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« Les indicateurs acides gras me confortent dans mes choix techniques »

Dans le Finistère, Laurent Le Pape a fait partie du groupe pilote qui a testé les nouveaux indicateurs proposés depuis septembre par BCEL Ouest. Des indicateurs nutritionnels basés sur l’analyse des acides gras du lait, issus du programme Optimir de France Conseil élevage.

Laurent Le Pape, avec Gaëtan Ploteau, son conseiller d'élevage. « Les indicateurs au vert sur l’amaigrissement me rassurent sur mon choix de conduite », indique l'éleveur. © V. Bargain
Laurent Le Pape, avec Gaëtan Ploteau, son conseiller d'élevage. « Les indicateurs au vert sur l’amaigrissement me rassurent sur mon choix de conduite », indique l'éleveur.
© V. Bargain

Pendant quinze ans, Laurent Le Pape a mené son troupeau de vaches laitières en système maïs-soja. Puis, en 2015, il  est passé à un système basé sur l’herbe et le pâturage avec une conversion en bio. « Le changement a d’abord été lié à la conjoncture économique, explique-t-il. Puis j’ai découvert le système herbager, beaucoup plus technique et intéressant que le système maïs-soja. »

Ses 105 ha de SAU se partagent aujourd’hui entre 90 ha d’herbe, dont 40 ha accessibles aux vaches et une récolte en enrubannage, et 15 ha de maïs. Les vaches pâturent de mars à novembre, en pâturage tournant dynamique, avec changement de paddocks toutes les douze heures et un complément d’enrubannage en été. Et du 1er novembre à mi-mars, elles reçoivent du maïs, du soja et de l’enrubannage.

« La difficulté est que nous sommes sur des sols très séchants. De juin à septembre, il n’y a pas d’herbe. » L’éleveur a donc fait le choix pour ses 80 vaches prim’holstein d’avoir des vêlages groupés d’automne. « Cela permet aux vaches d’avoir du maïs quand les besoins sont les plus élevés, en début de lactation, et d’assurer les fécondations pour l’automne suivant. Et mi-juin, quand il n’y a plus d’herbe, 90 % du troupeau est en fin de lactation. » Les quantités d’herbe et de maïs pouvant fortement varier d’une année à l’autre selon la météo, l’éleveur adapte aussi l’effectif du troupeau aux ressources disponibles, en n’élevant que 15 génisses par an et en avançant parfois les réformes. « De plus, cela libère du temps l’été pour la traite, notamment en août quand les deux salariés prennent leurs congés. »

Des indicateurs pour trouver des voies d’amélioration

 

 
L’analyse des résultats une fois par mois permet d’être réactif. © V. Bargain
L’analyse des résultats une fois par mois permet d’être réactif. © V. Bargain

L’éleveur produit 480 000 litres de lait par an, contre 600 000 litres auparavant, avec une part importante du lait produit en hiver, à une période où les prix sont plus élevés. S'il estime son nouveau système « pertinent », la conduite reste toutefois très technique et Laurent Le Pape a été très intéressé par les nouveaux indicateurs proposés par BCEL Ouest. « J’ai besoin d’être conforté dans mes choix techniques et de trouver des voies d’amélioration », précise-t-il. Avec son conseiller Gaëtan Ploteau, il a fait partie du groupe pilote qui a testé les nouveaux indicateurs. Des indicateurs proposés depuis septembre 2020 à tous les éleveurs en appui conseil, et basés sur l’analyse des acides gras du lait en spectrométrie moyen infrarouge. « La spectrométrie moyen infrarouge est déjà utilisée pour doser les taux, l’acétone, l’urée, explique Luc Manciaux, vétérinaire conseil à BCEL Ouest. En travaillant tout le spectre, il est devenu possible d’analyser plus finement certains acides gras et de proposer de nouveaux indicateurs pour mieux piloter la nutrition et la santé des vaches laitières. »

Trois catégories de vaches contrôlées séparément

Depuis février, les échantillons de lait prélevés chez Laurent Le Pape lors du contrôle de performance, onze fois par an, sont analysés sur les acides gras. Trois catégories de vaches sont contrôlées séparément : les vaches de 0 à 50 jours de lactation, celles de 51 à 100 jours et l’ensemble du troupeau. Les résultats sont restitués d’une part sous forme d’un profil du lait comparé à la moyenne des éleveurs du groupe Herbe - Prim’Holstein (les autres races étant Normande et mixte). Et surtout, l’analyse des acides gras est traduite par trois indicateurs nutritionnels, avec un historique qui sera proposé sur douze mois. Un seuil de vigilance et un seuil d’alerte sont définis pour chaque indicateur. Le résultat figure en vert, orange ou rouge, selon que l’indicateur est dans la norme, au-dessus du seuil de vigilance ou au-dessus du seuil d’alerte.

Trois indicateurs nutritionnels avec un historique sur douze mois

1 - Le premier indicateur, lié au taux d’acide oléique, informe sur l’amaigrissement des vaches. « Chez Laurent Le Pape, l’indicateur est au vert pour les trois catégories de vaches, commente Gaëtan Ploteau. Il n’y a pas de problème d’amaigrissement. L’hiver, quand les besoins sont élevés, le maïs apporte assez d’énergie. »

2 - Le 2e indicateur, basé sur l’équilibre des acides gras volatiles en C2, issus de la cellulose, et en C3, issu de l’amidon, reflète l’équilibre fermentaire du rumen. « Là aussi, les indicateurs sont au vert, sauf en août où l’indicateur est orange pour l’ensemble du troupeau », note Gaëtan Ploteau. L’analyse avec Laurent Le Pape révèle qu’en août, où les vaches recevaient deux tiers d’enrubannage, ce sont les moins bonnes bottes qui ont été distribuées. « Je réalise cinq fauches par an et je distribue les moins bonnes en fin de lactation, précise l’éleveur. Cette année, à cause de la Covid, je n’ai pas pu faire la première coupe au bon moment sur 22 hectares. Cela s’est ressenti sur le fonctionnement du rumen. Il y avait trop de cellulose que le rumen a eu du mal à dégrader. À l’avenir, je serai plus vigilant sur le stade de fauche, quitte à faire appel à l'entreprise. »

3 - Le 3e indicateur, basé sur le méthane que les vaches produisent lors de la digestion, reflète l’efficacité de la ration. Pour cet indicateur, l’élevage est moins bien placé, et notamment en rouge en février. « Un régime 100 % herbe est en général plus méthanogène qu’un régime à base de maïs, précise Gaëtan Ploteau. L’analyse des acides gras montre toutefois qu’il y a eu un gaspillage énergétique particulier en février. » En y réfléchissant, Laurent le Pape s’est souvenu qu’en février, il y avait eu un problème dans la distribution du soja. « Vu le prix du soja bio, à 900 €/t, nous mesurons les apports au seau, explique-t-il. Mais selon que le seau est bombé ou non, la quantité par seau n’est pas toujours la même. En février, nous n’avons pas apporté les quantités prévues. Cela s’est traduit par une chute de production, de 25,2 kg/VL en janvier à 22,8 kg/VL en février, soit une perte de 2 700 euros dans le mois. Sans cet indicateur, nous ne nous en serions peut-être pas aperçu. Nous devons être plus vigilants sur les quantités distribuées. »

Profil en acides gras de l'élevage

Le profil est plus favorable que celui du groupe : un peu moins d'acides gars saturés et surtout plus d'acides gras polyinstaurés.

Indicateur « efficacité de la ration »

Les seuils objectifs sont définis en fonction du groupe de référence. L'alerte reflète un régime méthanogène. Si l'élevage est au vert pour les deux autres indicateurs « amaigrissement » et « équilibre fermentaire du rumen », il a connu une alerte en février pour cet indicateur « efficacité de la ration » lié à un problème dans la distribution du soja.

 

Des infos sur les bénéfices pour la santé

Outre les indicateurs nutritionnels utiles à l’éleveur pour piloter la nutrition des vaches laitières, l’analyse des acides gras du lait donne aussi des informations sur la qualité du lait et des produits laitiers et leurs bénéfices pour la santé humaine. « Le lait est constitué de 70 à 75 % d’acides gras saturés, notamment l’acide palmitique (C16:0), explique Gaëtan Ploteau. 20 à 25 % sont des acides gras monoinsaturés, dont l’acide oléique (C18:1 cis19). Et 3 à 5 % sont des acides gras polyinsaturés, dont les oméga 3 et les oméga 6. » Les acides gras saturés sont à limiter en nutrition humaine, notamment l'acide palmitique. Les acides gras polyinsaturés, dont les oméga 3 et oméga 6, et monoinsaturés sont bénéfiques pour la santé humaine. Ils rendent aussi le beurre plus facile à tartiner.

Avis d'expert : Luc Manciaux, vétérinaire conseil à BCEL Ouest

 

 
Luc Manciaux, vétérinaire conseil à BCEL Ouest. © DR
Luc Manciaux, vétérinaire conseil à BCEL Ouest. © DR

« Un bon complément aux outils de rationnement »

« Les acides gras du lait proviennent principalement de la transformation des matières grasses de la ration et de la fermentation des glucides (cellulose, amidon) dans le rumen. Si les apports sont insuffisants, mal équilibrés, mal répartis, des lipides peuvent aussi être mobilisés à partir des réserves corporelles. Les acides gras courts et moyens (jusqu’à C16, 55 à 70 % de la matière grasse) sont synthétisés par les cellules de la mamelle. Au-delà de C16, les acides gras sont prélevés directement dans le sang. Le C16 peut provenir de la mamelle ou du sang. L’analyse des acides gras du lait permet de vérifier que la ration est bien distribuée, bien consommée et bien transformée. Avec une ration stable, bien calée, les indicateurs sont généralement au vert. Mais quand la ration varie, lors des transitions alimentaires ou en système pâturant où l’alimentation évolue au fil des saisons, les indicateurs permettent de conforter ou non l’éleveur dans ses choix. Ils peuvent aussi révéler un dysfonctionnement lié par exemple à un manque de places à l’auge, à un problème sur le DAC... » 

À savoir

Lors d'un changement de pratiques, l’indicateur efficacité de la ration, basé sur le méthane que produisent les vaches pendant la digestion, permet aussi de mesurer l’impact sur l’émission de gaz à effet de serre.

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