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« La gestion pointue des petites génisses permet d’assurer de bonnes croissances »

Plan lacté poussé, passage précoce à l’alimentation solide, ambiance améliorée… Au Gaec de la Bouhardière, dans l’Orne, tout participe à un âge au premier vêlage de 24 mois.

Quand Pierre Guillemine s’installe en novembre 2018 sur le Gaec composé de son père et d’un tiers, son projet est clair : mettre en place des protocoles pour une gestion pointue de l’atelier génisses de 0 à 24 mois, qui est son objectif d’âge moyen au premier vêlage en prim’Holstein.

Les principaux changements ont été : l’investissement dans un taxi lait, le changement de poudre de lait, la pesée des génisses, le renforcement du curage de la nurserie pour les génisses de 1 à 5 mois ainsi que la réduction du chargement des génisses par case. « Comme nous essayons de faire davantage vieillir les vaches, nous avons besoin d’élever moins de génisses. S’il y avait plus de génisses à élever, je n’arriverais pas à gérer les croissances comme aujourd’hui, car le chargement serait plus élevé, avec des conséquences sur le bien-être des animaux. La rotation de case en case serait plus rapide, ce qui est une source de stress pour les animaux. »

Les jeunes veaux, jusqu’à 5 mois d’âge, sont logés sur le site principal avec les laitières et les taries. De la naissance à 1 mois, ils sont en niches individuelles à l’extérieur, le long de la stabulation, exposées au sud. Ce qui est bien en basse saison, moins en été. « Les niches en extérieur, c’est imbattable en coût. Et c’est très bien sur le plan sanitaire », résume Pierre Guillemine.

1 - Du confort thermique

Pour la litière, les éleveurs mettent des copeaux de bois en sous-couche, puis de la paille coupée à l’ensileuse. « Les copeaux sont fabriqués sur la ferme à partir des haies, car un des associés a une chaudière à bois. Cela donne une litière bien isolante et drainante. » Il y a assez de litière, « lorsque l’on ne voit plus les pattes du veau quand il est allongé », précise Élodie Bourbonnais, conseillère chez Elvup. Enfin, Pierre Guillemine a installé un système pour pouvoir fixer une lampe infrarouge chauffante dans les niches.

2 - Une hygiène régulière

Avant l’installation de Pierre, le rythme de nettoyage et de curage des niches était le même. Pour aller plus vite, il s’est équipé d’un canon à mousse.

Après chaque veau, l’éleveur passe le canon à mousse pour laver les niches avec un produit à base de chlore. Ensuite il rince à l’eau claire, puis il désinfecte les niches au canon à mousse. Le sol des niches est lavé à la pompe haute pression entre chaque veau. Le vide sanitaire dure au moins quinze jours. « Les cours des niches sont rabotées deux fois par semaine », ajoute-t-il.

Les seaux à tétine sont rincés à l’eau claire matin et soir, tous les jours. Même nettoyés, les seaux entre veaux ne doivent pas être mélangés. La préconisation est de désinfecter les seaux à tétine une fois par semaine. « Je ne le fais qu’après chaque veau, et ça fonctionne bien comme cela », commente Pierre.

Dès que les veaux boivent bien, au bout de quinze jours, les éleveurs les passent au seau simple sans tétine. « Cela fonctionne bien et le nettoyage est plus simple. »

3 - De l’eau en quantité et renouvelée

L’eau d’abreuvement vient d’un puits de surface. « Nous faisons analyser l’eau chaque année et la qualité bactériologique et l’équilibre physico-chimique (pH, nitrates…) sont plutôt bons. Néanmoins, quand il y a de forts orages, il y a une poussée bactériologique. Pour se sécuriser, nous avons en projet d’installer un système de traitement de cette eau (chlore et soude) », développe Pierre.

L’eau d’abreuvement est changée tous les soirs. « Un bon accès à l’eau est souvent un point qui pèche dans l’élevage des veaux, pointe Élodie Bourbonnais. On constate que plus il y a d’eau à disposition, plus les veaux boivent, preuve que les quantités sont souvent insuffisantes. Surtout, cela favorise l’ingestion de concentrés. Il faut de l’eau pour amorcer les fermentations ruminales. En amenant suffisamment d’eau aux jeunes veaux, on assure de bons GMQ (gain moyen quotidien). » La préconisation est de 1 à 4 litres d’eau dans la première semaine de vie, puis jusqu’au sevrage de 5 à 10 litres d’eau, surtout en été. « Ici, la préconisation est bien suivie. »

4 - Quatre litres de colostrum de qualité

« J’analyse tous les colostrum au réfractomètre et je ne donne pas les colostrum en deçà de 25 brix, explique l’éleveur. Je constitue une banque de colostrum réfrigéré avec les excédents de colostrums de plus de 25 brix. Je drenche les veaux systématiquement pour être sûr d’apporter les quatre litres de colostrum préconisés dans les deux premières heures suivant le vêlage. »

5 - Un plan lacté poussé

Un des changements importants mené par Pierre Guillemine est le changement de poudre de lait pour la phase lactée et la conduite du plan lacté.

La poudre de lait est haut de gamme à 27 % de protéines, majoritairement d’origine laitière pour une digestion lente. « Étant donné le coût de cette poudre (3 400 €/t en 2022, soit 200 €/veau), il faut assurer de bonnes croissances. Il faut donc de bonnes conditions d’élevage pour la valoriser et un suivi rigoureux des animaux, ce qui est le cas ici », souligne Élodie Bourbonnais.

Cette poudre et le plan poussé favorisent le développement des tissus mammaires et participent aux résultats obtenus par le Gaec (lire encadré plus bas).

6 - Des concentrés dès la première semaine

Le plan lacté poussé permet un sevrage précoce à 60 jours qui répond à un objectif d’allègement du travail. « Les veaux s’adaptent progressivement et rapidement à la rumination, avec des concentrés dès la fin de la première semaine, et de la paille dès 1 mois et du pâturage à partir de 5 mois. »

Le concentré des plus jeunes génisses est un aliment premier âge (maïs floconné, tourteau de soja, de colza et de tournesol, avoine, orge…) à 18 % de protéines. « En théorie, il faudrait un aliment plus concentré en protéines. Mais comme on atteint les objectifs de croissance, vu le prix de la protéine, nous restons à ce niveau-là », précise Pierre.

7 - Un suivi de la pesée

L’éleveur effectue des pesées des génisses à partir de 3 mois (sauf certaines génisses qui sont pesées au sevrage), puis trois fois par an pour chaque génisse, jusqu’à 12-14 mois. « La pesée a un coût, mais comme l’élevage des génisses coûte cher, je veux pouvoir réajuster vite le tir si besoin. Grâce à la pesée, cela m’arrive d’inséminer dès 12 mois. » Élodie Bourbonnais estime que beaucoup d’éleveurs pourraient inséminer plus tôt s’ils pesaient les génisses, et gagneraient ainsi en rentabilité.

8 - Un ébourgeonnage très précoce

Pierre Guillemine n’écorne plus : il ébourgeonne le plus tôt possible, au crayon. « Avant, j’écornais au fer. Malgré l’anti-douleur et l’anti-inflammatoire, je voyais bien que les veaux n’étaient pas bien. En ébourgeonnant précocement, il y a beaucoup moins de stress. »

Fiche élevage

]]>225 naissances par an (230 vaches laitières)

]]>80 génisses élevées par an pour l’atelier lait

]]>Vêlages étalés toute l’année

Chargement baissé dans les cases collectives

Entre 1 et 5 mois d’âge, les génisses sont installées dans un bâtiment existant, en cases collectives paillées. « La ventilation n’est pas parfaite. Nous rasons donc les lignes de dos des génisses toutes les trois semaines pour éviter qu’elles transpirent », explique Pierre Guillemine. Un plancher a été installé au-dessus pour isoler les veaux et pailler plus facilement.

Pour éviter trop de pression sanitaire, l’éleveur a baissé le chargement de cinq à trois ou quatre génisses par case. Les cases sont curées une fois par semaine. Enfin, les veaux sont vaccinés contre la pasteurelle (Bovigrip). « Quand on ne vaccine pas, il arrive que des veaux aient des problèmes respiratoires. Je pense que si les conditions de logement étaient idéales, il n’y aurait pas besoin de vacciner. »

Pour l’alimentation, la paille fraîche est distribuée tous les matins et un aliment deuxième âge à 18 % de MAT, avec maïs et tourteaux, est changé aussi tous les jours.

De meilleurs GMQ de 0 à 6 mois

Le concentré des jeunes génisses est valorisé et permet de bons GMQ à condition d'apporter suffisamment d'eau d'abreuvement, de 1 à 4 litres jusqu'au sevrage.
Le concentré des jeunes génisses est valorisé et permet de bons GMQ à condition d'apporter suffisamment d'eau d'abreuvement, de 1 à 4 litres jusqu'au sevrage. © C. Pruilh

Les premières semaines de vie des génisses ont des conséquences sur la carrière de l’animal. Les changements réalisés par Pierre Guillemine se constatent aujourd’hui.

La mortalité des veaux de 0 à 30 jours - hors mort-nés - a baissé ; elle était en deçà de 4 % en 2021, contre environ 6 % avant (moyenne dans l’Orne à 6,1 % sur ces quatre dernières années).

L’objectif d’atteindre au sevrage au moins le double du poids de naissance, soit 90 à 100 kg, est atteint. Ainsi que l’objectif de 200 kg à 6 mois, et de 400 kg à l’insémination artificielle. « À la mise en place des plans lactés, le GMQ moyen était de 728 g/j entre 0 et 6 mois. Les dernières mesures montrent un GMQ de 1 000 g/j », chiffre Élodie Bourbonnais.

Aujourd’hui, l’âge au premier vêlage est en moyenne de 25-26 mois (10 % de normandes, le reste en prim’Holstein) et répond à l’objectif de l’éleveur.

Enfin, le rendement laitier des primipares s’est amélioré. Sur la campagne 2021-2022, les primipares sont issues des nouvelles pratiques et ont produit 8 900 kg de lait à 7 % de MG et MP, contre 7 600 kg en 2017-2018. « Tout cela avec un système en ration complète sans complémentation individuelle, et où les vaches pâturent huit mois dans l’année », précise l’éleveur.

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