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De la luzerne de haute qualité à prix stable pour les éleveurs et les céréaliers du séchoir Secoppa en Normandie

Le séchoir collectif Secoppa, dans le Calvados, est un outil partagé entre éleveurs et céréaliers. De la récolte à la vente de la luzerne déshydratée, une mini-filière a été créée pour garantir un produit de haute valeur alimentaire à des tarifs stables. 

L'année 2025 est la première où le séchoir collectif Plaine Pays d'Auge, ou Secoppa, fonctionnera sur une saison complète. Et les premiers bouchons de luzerne déshydratée sont commercialisés depuis mai. 

Cette structure est peu banale. Elle associe des céréaliers de la plaine et des éleveurs du bocage, en majorité de vaches laitières, mais aussi de vaches allaitantes et d'ovins. Avant ce projet, ils étaient déjà habitués à procéder à des échanges paille contre fumier et à travailler en collectif au sein des Cuma de la région. 

Une mini-filière de luzerne déshydratée à 20% de protéines

Leur problématique était la suivante : dans le pays d'Auge, les éleveurs veulent alimenter leurs animaux avec de la luzerne pour produire du lait au maximum à partir de protéines locales. Mais ils ne peuvent pas la cultiver eux-mêmes (sols pas adaptés, manque de surface). À l'inverse, les céréaliers sont intéressés pour la cultiver mais ils ont du mal à bien la vendre. 

Les partenaires auraient pu se contenter de monter une mini-filière de foin ou d'enrubannage de luzerne. Mais ils décident d'aller plus loin et de fabriquer ensemble de la luzerne déshydratée à teneur élevée et garantie en protéines. L’idée est de monter une mini-filière qui récolte, achète la luzerne sur pied, la sèche et la transforme pour vendre la luzerne déshydratée en foin ou en bouchons aux éleveurs. 

« Notre objectif est de pouvoir fournir toute l'année de la luzerne à 20% de protéines, complète Hubert Delaplanche, adhérent Secoppa. Ce qui intéresse le plus les éleveurs, ce sont les bouchons de luzerne pour substituer tout ou partie du tourteau de soja. À terme, le Secoppa pourrait fabriquer 80 % de bouchons et 20 % de luzerne déshydratée en bottes. » 

Taillée pour 1200 à 1500 tonnes de luzerne

Céréaliers et éleveurs ont créé dans un premier temps une Cuma pour l'acquisition du matériel de récolte et la gestion des récoltes. Puis, comme la Cuma ne peut pas commercialiser la luzerne, une Sica (société d’intérêts collectifs agricoles) a été créée pour acheter la luzerne aux cultivateurs, la transformer, puis vendre les produits de luzerne : foin et granulés de luzerne déshydratée. C'est la Sica qui porte l'investissement dans le bâtiment. 

« Notre structure est rentable à partir de 1200 tonnes de matière sèche de luzerne par an et peut traiter jusqu'à 1500 tonnes », indique Vincent Barbot, président de Secoppa.

Une gouvernance moitié céréaliers et moitié éleveurs

Pour l'heure, 25 agriculteurs (cultivateurs et/ou éleveurs) sont actionnaires dans la Sica Secoppa. « Ils adhèrent pour sept ans et le montant des parts sociales équivaut à 64 euros la tonne de matière sèche de luzerne engagée. Les agriculteurs s'engagent sur un nombre d'hectares ou un volume acheté, sans minimum imposé. D'autres agriculteurs nous rejoindront bientôt », assure Vincent Barbot. Il ajoute que « pour un bon équilibre, nous défendons une gouvernance à 50 % producteurs et 50 % consommateurs de luzerne. De même, l'esprit est une parité au sein du conseil d'administration et du bureau ».

Un prix selon la teneur en matière sèche

Pour une luzerne haut de gamme, la première étape est d'organiser des chantiers de récolte de manière à : faucher à un stade jeune, manipuler le moins possible le fourrage pour éviter de perdre des feuilles, et laisser sécher la luzerne le moins longtemps possible au sol. L'objectif est que le fourrage arrive au séchoir à au moins 50 % de matière sèche.

À chaque déchargement, la luzerne est analysée : taux de matière sèche, teneur en protéines. La Sica paye la luzerne aux producteurs en fonction de la matière sèche. « Si je sens que ma première coupe ne sera pas de bonne qualité, je la passe en enrubannage. Je choisis mes meilleures luzernes pour passer dans le séchoir », précise un adhérent. 

Une fois engrangé, pour garder le meilleur de la luzerne, le séchage doit se faire en moins de cinq jours et à basse température. L'objectif est d'atteindre 90 % de matière sèche. 

Deux énergies renouvelables

L'autre objectif des agriculteurs était de maîtriser le coût de l'énergie pour viser une stabilité du prix des produits déshydratés. Pour ce faire, l'installation recherche à être la plus autonome possible en énergie. 

Les panneaux photovoltaïques sur le toit (près de 300 kWc) fournissent de l'électricité en partie autoconsommée pour faire tourner les ventilateurs, le broyeur et le granulateur, et en partie revendue (la facturation débutera début 2026). La chaleur sous les panneaux est récupérée et injectée dans les cases pour sécher le fourrage. « En outre, le fait de récupérer cet air chaud améliore le rendement de la production d'électricité du panneau de 10 % », ajoute un adhérent. Enfin, en appoint à cette chaleur solaire, un générateur d'air chaud fonctionne au bois déchiqueté, issu de l'entretien des haies du bocage. 

CHIFFRES CLÉS

Tarifs 2025 pour les adhérents Secoppa

Prix de la tonne de matière sèche pour des produits à 20 % de MAT

• 354 € pour du granulé conventionnel (319 € si le produit est à 18% de MAT)

• 388 € pour le granulé bio (349 € à 18 % MAT)

• 262 € pour du foin conventionnel (236 € à 18 % de MAT)

• 290 € pour du foin bio (261 € à 18 % de MAT)

Les tarifs non adhérents sont 20 % plus chers. 

Plus de 4 millions d'euros investis

• Plus de 4 millions d'euros ont été investis pour le bâtiment, les équipements de séchage, broyage et granulation, et le matériel de récolte. Le projet a bénéficié de financements (1,46 million d'euros) de la région Normandie, du Plan de relance ainsi que du fonds de compensation collective agricole. 

• Près de 150 hectares sont emblavés en luzerne en 2025 dans un rayon de 10 kilomètres autour du séchoir. La vente aux éleveurs se fait dans un rayon de 35 kilomètres. 

• 1 salarié est embauché pour les récoltes et pour travailler dans le séchoir. Secoppa fait appel au groupement d'employeurs départemental GE14 pour 15 heures par semaine, et demande ponctuellement l'appui de salariés de Cuma locales. Des Cuma locales prennent en charge le transport de la luzerne déshydratée. 

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