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« J’ai supprimé une traite sur quatre en hiver pour mes vaches laitières »

Installé en bio à Saint-Jouin-Bruneval, en Seine-Maritime, Benoît Décultot a choisi de réaliser trois traites sur deux jours en hiver, en 2018. Ce système lui convenait très bien tant qu’ils étaient deux personnes pour traire.

Une première traite à 6 h du matin. La seconde vers 20 h. La troisième le lendemain à midi. Puis impasse sur la traite du soir. Les vaches attendent le lendemain 6 h pour redémarrer un nouveau cycle de trois traites sur deux jours. C’est le rythme de traites qu’a choisi d’adopter en hiver Benoît Décultot depuis 2018, avant de passer en monotraite cet hiver. Il s’est appuyé pour cela sur des résultats d’études qui montraient que jusqu’à 16, voire 17 heures d’intervalle entre deux traites, la production laitière était peu, voire pas impactée. Mais, pour que ce système fonctionne sans devoir traire à des heures impossibles, Benoît a appliqué des intervalles de traite de 14 heures et 18 heures.

Cette pratique est compatible avec son mode de production. Depuis son installation en 2006, il a toujours misé sur un système économe, très pâturant et autonome, quitte à brider la production de ses vaches. Lorsqu’il était en conventionnel, la moyenne de production de son troupeau de 70 normandes flirtait avec les 5 000 litres de lait. Puis, il a franchi le pas de la conversion bio lors de l’hiver 2017-2018. « La moyenne du troupeau a alors baissé à 3 600 - 3 700 litres de lait par vache », souligne l’éleveur. Il livre par conséquent 250 000 litres de lait à Biolait, malgré un droit à produire de 360 000 litres. Mais la baisse de production laitière du troupeau liée au passage en bio, Benoît l’assume totalement.

La plupart des vaches en fin de lactation l'hiver

En revanche, elle l’a conduit à reconsidérer la pertinence du maintien de deux traites par jour en hiver. Surtout qu’avec une bonne moitié des vêlages groupés de mars à mai, la plupart des vaches sont en fin de lactation en hiver. Leur production est limitée à 10 litres de lait par jour, dont seulement 3,5 à 4 litres lors de la traite du soir. D’où l’idée de réduire le nombre de traites à trois au lieu de quatre sur deux jours. « Mettre en route la salle de traite avec un tel niveau de production par vache ne valait pas le coup. Mais d’un autre côté, je ne voulais pas non plus perdre trop de lait par vache. C’est possible avec la suppression d’une traite sur quatre. La baisse de lait est largement inférieure à 10 %. Les variations de production sont parfois bien supérieures quand on change les vaches de paddock lors de la saison de pâturage. »

 

 
Benoît Décultot a appliqué des intervalles de traites de 14 heures et 18 heures pour ne pas traire à des heures impossibles.
Benoît Décultot a appliqué des intervalles de traites de 14 heures et 18 heures pour ne pas traire à des heures impossibles. © B. Décultot

 

Le choix de limiter cette pratique à la période hivernale a également été dicté par des contraintes d’organisation. « Il fallait que les vaches passent la nuit dans le bâtiment parce que je ne me voyais pas aller les chercher avec une lampe torche ou dans une parcelle trop éloignée. »

Pas d'impact négatif sur l'EBE

En quatre ans de pratique, le bilan est plutôt positif. « Le nombre de mammites est resté inférieur à trois par mois. Je n’ai fait qu’un seul traitement antibiotique pour soigner une mammite en cours de lactation depuis 2018. » Les comptages cellulaires sont restés autour de 200 000 à 250 000 cellules/ml de lait, voire 300 000 cellules un mois par an, plutôt en hiver. Sur le plan économique, Benoît Décultot s’y retrouve également. « J’aspire plus à dégager du temps libre que du revenu, reconnaît-il. Mais mon revenu me convient. » Ses données de gestion de 2021 font état d’un produit brut de 182 000 euros avec un EBE de 73 000 euros (soit 40 % du produit) et un résultat courant de 19 800 euros. « Depuis que je suis passé en bio, mon EBE varie entre 75 000 et 80 000 euros. » Côté organisation du travail, tout allait très bien jusqu’au départ de sa salariée qui l'a poussé à tester la monotraite cet hiver.

Fiche élevage

Système bio

70 normandes

3 700 l de lait par vache

3 traites tous les deux jours l'hiver de 2018 à 2021

74 ha de pairies

500 kg d’orge/VL/an

1,3 UMO

La monotraite à l’essai cet hiver

Suite au départ de sa salariée en janvier 2022, Benoît Décultot, estimant qu'assurer seul trois traites sur deux jours était compliqué, a décidé de tester la monotraite cet hiver.

« La suppression d’une traite sur quatre me convenait bien tant que nous étions deux à assurer les traites. Je faisais une traite du matin, du midi et du soir tous les quatre jours. Je ne devais pas me lever tôt et finir tard très souvent. Mais, quand ma salariée est partie début janvier 2022, cela devenait compliqué par rapport à ma vie de famille. J'étais même plus fatigué que lorsque je faisais deux traites par jour », expose Benoît Décultot. D’où l’idée de tester la monotraite cet hiver. « Je me suis dit que si j’avais un salarié en moins, je pouvais aussi me permettre d’avoir du chiffre d’affaires en moins et donc d’avoir un peu moins de lait. »

Une première expérience pas totalement convaincante

Le premier mois s’est plutôt bien passé. Puis les choses se sont gâtées. La production des vaches a été divisée par deux. « L'impact du passage à la monotraite a été amplifié par leur ration, composée cet hiver uniquement d’un ensilage d’herbe de qualité moyenne en raison de mauvaises conditions de récolte », expose Benoît. En passant à la monotraite avec une moyenne de comptages cellulaires initiale de 200 000 à 250 000 cellules/ml, donc plus élevée que les recommandations (moins de 200 000 cellules/ml), Benoît savait qu'il prenait un risque de ce côté-là. « Mi-janvier, la moyenne a grimpé jusqu'à 650 000 cellules/ml. Elle est redescendue à 500 000 cellules/ml début février. Grâce à la modification de la ration des vaches et au tarissement des plus touchées, j'espère vraiment redescendre à un niveau correct. »

Malgré cela, Benoît veut persévérer dans cette voie mais en modifiant certaines pratiques : ensilage plus précoce pour assurer une meilleure qualité, décalage de quelques vêlages en automne… « Comme je tiens à mon autonomie énergétique, je n’envisage pas de reprendre des heures de tracteurs et de consommer du GNR, pour faire du maïs ou du méteil. Si je suis trop déçu par la monotraite, je reviendrai peut-être à la suppression d’une traite sur quatre mais de façon moins rigoureuse pour que ce soit compatible avec ma vie de famille. »

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