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Raphaël Roche dans la Loire
« J’essaie d’être efficace dans toutes les tâches »

Installé en zone de montagne sur 75 hectares, Raphaël Roche parvient à produire seul près de 320 000 litres et à garder une très bonne efficacité économique, malgré la conjoncture.

Au premier coup d’œil, l’élevage de Raphaël Roche n’a rien d’exceptionnel. Chez cet éleveur de 43 ans, installé dans la Loire au sud de Roanne, les bâtiments n’en imposent guère, d’autant plus que la veille du reportage, une grosse tempête a malmené la toiture du logement des génisses. Mais très vite, quelques détails glanés au cours de la visite du site viennent démentir cette première impression : les quatre caméras de surveillance, le manitou transformé en pic-bottes, la pompe à vide à débit variable, le stockage à plat des concentrés, l’équipement de broyage des céréales, ou encore le forage avec réseau de distribution dans les parcelles…. Visiblement ici tout est pensé. « Je ne cherche pas à avoir une ferme aux abords impeccables, reconnaît Raphaël qui produit seul 320 000 litres avec une petite cinquantaine de Montbéliardes à 6 800 litres de moyenne économique. « Ma règle de conduite, c’est d’être efficace dans toutes les tâches. Et d’anticiper, pour ne pas se faire déborder, avoir le temps de prendre du recul et mettre les chiffres sur la table. » Cet éleveur, titulaire d’un BTS de compta-gestion, « aime calculer » et cela se voit sur les résultats économiques. Dégager seul 56 900 € d’Excédent brut d’exploitation et obtenir un prix d’équilibre à 215 €/1 000 litres en 2016 (1) c’est plutôt une belle performance, surtout en zone de montagne à 500 mètres d’altitude avec des terres très hétérogènes et filtrantes.

Des investissements échelonnés au fil des années

Raphaël a longtemps « été coincé au niveau production » par les quotas. Il s’est installé en 1995 après le départ en pré-retraite de son père, avec 100 000 litres de lait et 20 vaches allaitantes. « Il n’y avait pas d’attribution aux jeunes installés dans la Loire. » L’échange quotas/primes à la vache allaitante a permis cinq plus tard de monter la référence à 150 000 litres. En 2009, quand il a démarré un suivi Écolait avec le BTPL, sa référence était toujours limitée à 165 000 litres. La reprise de quelques hectares, des volumes de consolidation demandés chaque année mais surtout l’achat de quotas sans terre (TSST) lui permettent aujourd’hui de disposer d’un volume de référence de 290 000 litres. Raphaël a donc mené une politique d’investissement prudente, sans pour autant rater l’occasion de moderniser son outil de travail pourvu que ce soit rentable. Ainsi par exemple en 2009 a-t-il investi dans un récupérateur de chaleur, la pompe à débit variable et un éclairage led en bénéficiant des subventions du plan d’économie d’énergie.

La stabulation des laitières, construite en 2002, a été adaptée au fur et à mesure que le troupeau grandissait. "J’ai d’abord ajouté deux travées, puis en 2011 installé 48 logettes sur l’aire paillée et aménagé une aire d’exercice extérieure », explique Raphaël. La salle de traite (une 2x3 transformée en 2x5) est installée dans l’ancienne étable où se trouvent également les veaux et les génisses de deux ans, de l’autre côté de l’aire d’exercice extérieure des vaches. « L’aire d’alimentation des génisses sert d’aire d’attente à la salle de traite. Cela fonctionne très bien. Je laisse les vaches dans l’aire d’attente le matin le temps de nettoyer les logettes et de distribuer l’alimentation. »

Le choix de la valeur ajoutée plutôt que le volume

L’exploitation est aujourd’hui peu endettée. Les 41€/1 000 litres d’annuités lui permettent, malgré la crise, d’envisager sereinement de nouveaux aménagements. Un dossier a été déposé dans le cadre du PCAE (Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations) pour un montant d’investissement de 110 000 € (voir encadré).

Raphaël Roche a par ailleurs démarré en mai 2016 une conversion bio. « À l’avenir il y aura deux modèles d’exploitations : des grandes exploitations et des exploitations qui dégageront de la valeur ajoutée. Seul, je ne me vois pas produire plus ; je n’ai pas non plus envie de gérer un salarié. J’ai donc saisi l’opportunité qu’offrait ma coopérative Sodiaal, argumente-t-il. D’après l’étude conversion faite avec le BTPL, je devrais m’en sortir économiquement au moins aussi bien qu’en conventionnel. » Il n’est pas le seul à avoir fait ce choix sur sa commune (Saint-Cyr de Favières) : sur les quatre exploitations laitières, une et en bio et deux ont engagé une conversion.

Sur son élevage, avec 1 UGB et 4 700 litres de lait produit par hectare de surface fourragère, le passage au bio ne devrait pas être très difficile. Raphaël assure déjà sur ses 77 hectares l’autonomie fourragère du troupeau. Le pâturage est bien valorisé. « Je ne vais pas changer grand-chose au pâturage. J’ai beaucoup de prairies naturelles en pente. Je ne mets déjà plus d’engrais sur les pâtures des vaches depuis deux-trois ans », indique-t-il. L’assolement n’a pas été modifié en 2016. En 2017, la surface en maïs a été réduite de 8 ha à 5 ha, 4 ha de méteil ont remplacé le blé et 4 ha de prairies temporaires riches en légumineuses semés à l’automne dernier s’additionneront aux 11 ha en place. L’objectif est de réduire le correcteur azoté coûteux en bio. Mais avec une alimentation donnant une part égale (30 % sur l’année) au pâturage, à l’ensilage d’herbe et à l’ensilage de maïs plus un peu de foin, le correcteur (un aliment du commerce à 47 % MAT) est déjà limité à 300 kg/vache/an. La quantité totale de concentré est de 1400 kg/vache/an. Raphaël n’a pas l’intention d’arrêter le maïs : « il est intéressant dans la rotation, dans l’alimentation en quantité raisonnable et permet parfois de combler un déficit fourrager suite à une sécheresse de printemps ».

Son objectif est de réaliser la conversion en dix-huit mois (le délai minimum). Le lait sera commercialisé en bio en novembre prochain. « Économiquement, c’est plus avantageux de passer rapidement ». Conséquence directe : il a produit beaucoup de lait sur la dernière campagne pour remettre les stocks de fourrages non bio à zéro. « Il faut six mois d’alimentation bio pour qu’une vache produise du lait bio. Et j’ai habituellement un tiers de stocks d’avance », détaille-t-il. J’ai produit intégralement mon volume B sur la dernière campagne. » Cela a eu un impact sur le prix du lait 2016. Michel Deraedt, qui assure le suivi Écolait, l’estime à -16 €/1 000 litres avec un volume B qui représente 27 % des livraisons. « Il est équivalent à la prime à la conversion bio versée par Sodiaal (17, 4 €/1 000 l - la prime versée à partir du mois de mai étant de 30 €) », précise-t-il. Autre conséquence pour que les vaches soient « bio » dès novembre 2017 : une partie des 10 ha de céréales récoltées en 2016 a été vendue. Du maïs épi bio sera acheté pour être distribué en début de conversion des vaches (à partir de mai 2017) et en début de lactation prochaine (fin août).

Fermeture de la salle de traite du 15 juillet au 15 août

Raphaël a fait le choix, depuis près de vingt ans, de grouper les vêlages sur les mois d’août, septembre et octobre. Cela a une incidence sur le prix du lait puisque, chez Sodiaal, tout le lait produit en juillet, août et septembre est du volume A. Par contre le fait de produire peu de lait d’été n’aura pas d’incidence en bio. « La contrepartie d’être seul, c’est de rationaliser les tâches, argumente-t-il. Cette année, j’ai 43 vaches pleines en deux mois. Les génisses sont inséminées à partir du 1er novembre. J’ai des lots de génisses homogènes et je suis plus attentif aux périodes clés. » Il a installé quatre caméras pour faciliter la surveillance. Le groupage des vêlages lui permet aussi de fermer la salle de traite pendant un mois. « Ce n’est pas un objectif prioritaire, si un jour j’ai un problème de repro, j’arrêterai. » Il part ainsi l’été une dizaine de jours en vacances avec sa femme enseignante et ses deux fils — Baptiste, 12 ans et Louis, 10 ans — sans faire appel au service de remplacement : « au bout de dix jours je commence à trouver le temps long ! Mon père surveille les vaches. Elles sont réparties sur toutes les surfaces avec un peu de foin ». Il prend aussi une semaine à Noël ou en février.

Ici l’été est très sec. Avec les vaches en fin de lactation, le silo de maïs est fermé en juin et juillet et rouvert en septembre, celui d’ensilage d’herbe d’avril à juillet. La ration semi-complète (ensilages correcteur azoté et céréales) est distribuée avec une Supertino de 8 m3, une mélangeuse équipée à l’arrière d’une fraise. Le VL 3 litres et les minéraux sont distribués individuellement. « Cela me permet de voir les vaches », souligne cet éleveur très proche de ses animaux.

Peu de mortalité, de réformes et de mammites

Le gros point fort de l’élevage, c’est le produit cheptel qu’il parvient à dégager, 85 €/1 000 litres en 2016. Raphaël fait attention à ne pas perdre ce qui est à sa portée. Il a très peu de mortalité sur les veaux et les vaches : seulement une vache et deux veaux perdus en 2016. Il valorise aussi très bien les veaux grâce au croisement industriel. Il insémine une quinzaine de génisses avec de la semence sexée, et une dizaine de vaches en Montbéliarde, le reste est inséminé en Charolais. En 2016, il a ainsi vendu 37 veaux à 334 €. Il vend également une dizaine de vaches, prêtes ou non, pour la garde (933 € en 2016, habituellement plutôt 1200-1300€) et réforme très peu : seulement cinq vaches cette année. Enfin la qualité du lait est quasiment irréprochable. Côté hygiène de traite, il a abandonné depuis cette année les lavettes individuelles et pratique un moussage suivi d’un essuyage à la laine de bois. Des investissements sont prévus dans la salle de traite : l’automatisation du pré et postrempage, le recyclage des eaux de lavage, et un double lactoduc pour faciliter la distribution du lait aux veaux. « Cette année, ils ont été nourris avec près de 20 000 litres de lait entier, distribué au milk-bar, je vais continuer. » Côté mammite, cela va plutôt bien. Depuis l’année dernière, au tarissement, les vaches ont soit un traitement antibiotique associé à un obturateur, soit un obturateur seul. « Avant, j’avais un peu de mammites un mois après vêlage ; je n’en ai eu qu’une petite cette année. » Depuis six mois, il n’a eu aucune mammite : « cela ne m’était jamais arrivé ! ».

Raphaël est un éleveur bien dans sa tête et dans ses bottes. Il voit dans son passage au bio un challenge : « c’est motivant de changer, de faire des formations, j’en ai fait beaucoup cette année ». Quant au projet d’investissement, s’il n’est pas indispensable au fonctionnement de l’exploitation, il permettra de continuer à améliorer les conditions de travail, sans s’exposer trop aux mauvaises périodes de volatilité. Et tout en apportant de l’attractivité pour un successeur. Raphaël a deux jeunes garçons qui s’intéressent au métier. C’est un peu tôt pour faire des projets mais mieux vaut toujours anticiper.

(1) Sans prendre en compte l’impact de la conversion bio estimé à + 76€/1 000 litres.
« Seul, je ne me vois pas produire plus »

Chiffres clé

77 ha dont 48 de prairies naturelles, 11 de prairies temporaires, 8 de maïs et 10 de blé et orge.
48 Montbéliardes à 6 800 l
320 000 l produits
1 UMO
1, 04 UGB/ha SFP

« Simple, efficace et cohérent »

« L’exploitation est un exemple réussi de l’association d’une bonne rentabilité de chaque litre de lait et d’un volume produit par personne important (320 000 litres). Raphaël Roche aime les choses simples et efficaces, les techniques qui fonctionnement bien, sans soucis, cohérentes avec les caractéristiques de son exploitation. Avec 45 ou 48 ????? vaches Montbéliardes à 7 000 litres et les génisses en vêlage 3 ans, environ 10 ha de céréales autoconsommées, 1 UGB et un peu moins de 5 000 l/ha SFP, la ressource fourragère est adaptée aux besoins sans forcer. Il ne cherche pas à rivaliser en productivité avec les champions ni sur les terres, ni sur les animaux, ni sur le matériel ou les équipements. Il ne se ruine pas en investissements toujours soutenus sous prétexte d’optimisation fiscale. Les investissements doivent être rentables. Et les annuités à rembourser (41 €/Ml en 2016) sont raisonnées par rapport à la capacité de remboursement de l’exploitation, avec une marge de sécurité. C’est ce qui lui a permis de passer 2015-2016 sans être dans le rouge. »

Michel Deraedt, ingénieur BTPL (PHOTO Dans RLA 301, page 66)

Un projet d’investissement de 110 000 euros

Raphaël Roche prévoit l’élargissement du couloir d’alimentation des vaches, l’aménagement de boxes pour les génisses et de boxes de vêlage/infirmerie en vis-à-vis des laitières, la couverture de la fumière, une préfosse devant le cornadis et un caniveau à lisier flottant vers une petite fosse existante, et la construction d’une deuxième petite fosse pour le recyclage des eaux usées de salle de traite. « La surface couverte sera plus que doublée, sans aucun poteau ce qui permettra d’avoir un bâtiment transformable, souligne Raphaël Roche. La diminution de l’aire d’exercice extérieure et la couverture de la fumière faciliteront la gestion des effluents. « Actuellement, je gère un fumier mou. J’aurai moins de difficultés à le gérer avec un fumier plus solide. » S’il est accepté, le projet (en bio et en zone de montagne) devrait bénéficier de 40 % de subventions. Les travaux devraient démarrer cet été.

Des vêlages à trois ans

« L’âge au vêlage ne peut pas se raisonner de la même manière ici en zone de montagne et en zone de plaine où l’on peut faire sur les surfaces des cultures à marge élevée, affirme Michel Deraedt du BTPL. Les génisses valorisent des parcelles éloignées et ingrates. Ce sont des hectares qui bénéficient des aides PAC, et qui ne reçoivent ni engrais ni fumier, avec peu de charges de mécanisation et un fermage peu élevé : ils ne coûtent pas cher. » Raphaël Roche élève 15 génisses par an. L’hiver, les génisses sont au régime foin et consomment les refus des vaches.

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