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La palette des solutions au picage s’élargit en poules pondeuses

Faute de solution miracle, les éleveurs de poules pondeuses ont plusieurs leviers d’action pour prévenir ou limiter le picage sévère.

Le non épointage n'affecte pas les performances individuelles, mais la mortalité est supérieure, voire très supérieure, à celles des lots non épointés.
Le non épointage n'affecte pas les performances individuelles, mais la mortalité est supérieure, voire très supérieure, à celles des lots non épointés.
© Novogen

En poule pondeuse, le picage est un comportement normal d’exploration du milieu et d’interaction sociale. En revanche, il devient anormal lorsque les coups de bec deviennent agressifs entre poules. Ce picage dit « sévère » entraîne un désemplumement et des lésions, allant jusqu’au cannibalisme. Le picage impacte donc négativement le bien-être des poules, leur santé et leurs performances. Selon une récente publication scientifique, les chercheurs relient cette dérive comportementale à un « manque de possibilités de comportements exploratoires et de fourragement ».

Il est révolu le temps où le bec des poulettes était raccourci à la lame chaude et où les éleveurs posaient des « lunettes » lors d’un épisode de picage sévère des poules. Désormais, en l’absence de solutions aussi radicales pour le prévenir, en France les lots de poules sont systématiquement épointés à l’éclosion afin de limiter les blessures si le picage se déclenche.

Mais, épointer n’est pas toujours suffisant. Réduire l’intensité lumineuse dans le bâtiment est encore largement employé, mais ne s’applique pas bien dans les bâtiments clairs avec des poules pouvant sortir. D’autres solutions existent. Avec l’arrêt de l’épointage dans quelques pays, les éleveurs hors de nos frontières ont trouvé des méthodes complémentaires.

Occuper les poules et détourner leur attention

Que ce soit en préventif ou en curatif, ces solutions complémentaires sont peu ou prou les mêmes. Il s’agit d’enrichir la zone de vie par des matières consommables ou par des objets qui vont occuper les poules et détourner leur attention. Ce sont du fourrage (luzerne le plus souvent, paille, copeaux…) mis à disposition ou des grains jetés au sol, des blocs à picorer.

 

 
Antoine Le Calvé, nutritionniste chez Novogen. « Il n'existe pas de solution miracle et universelle : c'est à chaque éleveur de s'adapter à ses poules, en combinant la lumière, les objets à piquer et les produits consommables (fibres et blocs). »
Antoine Le Calvé, nutritionniste chez Novogen. « Il n'existe pas de solution miracle et universelle : c'est à chaque éleveur de s'adapter à ses poules, en combinant la lumière, les objets à piquer et les produits consommables (fibres et blocs). » © P. Le Douarin

 

Un substrat cellulosique peut être mis en place avant la survenue du picage sévère, mais sa consommation diminue dans le temps, car les poules se lassent vite. A contrario, plus les poules sont nerveuses plus elles en consomment, jusqu’à 5 g/poule/jour avance Antoine Le Calvé, nutritionniste chez Novogen.

Outre l’occupation, la fibre insoluble ingérée apporte un sentiment de satiété et calme la poule. Le nutritionniste souligne que, malgré sa valeur nutritionnelle nulle, ce fourrage grossier est intéressant. « La fibre fait plus travailler le gésier et capte l’eau. »

Quant au bloc à piquer du commerce, vu son coût il est plutôt utilisé en curatif, avec la nécessité de l’adapter à chaque élevage. « S’il est trop friable, il sera vite consommé et s’il est trop dur, la poule va s’en lasser et le bouder. » D’autres substrats friables sont utilisables (béton cellulaire, agglo…).

Enfin, l’objet de distraction peut être efficace, s’il est de formes et de coloris variés et s’il est régulièrement renouvelé. Cela peut être un ballon, un seau, un carton d’emballage, une ficelle suspendue…

Observer et réagir le plus tôt possible

 

 
Un bidon vide peut faire partie de la panoplie des objets de dérivation du comportement naturel d'exploration par picage
Un bidon vide peut faire partie de la panoplie des objets de dérivation du comportement naturel d'exploration par picage © P. Le Douarin

 

Le picage sévère peut apparaître en poulettes dès six semaines, à la montée en ponte, en fin de lot, ou si survient un stress. L’observation attentive des poules est indispensable pour détecter les dérives et éviter l’extension du phénomène à tout le cheptel en hors cage (d’où la segmentation en lots). L’absence de plumes visibles au sol est un signe avant-coureur qui doit alerter le soigneur, tout comme la montée du nervosisme. « Il faut prendre le temps de se poser pour observer les poules et essayer de quantifier les scènes de picage », ajoute Antoine Le Calvé. Pour l’objectiver, « nous travaillons sur un système de vidéo couplée à l’intelligence artificielle ».

En curatif, la réactivité et la rapide mise en place de mesures correctives permettent de limiter les dégâts. « Réduire l’intensité lumineuse est immédiat et l’effet rapide. Pour garder une marge de manœuvre à la baisse, nous préconisons d’augmenter l’intensité initiale. Aux Pays-Bas, les éleveurs sont à environ 20 lux en volière contre 15 lux en France (et 5 lux en cage). » Cette baisse est déconseillée pendant la montée en ponte. « En donnant au sang une couleur noire », des éclairages rouges ou verts peuvent aussi avoir un effet.

Dans certains cas, l’éleveur peut faire augmenter le taux de cellulose dans l’aliment pour bénéficier de l’effet rassasiant et calmant. « En hors cage, nous préconisons d’augmenter d’entrée la cellulose de 1 %, soit d’être à environ 4,5 % hors phase de picage. Si ça arrive, on monte de 0,5 %, voire plus. Mais cela réclame un certain délai. » Il existe aussi des additifs nutritionnels à base d’extraits de plantes et d’huiles essentielles, censés réduire le picage sévère.

En définitive, estime Antoine Le Calvé « c’est à chacun de trouver le cocktail de solutions qui marche le mieux dans son élevage. Il n’y a malheureusement pas de recette universelle ».

L’impact de la génétique

Les souches blanches sont réputées moins sujettes au picage que les brunes pour lesquelles les éleveurs invoquent souvent la génétique comme facteur prédisposant. « Chez Novogen, nous prenons en compte ce caractère, souligne Thierry Burlot, responsable de la sélection. Nos lignées pures ont toujours eu le bec intact et nous mesurons le picage par famille en logeant ensemble cinq sœurs de même père et mère. Nous recherchons des poules calmes et curieuses capables de s’adapter vite à tous les milieux. Il faut qu’elles ne soient ni amorphes, ni nerveuses. » L’étude Anses-Itavi-Inrae de 2015-2016 a relevé que 77 % et 75 % des lots à picage sévère qui étaient logés en cage aménagée et système plein air détenaient la même souche brune, non citée.

Le picage sévère est mal évalué

Les données sur la fréquence du picage sévère sont rares. En France, on ne sait pas quelle est la part d’élevages concernés et s’ils le sont de manière récurrente. L’enquête de 2015-2016 a tenté d’évaluer la fréquence du picage sévère dans 80 élevages en cages et autant avec parcours avec des poules âgées d’environ 60 semaines. En cage, le picage sévère – évalué par le désemplumement – touchait 32,9 % des poules contre 23,8 % pour celles hors cage, mais avec moins de cannibalisme (2,5 % en cage contre 8,8 % hors cage). La mortalité moyenne était respectivement de 3,36 % et 4,95 % dans les deux groupes.

Le saviez-vous ?

Les pays ayant arrêté l’épointage des poules sont la Norvège en 1974, la Finlande en 1986, la Suède en 1988, l’Autriche en 2000, le Danemark en 2014, l’Allemagne et la Suisse en 2017, les Pays Bas en 2019.

 

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