4 million de litres de lait) et la production de viande bovine (90 vaches allaitantes et 150 taurillons). Les poulaillers représentent beaucoup de travail, mais c’est une activité intéressante financièrement surtout quand on la compare aux 299 euros/1 000 l de lait payés en moyenne lors de la campagne 2015/2016 (laiterie Sill-Malo). Il nous faudrait au moins 350 euros/1 000 l pour avoir une rémunération correcte et envisager d’investir plus."

Cinq millions d’euros d’investissements en dix ans

Lors de la dernière campagne laitière, le Gaec a produit 15 % de lait en plus en volume B (200 000 l payés 245 euros/1 000 l) pour augmenter son produit, mais comme les charges opérationnelles ont augmenté dans les mêmes proportions, Gilles Chapron estime qu’ils ont travaillé plus pour gagner moins. "Il ne faudrait pas que la crise dure. On nous annonce une moyenne à 320 euros/1 000 l pour 2017, mais rien n’est sûr. S’il y a un réel rebond au niveau des marchés, j’espère que nous en profiterons. Nous sommes des chefs d’entreprises et nous avons investi 5 millions d’euros en dix ans. On peut donc espérer une meilleure rémunération de notre travail."

Les prix de base en janvier et février ont été respectivement de 310 et 320 euros/1 000 l auxquels il faut ajouter une plus-value de 14 euros/1 000 l grâce aux taux.

Sans la crise, le Gaec aurait peut-être investi dans un troisième robot de traite. "Ce n’est plus d’actualité pour l’instant. On hésite parce que produire 1,4 million de litres de lait avec 145 vaches et deux robots cela fait beaucoup. Mais si nous passons à trois robots, je me connais, je vais vouloir les optimiser en produisant plus de lait. Mais actuellement, compte tenu du prix, je préfère vendre des vaches en lait (1 000 à 1 100 euros actuellement) plutôt que de produire plus. C’est pour ces mêmes raisons que nous n’avons pas voulu acheter de quota. En 2018,on aura fini de payer le bâtiment (quelles sont les annuités ?), autant rester sage jusque-là."

De l’électricité vendue 22,5 c d’euros/kWh

Une sagesse dictée par les conséquences d’une augmentation de la production autour de 2 millions de litres de lait. "Il faudrait investir 50 000 euros dans un nouveau robot, prévoir une fosse en conséquence, un nouveau bâtiment pour les vaches taries. On serait peut-être obligés d’arrêter les taurillons. Sans compter l’impact sur la charge de travail."

Projet reporté donc, mais pas abandonné. En revanche, l’investissement dans une unité de méthanisation pour valoriser le lisier produit sur l’exploitation est toujours sur les rails. "Je n’ai pas eu le temps de me pencher plus sur la question ces derniers mois, mais d’ici la fin de l’année, le dossier devrait être bouclé. Nous devrions investir 250 000 euros sans subvention dans un méthaniseur de 33 kWe avec un retour sur investissement de 7 ans d’après la société qui nous l’installera (Biolectric). En théorie, nous devrions réaliser un bénéfice de 10 000 euros par an (contrat de 20 ans). L’électricité sera vendue 22,5 c€/kWh contre 60 c€/kWh avec nos panneaux photovoltaïques (contrat de 2009)." Le contrat ne prévoit pas d’obligation de récupération de la chaleur produite. Mais deux pistes sont à l’étude : chauffage des maisons proches du site et du bureau du Gaec ou chauffage de deux poulaillers (2 400 m2 de surface totale).

Un futur bâtiment pour les génisses

"L’investissement dans un bâtiment pour les génisses nous paraît plus urgent que d’investir dans un troisième robot parce que cela permettra d’améliorer l’efficacité et les conditions de travail de Ronald, notre associé responsable de l’élevage des génisses", souligne Gilles Chapron. Ronald Cherbonnel élève environ 150 génisses par an âgées de 4 jours à 22 mois environ. Deux mois avant le vêlage, elles rejoignent le site des vaches laitières. "L’idéal serait de construire un bâtiment avec 100 logettes sur caillebotis, mais cela coûte cher surtout pour des animaux qui ne restent que quatre à cinq mois par an dans le bâtiment."

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