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Le kéfir, un breuvage aux multiples usages en élevage laitier

En utilisant le kéfir dans l’alimentation des veaux, dans la litière ou dans les ensilages, l’objectif est de parvenir à un équilibre microbien favorisant la dominance de germes bénéfiques au détriment des pathogènes.

Originaire du Caucase, le kéfir est utilisé depuis des siècles en santé humaine. Le kéfir lait a l’aspect d’un yaourt liquide homogène.
Originaire du Caucase, le kéfir est utilisé depuis des siècles en santé humaine. Le kéfir lait a l’aspect d’un yaourt liquide homogène.
© Madeleine Steinbach/stock.adobe.com

Qu’est-ce que le kéfir ?

Il s’agit d’une préparation à base de bactéries lactiques et de levures, soit 25 probiotiques vivant en symbiose. Ces derniers se développent très rapidement et s’avèrent très compétitifs vis-à-vis des autres germes. Le kéfir constitue un biofilm naturel. Il est vivant, il faut le nourrir en lui fournissant du sucre (soit du lactose apporté par le lait, soit du saccharose apporté par le sucre). Le kéfir est connu pour ses effets bénéfiques sur la flore intestinale. On lui prête aussi des vertus pour le système immunitaire. Toutefois, les effets sur la santé des animaux ne sont pas démontrés objectivement et se basent principalement sur des retours d’expériences. Il se présente soit sous forme de grains blancs ou gélatineux, soit sous forme de germes de kéfir lyophilisés en poudre.

 

 
Le kéfir, un breuvage aux multiples usages en élevage laitier

 

Un usage de type probiotique pour les veaux

Le kéfir peut être utilisé pour construire et soutenir le microbiote intestinal des jeunes veaux et former une barrière protectrice dans leur tube digestif. « Chez le veau nouveau-né, hormis l’apport de colostrum, la protection repose essentiellement sur l’intégrité de la barrière intestinale », insiste Gilles Grosmond, vétérinaire. Si la flore bactérienne du tube digestif est contaminée par un grand nombre de bactéries pathogènes, des pathologies digestives peuvent apparaître. « Le kéfir n’est pas utilisé dans le but d’éliminer les agents pathogènes potentiels, mais dans celui d’empêcher leur développement en occupant le terrain », poursuit le vétérinaire. Autrement dit, le kéfir rééquilibre le microbiote intestinal du veau pour le sécuriser et favoriser son bon fonctionnement.

« Idéalement, il faudrait distribuer le kéfir dès la naissance, avant même que le veau n’avale le colostrum et que les sécrétions acides de la caillette ne démarrent, décrit Gilles Grosmond. Les germes s’implantent en effet sur la muqueuse intestinale dès les premières heures de vie. » En poursuivant ensuite l’apport de kéfir quotidiennement jusqu’au sevrage, cela contribue à renforcer le biofilm créé à la surface de l’intestin.

Un usage de type ensemencement pour la litière

Le même raisonnement s’applique pour coloniser le milieu de vie. « L’équilibre bactérien des litières est fragile,, surtout dans les bâtiments humides et mal ventilés, rappelle le vétérinaire. Pulvériser du kéfir sucre sur la litière à l’aide d’un pulvérisateur à dos ou sur les boules de paille avant la distribution à la pailleuse, à raison d’une à trois fois par semaine, contribue à apporter des germes bénéfiques et ainsi limiter la concurrence d’éventuelles bactéries pathogènes. » La brillance de la paille est un bon repère, indiquant une litière saine imprégnée de bactéries lactiques.

Autre possibilité : après une désinfection des bâtiments, le kéfir peut aussi amener un premier tapis bactérien constitué de « bonnes bactéries ».

Un usage de type conservateur pour les ensilages

« Certains éleveurs se disent satisfaits de l’impact du kéfir eau sucrée sur la conservation de leurs ensilages. Toutefois, cet effet n’a pas été confirmé lors d’un récent essai mené à la station expérimentale de Derval sur deux ensilages d’herbe à 25 et 40 % de matière sèche, stockés en mini-silos en PVC, relate Agnès Cechetto, de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Une proportion trop faible de bactéries contenues dans l’inoculum utilisé par rapport aux bactéries épiphytes pourrait expliquer ce résultat. » Il aurait été intéressant de l’analyser pour connaître sa concentration.

 

 
Le kéfir, un breuvage aux multiples usages en élevage laitier

 

Kéfirs maison ou commerciaux ?

Sur le terrain, il y a autant de recettes de kéfirs « maison » que d’élevages qui l’utilisent. « Les enquêtes que nous avons réalisées en Pays de la Loire révèlent des pratiques diverses et pas toujours maîtrisées, avec des compositions de kéfir très variables », constate Agnès Cechetto. « Parmi les éleveurs que j’ai formés, très peu appliquent stricto sensu la recette du kéfir et peuvent donc réellement en retirer les effets escomptés », considère le vétérinaire Gilles Grosmond. Certains sont aussi freinés par les contraintes et l’exigence de rigueur que la préparation requiert. Dans ce cas, il reste toujours la possibilité de se tourner vers des kéfirs commerciaux prêts à l’emploi qui ont l’avantage d’avoir une qualité constante et garantie(1) par rapport à des kéfirs artisanaux. Par contre, ils reviennent plus cher.

(1) La norme Codex pour laits fermentés stipule une concentration minimum en microorganismes totaux de 107 UFC/ml et 104 UFC/ml de levures.

Mise en garde

- Le respect des proportions lors de la préparation est important

- Mieux vaut éviter d’ajouter du lait riche en cellules

- La taille du fermenteur doit être adaptée aux besoins

- Si la préparation décante, il faut brasser le mélange, en éliminer les trois quarts et réaliser un nouveau fond de cuve

Avis d’éleveuse : Brigitte Lambert, éleveuse en Mayenne

« Un effet spectaculaire pour conserver les ensilages »

 

 
Brigitte Lambert, éleveuse en Mayenne
Brigitte Lambert, éleveuse en Mayenne © B. Lambert
« Nous avons longtemps utilisé du kéfir eau sucrée pour améliorer la conservation de nos ensilages d’herbe et de maïs. Nous avons vu un effet très net : les taches colorées de moisissures diverses que l’on observait sur les côtés du tas, voire sur le dessus du tas (quand nous n’ajoutions ni kéfir ni conservateur) n’étaient plus présentes. Au début, le kéfir était épandu à l’arrosoir au-dessus du silo. Dès que cela a été possible, il a été incorporé directement via le réservoir de l’ensileuse pour éviter de ralentir le chantier. Avec le kéfir, les pertes au silo ont toujours été quasi nulles. Sauf en 2021, où je n’ai pas réussi mon kéfir. Il ne pétillait pas comme d’habitude, j’avais un sérieux doute, et effectivement il n’a pas apporté l’effet escompté. Sur la dernière campagne, j’ai préféré recourir à un kéfir commercial dont la teneur en bactéries et levures est garantie. C’est plus onéreux, mais au moins je suis sûre de la qualité du produit appliqué. »

 

Avis d’éleveuse : Marie-Agnès Hardy, éleveuse dans la Manche

« Le kéfir sécurise la santé de mes veaux »

 

 
Marie-Agnès Hardy, éleveuse dans la Manche
Marie-Agnès Hardy, éleveuse dans la Manche © M.-A. Hardy
« Je suis adepte du kéfir depuis vingt ans. De la naissance au sevrage, chaque veau reçoit une fois par jour environ 300 ml de kéfir lait dans sa buvée du matin. L’ensemencement de leur flore intestinale constitue une sécurité, notamment contre les diarrhées. Sur l’élevage, je suis la seule à préparer et distribuer le kéfir, la régularité est importante. Le seau de 10 l de lait kéfir reste à une température supérieure à 10 °C, le plus souvent près du tank, et lorsqu’il fait trop froid, près de la chaudière. J’ai une astuce de préparation : je place systématiquement des grains de kéfir dans un bas nylon au fond du seau pour être sûre qu’il en reste toujours suffisamment. Et je garde toujours une réserve de grains au congélateur. »

 

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