La Pomme du Limousin développe des dispositifs pour recruter des cueilleurs locaux en Haute-Vienne et Corrèze
Avec ses « Points pommes », ses tournées quotidiennes de bus ou encore l’aide d’Action logement, la Pomme du Limousin s'efforce d'attirer davantage de cueilleurs locaux. Autant de dispositifs intéressants qui gagneraient à être renforcés.

La Pomme du Limousin a beau être la seule pomme AOP de France, quand il s’agit de la récolter, encore trop peu de cueilleurs locaux se précipitent dans les vergers. Pour encourager toujours plus de chercheurs d’emploi à s'orienter sur la cueillette, un dispositif spécial est déployé chaque année grâce à l’Anefa Limousin (Association nationale paritaire pour l’emploi et la formation en agriculture) et France Travail.
Des « Points pommes » bien rodés
Des « Points pommes » sont mis en place, pour les cueilleurs comme pour les pomiculteurs qui souhaitent embaucher. L’accueil est physique mais aussi téléphonique, avec une ligne dédiée, ouverte de mi-août à mi-octobre à l’agence France Travail de Brive (Corrèze). « Nous travaillons main dans la main avec l’Anefa, le dispositif est fluide et bien rodé », se réjouissent Christine Leguerrier, directrice de l’agence, et Catherine Gibouret, responsable d’équipe Entreprises.
Le dispositif comprend des interventions dans des quartiers prioritaires de la ville (QPV). À Brive (Corrèze) fin août, un arboriculteur de l’AOP Pomme du Limousin est ainsi venu présenter le métier de cueilleur, lors de rencontres ouvertes à tous (demandeurs d’emploi ou non). C’était la deuxième édition de cette action. « 80 % des personnes présentes sur les deux rencontres de Brive ont ensuite candidaté », se félicitent les deux responsables brivistes.
Lors des animations en QPV, comme lors de tout échange avec un conseiller France Travail, l’exercice est délicat : il faut donner envie de participer à la récolte et, en même temps, bien informer les aspirants cueilleurs des conditions de travail et de la pénibilité, pour éviter les abandons en cours de route. « Nous sensibilisons à la notion d’engagement », assurent Christine Leguerrier et Catherine Gibouret.
Malheureusement, les abandons restent nombreux et problématiques, aggravés par la météo. « Après trois jours de pluie non-stop, de gadoue, d’eau qui s’infiltre partout, beaucoup de candidats jettent l’éponge, raconte Audrey Schwertz, chargée de communication à l’AOP Pomme du Limousin. À l’inverse, les travailleurs étrangers, qui viennent de loin en ayant planifié leur voyage depuis longtemps, restent quelle que soit la météo. » La chaleur décourage elle aussi, mais dans une moindre mesure.
Financer des bus quotidiens
Trouver des cueilleurs est un défi, assurer leur transport quotidien jusqu’aux vergers en est un autre. Pour financer ces tournées de bus, l’Anefa Limousin souhaiterait bénéficier d’un meilleur soutien public. « On sent que ce n’est pas la priorité des collectivités, regrette sa directrice Anne-Hélène Peuch. Historiquement, la région Limousin nous donnait une bonne subvention. Mais quand les régions ont fusionné [en 2016], la Nouvelle-Aquitaine n’a pas repris cette aide. » L’association peut tout de même compter sur environ 3 375 euros du département de la Haute-Vienne et 4 000 euros de la Corrèze, à condition, dans les deux cas, de transporter au moins une centaine de cueilleurs bénéficiaires des minimas sociaux. De leur côté, les pomiculteurs payent trois euros par jour et par cueilleur.
Au regard des aides actuelles, la pérennité du financement des bus n’est pas assurée, estime la directrice. En 2024, l’association a dépensé autour de 93 000 euros (contre 75 000 euros en 2023) pour les bus en Corrèze et Haute-Vienne, car la récolte s’est étirée dans le temps, notamment à cause de la pluie.
Bus en Corrèze et Haute-Vienne : des contextes différents
L’Anefa Limousin n’exclut pas de supprimer, à l’avenir, les bus corréziens, moins utilisés qu’en Haute-Vienne. « En Corrèze, les agriculteurs ont plus d’hébergements, et ils font beaucoup appel à des travailleurs venus de l’étranger, logés sur place, indique Anne-Hélène Peuch. En Haute-Vienne, les producteurs ne peuvent pas investir dans des logements, donc le bus a toute sa légitimité. »
Cette saison, la Corrèze vise 200 recrutements via France Travail, sur un total d’environ 1 000 embauches, chiffre l’Anefa Limousin. Sur les 800 embauches restantes, la majorité concerne des personnes d’origine étrangère, le reste est constitué de recrutements de locaux par le bouche-à-oreille ou fidélisés d’une année sur l’autre. La Haute-Vienne poste quant à elle 600 à 700 offres via France Travail.
L’appli Covoit Modalis, une piste à explorer
Autre piste à explorer pour transporter les cueilleurs : le covoiturage gratuit via la plateforme Covoit Modalis, mise en place par la région Nouvelle-Aquitaine en s’inspirant de BlaBlaCar. L’application permet de créer des communautés d’inscrits qui partagent un même intérêt, notamment professionnel, par exemple des covoiturés d’une même entreprise, zone d’activité, administration ou d’un même hôpital. L’Anefa Limousin entend prochainement s’emparer de l’outil pour créer une communauté dédiée à la cueillette, en particulier en Corrèze.
Faciliter l’hébergement
Si en Haute-Vienne, les coûts et les normes à respecter empêchent la construction de logements, les cueilleurs peuvent se tourner vers Action Logement. « Ils proposent une aide de 150 euros par mois durant quatre mois, pour les saisonniers agricoles qui ont besoin d’un logement proche de leur lieu de travail », décrit Anne-Hélène Peuch. La solution est intéressante mais elle bénéficie pour l’instant à « une poignée de cueilleurs ».
Favoriser l’économie locale
Un argument pour inciter les pouvoirs publics à faciliter l’emploi de cueilleurs locaux ? « Faire travailler des saisonniers locaux contribue à maintenir l’économie locale », affirme la directrice de l’Anefa Limousin. C’est aussi un moyen de ramener vers l’emploi des publics qui en sont éloignés. « Par exemple, en Haute-Vienne, beaucoup de cueilleurs locaux sont suivis par Cap Emploi, ont des reconnaissances handicap [ex. : RQTH] ou des fragilités, rapporte Anne-Hélène Peuch. Pour celles et ceux qui n’ont pas travaillé depuis longtemps, la cueillette permet de reprendre confiance. »