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« Nos problèmes de cellules ont été résolus grâce à l’audit de traite »

L’EARL de Kerlego, dans le Morbihan, a fait face à une flambée de cellules et de mammites inexpliquées avec une installation de traite neuve conforme. L’audit de traite a mis en évidence une inadéquation des griffes aux trayons du troupeau.

« J’ai inauguré la première traite dans la TPA 2x8 flambant neuve à sortie rapide en mars 2022 », se souvient Damien Le Godec, qui s’est installé avec 75 vaches à 10 000 kg de lait à la suite de son père, en doublant la surface et la production laitière. « Avec cette salle de traite, je voulais investir dans un outil performant permettant d’absorber la surcharge de travail tout en limitant les troubles musculo-squelettiques. » Son père ayant beaucoup souffert des épaules, le jeune éleveur avait préféré se montrer prévoyant en optant pour des faisceaux trayeurs Evanza (DeLaval) légers et ergonomiques.

Mais rapidement Damien a réalisé que quelque chose clochait à la traite. « Beaucoup de vaches retenaient leur lait, raconte-t-il. Une bonne partie d'entre elles décrochaient alors qu’elles étaient mal traites. Je passais la moitié du troupeau en mode manuel et je devais même finir de traire certaines vaches à la main. »

La moyenne d’étable a progressivement diminué. En six mois, les vaches produisaient 4 litres de moins en moyenne. En parallèle, la qualité du lait s’est également détériorée avec une montée en cellules. « Pour rester dans les clous au niveau des analyses du tank, j’étais contraint de trier les vaches et jeter du lait », témoigne Damien.

Jusqu’à ce que la situation dérape vraiment en septembre 2022. « Le taux cellulaire a atteint 308 000 cellules/ml et j’ai été pénalisé pour la première fois avec plus de 500 euros de manque à gagner. Et j’ai dû faire face à un pic de mammites : 8 en quinze jours. »

Solliciter des spécialistes quand la traite se met à déraper

L’incompréhension était totale car l’installation de traite était neuve et l’agrément Certi’Traite délivré en juin 2022 attestait sa conformité. En outre, l’ambiance dans le nouveau bâtiment semblait saine avec l’installation de filets brise-vent et de logettes matelas avec asséchant et paille broyée, nettoyées deux fois par jour. Damien a alors décidé de tout remettre à plat en faisant réaliser un contrôle des déposes automatiques (Dépos’Traite) et un audit de traite par Innoval.

La TPA 2x8 flambant neuve à sortie rapide est intégrée dan le bâtiment d'élevage.
La TPA 2x8 flambant neuve à sortie rapide est intégrée dans le bâtiment d'élevage. © EARL de Kerlego

Le contrôle de la dépose automatique n’a révélé aucune anomalie. Les réglages des temporisations et des seuils de décrochage étaient homogènes sur tous les postes. L’audit de traite a conclu à une bonne technique et hygiène de traite avec une préparation des trayons adaptée. « Cela m’a rassuré dans mes pratiques », confie Damien qui commençait à douter.

Par contre, la traite se montrait agressive comme en témoignent les lésions importantes repérées sur les trayons. « Sur 40 vaches observées, plus de 25 % présentaient des œdèmes et hyperkératoses et 30 % montraient des anneaux de compression marqués dont certaines avec deux anneaux », signale Daniel Le Clainche, référent technique traite chez Innoval.

Des lésions mécaniques importantes repérées sur un tiers des vaches

Plusieurs trayons se trouvaient congestionnés en fin de traite, avec une phase de transition C – phase où la traite se termine et où le massage commence – insuffisante (autour de 8 %), bien en dessous des recommandations d'Innoval (12 à 14 %).

Une mauvaise vidange des quartiers a également été confirmée « nécessitant de rebrancher plus de 40 % des vaches », précise Daniel Le Clainche. La quantité de lait d’égouttage se révélait élevée (supérieure à 20 cl par quartier) et cinq vaches perdaient du lait dans les logettes une heure après la traite, ce qui témoignait bien d’une traite incomplète.

Par ailleurs, « les résultats du test dynamique de traite se sont montrés non conformes à nos recommandations », résume le spécialiste. Le niveau de vide au niveau chambre d’embouchure des manchons était élevé (33 kPa), au-delà du seuil recommandé de 25 kPa. Même constat pour le niveau de vide au tuyau court à lait. De plus, un niveau élevé de vide dans la griffe à la dépose (18 kPa en moyenne avec des pointes à 35, alors que la recommandation est inférieure à 5 kPa) favorisait les phénomènes d’arrachage. « Ce problème a pu être objectivé finement grâce au test dynamique de traite. » La présence d’un gradient de pression inversé pendant la traite présentait également un risque majeur de contamination croisée des trayons.

Objectiver finement la situation avec le test dynamique de traite

« Au regard de tous ces résultats, l’hypothèse la plus probable ressortie du diagnostic a porté sur un choix de manchons inadaptés aux trayons du troupeau », affirme Daniel Le Clainche. Sur cet élevage, beaucoup de vaches présentaient en effet de gros trayons. Sur les 40 sur lesquelles des mesures ont été réalisées au pied à coulisse électronique, un tiers affichait des trayons de diamètre supérieur à 4 cm et un quart des trayons de plus de 5 cm de long.

« Concrètement, durant la traite, les gros trayons se trouvaient étranglés dans la cartouche (manchon dissocié du tuyau court à lait), ce qui induisait une traite incomplète et engendrait des problèmes de santé mammaire », poursuit l’expert.

mesure des trayons grâce au pied à coulisses électronique
Sur l’élevage, les manchons ont dû être changés car ils n’étaient pas compatibles avec le type de trayons des vaches du troupeau, plutôt gros et longs. © Innoval

Un changement de manchons plus adaptés au type de trayons du troupeau s’imposait. « Or, comme le modèle de faisceau trayeur est doté d’une cartouche spécifique de taille unique (Clover), il a fallu opter pour une nouvelle griffe », poursuit Damien.

« Normalement, la cartouche en forme de trèfle permet de traire une grande diversité de trayons. Ce type de problème se rencontre sur certains types de trayons mais cela s’avère néanmoins très rare (moins de 5 % des cas) », concède Loïc Léobold de DeLaval qui recommande, en cas de doute, de mesurer les trayons du troupeau pour valider le choix des griffes avec le technico-commercial avant l’achat. Après concertation avec le concessionnaire, les faisceaux trayeurs ont finalement été remplacés gracieusement par des faisceaux Harmony avec des manchons adaptés aux gros trayons en janvier 2023.

« J’ai vu une nette amélioration au bout de deux mois, indique Damien, soulagé d’avoir enfin pu trouver une solution. La traite n’engendre plus d’anneaux de compression et la situation cellulaire s’est rétablie. » Le troupeau est redescendu à 185 000 cellules aujourd’hui et le nombre de mammites ne dépasse pas une par mois.

« La traite intervient 100 % avec décrochage automatique, sauf pour une vache que je décroche encore en mode manuel. Les vaches qui retenaient leur lait ont vêlé à nouveau et leurs quartiers délivrent le lait correctement, sans congestionnement en fin de traite. » Damien se dit satisfait mais cet épisode a laissé des séquelles. « J’ai dû réformer sept vaches plombées en cellules avec des hyperkératoses irréversibles. Leurs sphincters étaient trop abîmés et se refermaient mal. »

Mise en garde

L’audit de traite a également mis en avant une suspicion de courants parasites, avec des vaches qui se dandinaient sur le quai. Les tensions de contact mesurées s’élevaient à 1 000 millivolts au niveau des quais, soit deux fois plus que la référence. Le fait de refaire la mise à la terre ainsi que les liaisons équipotentielles au niveau des tubulaires a permis de résoudre le problème.

Avis d'expert : Daniel Le Clainche, référent technique traite chez Innoval

« Attention au choix de vos manchons »

portrait Daniel Le Clainche Innoval
Daniel Le Clainche, référent technique traite chez Innoval © Innoval
« Sur le terrain, nous observons régulièrement des choix de manchons inadaptés aux trayons des troupeaux, occasionnant des lésions mécaniques sur les trayons ou des glissements à répétition. Ces dysfonctionnements peuvent parfois être compensés par une modification des réglages (vide, pulsation, débit) mais ce n’est pas toujours le cas.

Pour éviter la survenue de problèmes, l’idéal est de s’assurer de l’adéquation des manchons avec la typologie des trayons de vos animaux, avant l’achat. À partir des recommandations des fournisseurs et de tests grandeur nature en fermes, nous avons classé une centaine de manchons du marché en trois catégories selon leur compatibilité en fonction de la longueur et du diamètre des trayons. Si certains s’avèrent « passe-partout » quel que soit le type de trayons (longs, courts, fins, gros) en adaptant les réglages, d’autres sont à proscrire dans certains troupeaux. »

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