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Marchés
La filière porcine au bord de l’implosion

La hausse des matières premières a fait exploser les besoins de trésorerie des Fab et des éleveurs. Ces derniers produisent à perte. L’équation est intenable.

« La fluctuation extrêmement violente des prix des matières premières génère des besoins de trésorerie énormes », témoigne Thierry Solignac, responsable Nutrition porcine du groupe coopératif Triskalia, qui produit 440.000 t/an d’aliments porcs, sur 1 Mt au total. Et, avec des céréales et oléagineux particulièrement chers, la production de cochon n’est tout simplement plus rentable. Résultat, les éleveurs augmentent leurs encours auprès des fabricants d’aliments pour animaux (Fab), créant un équilibre bien fragile. 

La hausse des prix nécessite de provisionner davantage… si les banques suivent !
« La première problématique des éleveurs réside dans leurs besoins de trésorerie », explique Thierry Solignac. Ils doivent en effet « avancer l’aliment avant de vendre le cochon », six mois plus tard. Ils se basent sur un prix d’aliment à l’instant T pour estimer leurs besoins financiers. Mais quand l’aliment passe de 260 €/t, comme c’était le cas en avril, à 300 €/t à l’automne, cela ne colle plus. Et les banques « n’ouvrent pas de crédit en fonction des hausses des prix de l’aliment ». Les entreprises de nutrition animale sont confrontées à la même difficulté. « Nous consommons 45.000 t de tourteaux de soja par mois. à 250 €/t, nous devions provisionner 11,5 M€. Mais le soja est monté jusqu’à 550 €/t, faisant grimper la facture à 24 M€ ! » Et ce, uniquement pour le soja. Les céréales ont elles aussi bondi. « L’inflation des matières premières nécessite des volumes d’argent importants. Nous voyons régulièrement des entreprises saines mettre la clef sous la porte parce que leur trésorerie ne suit pas », déplore le représentant de Triskalia.

Les éleveurs perdent 18 euros par porc
« Se pose ensuite la question de la rentabilité » elle-même, poursuit Thierry Solignac. Sur la base d’un prix d’aliment à 325 €/t, comme c’est le cas aujourd’hui, le prix de revient brut de la production de porc est de 1,81 €/kg, portant le prix de base (correspondant à la classe de l’animal) à 1,68 €/kg. « Avec un prix de marché à 1,50 €/kg, on est à près de 20 centimes en dessous du coût de revient. Sachant qu’un cochon pèse 90 kg, l’éleveur perd 18 euros par animal ! C’est hallucinant. » Pourtant, « le prix actuel du cochon correspond aux niveaux hauts des années précédentes ». Deux solutions s’offrent alors à l’éleveur : négocier avec sa banque ou retarder le paiement de son aliment à trente jours, reportant ainsi le problème sur le Fab. Le cocktail contribue à « un appauvrissement global de la filière », regrette Thierry Solignac.
Pourtant, « en Bretagne, hormis sur l’abattage, maillon faible au niveau structurel, nous sommes compétitifs en termes d’aliments et bien placés sur les coûts de revient », indique le professionnel de Triskalia, qui commercialise 32.000 porcs charcutiers par semaine via ses filiales spécialisées. Cela n’empêche pas la filière de souffrir. La situation serait d’ailleurs la même dans tous les bassins de production européens. En Espagne, les délais de paiement accordés aux éleveurs atteindraient même parfois les 120 jours. « Une bulle qui va finir par exploser », redoute le fabricant d’aliments. Et « le jour où cela va craquer, il faut s’attendre à un effet domino ».

Répercuter la hausse des prix des matières premières en bout de chaîne
Côté approvisionnements, les solutions semblent en effet comme un coup d’épée dans l’eau : « acheter à terme nous permet de lisser » les prix des matières premières mais, si la tendance se maintient, les hausses sont quoi qu’il en soit marquées, explique Xavier Tellier, responsable de Cobrena, filiale Achats et Formulation de Triskalia. Et s’intéresser davantage à l’orge, dont l’écart avec le blé se creuse ? La céréale pourrait être réintégrée plus massivement dans les formules. « Mais il finit toujours par y avoir un rattrapage des marchés » les uns par rapport aux autres. Et s’il y a eu « une fenêtre de baisse des cours, les projections à trois/six mois parient plus pour la fermeté », avec les incertitudes sur l’hémisphère Sud.
Seule solution pour la filière, confirmée par les opérateurs bretons : « intègrer le coût des matières premières au prix de la viande ». Le bras de fer avec les GMS continue. Mais, pour le responsable de Triskalia, « il faut que cela bouge rapidement ». Aujourd’hui, « nous sommes dans l’obligation de faire trés attention avant de livrer. La situation est suivie à la semaine. »

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