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« J’élève moins de génisses et j’allonge les lactations », dans les Vosges

Au Gaec de la Perrière, dans les Vosges, Romain Humblot a défini une nouvelle stratégie de reproduction : moins de vêlages, des lactations plus longues et une pression de sélection accrue. Son objectif : produire autant de lait avec moins de vaches, pour se dégager du temps.

<em class="placeholder">Romain Humblot avec vaches montbéliardes</em>
Romain Humblot souhaite faire vieillir ses vaches : « J’estime qu’il faut trois génisses pour produire la même quantité de lait que deux vaches en troisième veau. »
© A. Legendre

Romain Humblot s’occupe seul du troupeau de montbéliardes qui produit 1,1 million de litres de lait par an en traite robotisée, au Gaec de la Perrière, dans les Vosges. « Jusqu’en 2021 nous avions un salarié, mais il est parti pour s’installer, et ses remplaçants ne sont restés à chaque fois qu’environ six mois », explique l’éleveur. Fatigué par ce turn-over, il a décidé de changer de stratégie il y a un an : réduire le nombre d’animaux pour pouvoir s’occuper seul du troupeau, en conservant la même quantité de lait produite.

Il y a deux ans, le troupeau comptait 240 animaux, dont 96 à 100 vaches en lactation. Aujourd’hui, il n’y en a plus que 180, dont 86 vaches en lactation.

C’est surtout sur le taux de renouvellement que l’éleveur travaille. « Je fais vêler moins de génisses, indique-t-il. Cela prend du temps de leur apprendre le robot, et elles produisent moins que les vaches. » Cette année, seulement vingt-huit génisses ont vêlé, au lieu de quarante les années précédentes.

Le classement ISU comme critère de choix

Romain Humblot a revu sa stratégie de reproduction. « Avant, chaque année naissaient entre 60 et 65 femelles montbéliardes. Aujourd’hui, je vise entre 35 et 40, pour en garder entre 25 et 30 », raconte l’éleveur.

 

 
<em class="placeholder">génisses montbéliardes au cornadis</em>
Toutes les génisses sont génotypées à la naissance. Avant la mise à la reproduction, Romain Humblot fait le tri en combinant les résultats d’ISU et ses observations. © A. Legendre

Toutes les femelles montbéliardes sont génotypées. « À un mois et demi, je connais la valeur des veaux », précise Romain Humblot. Et quand vient le moment de les inséminer, vers 15 mois et 450 kg – l’âge au premier vêlage est en moyenne de 25 mois sur l’exploitation – l’éleveur se fie à l’ISU. « Je garde les 25 meilleures, sauf si elles ont un caractère rédhibitoire, comme un mauvais tempérament ou un pis renversé avec de petits trayons vers l’arrière, explique-t-il. Sur les quinze suivantes, je garde les cinq qui me plaisent le plus. » Les autres sont vendues pleines, à l’export.

Pour choisir avec quel type de dose inséminer ses vaches, Romain Humblot suit le même raisonnement. Il regarde le classement ISU de son troupeau, insémine les 25 % ayant le plus haut potentiel en semence sexée, et les 30 % les plus bas en croisé. Entre les deux, il insémine en dose montbéliarde conventionnelle. « Je continue à faire des IA en conventionnel, car elles sont deux fois moins chères que les semences sexées, et il y a 10 % de réussite en plus », explique l’éleveur. De plus, certains de ses veaux mâles peuvent intéresser Umotest pour leur schéma de sélection.

Meilleur taux de réussite à l’IA en croisé

L’éleveur a choisi d’augmenter la proportion d’insémination en croisé blanc bleu belge. « J’obtiens un meilleur taux de réussite à l’IA en croisé et la dose est moins chère. Nous n’avons pas plus de mal à sortir les veaux, mais il y a une grosse différence au niveau du prix de vente », estime Romain Humblot. En effet, sur la campagne 2024-2025, les veaux mâles croisés blanc bleu belge se sont vendus en moyenne 519 euros à un mois – les femelles 395 euros – alors que les veaux mâles montbéliards se sont vendus 351 euros.

À partir de la troisième insémination, tous les animaux inséminés auparavant en conventionnel sont inséminés en croisement viande. Un tiers des vaches ne prennent qu’après la troisième insémination. Romain Humblot n’hésite pourtant pas à inséminer les vaches au-delà, tant qu’elles produisent du lait. « Une vache qui produit 40 à 50 litres de lait 200 jours après vêlage, je peux continuer à l’inséminer, même après cinq inséminations », indique l’éleveur.

Des vaches calmes et fonctionnelles

« Les vaches, je ne veux les « voir » que deux fois par an : quand elles vêlent et quand je les taris », explique Romain Humblot. Il recherche des vaches tranquilles, productives et sans problème : « Tant qu’une primipare tape au robot, je ne l’insémine pas, je peux parfois attendre 100, voire 150 jours. Si elle ne se calme pas, je la vends à des éleveurs équipés de salle de traite, je n’ai jamais eu de retours négatifs. » Pour le choix de ses taureaux, il se fie à l’ISU et à des critères bien spécifiques. En priorité : la santé de la mamelle, la synthèse laitière, l’attache avant et la hauteur et largeur de l’attache arrière. Ceux qui lui font écarter un taureau : le tempérament, l’équilibre de la mamelle, la longueur, la forme et les écarts des trayons.

Un IVV de 413 jours en moyenne

Avec la nouvelle stratégie de reproduction de Romain Humblot, les lactations s’allongent et l’intervalle vêlage-vêlage moyen atteint cette année 413 jours pour le troupeau. Il était de 377 jours, il y a encore cinq ans. Cela n’affecte pas l'éleveur, « si je peux garder une vache, surtout à partir du troisième veau, ce sera toujours mieux qu’une primipare, notamment avec le temps passé pour lui apprendre le robot. » Il prend l’exemple d’une vache en cinquième veau qu’il n’a réussi à inséminer que presque un an après vêlage, après huit inséminations. « Un an et demi après vêlage, elle produisait encore 36 kg, ça me va. » Sur l’ensemble de sa lactation, qui a duré 533 jours, elle aura produit 27 480 kg de lait, soit 52,2 kg par jour en moyenne. « Mon objectif n’est pas de faire des lactations aussi longues, précise Romain Humblot, mais économiquement, ce genre de vache a sa place dans mon troupeau. »

Mécaniquement, cette stratégie réduit le nombre de vêlages par an, passé de 125 il y a deux ans à 96 cette année.

L’éleveur a également arrêté de poser des embryons, alors qu’il en posait cinquante par an jusqu’au passage au robot, en 2020. « J’en mettais sur mes moins bonnes génisses. Dorénavant, ces génisses-là, je ne veux plus les faire vêler. De plus, l’écart entre le niveau génétique de mon troupeau et celui que je pourrais obtenir en posant des embryons n’est plus significatif », explique l’éleveur.

 
<em class="placeholder">Romain Humblot</em>
« Une vache qui produit 40 à 50 litres de lait 200 jours après vêlage, je peux continuer à l’inséminer, même après cinq inséminations », explique Romain Humblot. © A. Legendre

Objectif 13 000 litres produits par vache

Aujourd’hui, les vaches produisent en moyenne 12 000 litres de lait. Romain Humblot espère monter à 13 000 litres dans les trois ans qui viennent. « Je pense que c’est possible en peaufinant la conduite technique. En parallèle, je pourrais aussi encore réduire un peu le nombre de génisses à vêler. » Dans le troupeau, les primipares produisent entre 9 000 et 10 000 litres de lait, alors que les multipares en produisent entre 13 000 et 14 000, avec une production moyenne au pic de 55,6 kg pour les vaches en troisième veaux et plus. Mais avant de réduire le nombre de génisses à vêler, il faudra d’abord réussir à faire vieillir les vaches. « Aujourd’hui, les réformes pour cause de cellules sont encore trop nombreuses », estime l’éleveur qui fait état d’un nombre important de mammites, environ 75 par an. Pour l’instant, le nombre moyen de lactation par vache est de 2,5, un chiffre que l’éleveur aimerait voir progresser à l’avenir.

La nursery est vide un mois en été

 

 
<em class="placeholder">nursery veaux vide</em>
Le 21 août, la nursery était complètement vide. © A. Legendre

« Chaque année, je réalise un vide sanitaire de la nursery pendant environ un mois », explique Romain Humblot. Il souhaite ainsi limiter les maladies telles que la coccidiose ou la cryptosporidiose. « Je veux deux mois et demi sans vêlage en race montbéliarde, entre juin et août, et au moins un mois sans aucun vêlage. » Ainsi, l’éleveur arrête les inséminations en montbéliarde fin août, les inséminations en croisement viande un mois après. « Si une vache est vraiment bonne, cela ne me dérange pas d’attendre deux mois et demi pour la réinséminer. » Auparavant, le vide sanitaire survenait en septembre-octobre, mais l’éleveur a choisi de l’avancer, en juillet-août. « Une vache qui produit 60 litres de lait quinze jours après vêlage sous 40 °C, c’est quand même compliqué pour elle, alors, je préfère qu’il n’y ait pas de vêlage lorsque les températures sont les plus chaudes. »

Chiffres-clés

1,1 million de lait produit

86 vaches à 12 000 kg

TB 38,5 - TP 34,9

2 robots – 2,6 traites par vache et par jour en moyenne

360 ha de SAU dont 120 ha de prairies naturelles, 30 ha de maïs ensilage

12e élevage au palmarès national ISU montbéliarde

ISU moyen élevage : 144

% de réussite IAP génisses : 70 % (35)

% réussite après 3 IA et + génisses : 10 % (5)

% de réussite IAP vaches : 40 % (38)

% réussite après 3 IA et + vaches : 34,7 % (33)

Intervalle moyen vêlage première IA : 80 jours

Intervalle moyen vêlage IA fécondante : 133 j

IVV 413 jours

Avis d’expert : Justine Aubry, technicienne montbéliarde chez Elitest

«Romain ne laisse rien au hasard»

 

 
<em class="placeholder">Justine Aubry</em>
Justine Aubry, technicienne montbéliarde chez Elitest © A. Legendre

« Romain travaille la génétique de son troupeau pour avoir des vaches performantes, selon ses objectifs. Il raisonne beaucoup sur des critères économiques, alors l’ISU lui convient bien. C’est un index dans lequel les critères sont choisis notamment en fonction de leur poids économique. La synthèse laitière compte pour 45 % dans l’ISU : sélectionner grâce à cet index a aussi du sens pour lui, car il souhaite augmenter la production par vache. Toutefois, il ne s’appuie pas uniquement sur cet index. Il a le souci du détail, c’est grâce à ça qu’il atteint ses objectifs. Lorsque nous élaborons un plan d’accouplement ensemble, nous faisons le tour des vaches, nous notons leurs qualités et leurs défauts, nous rentrons dans le détail des postes et nous cherchons le taureau le plus complémentaire. L’éleveur combine observations et génomie, pour avoir un troupeau adapté à ses objectifs. »

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