Jouer avec le décalage de précocité pour faire pâturer les chèvres dans le sorgho
La fenêtre de pâturage du sorgho étant courte, il peut être intéressant d’implanter plusieurs variétés de sorgho pour viser le stade optimum. Résultats d’essais au Pradel.
La fenêtre de pâturage du sorgho étant courte, il peut être intéressant d’implanter plusieurs variétés de sorgho pour viser le stade optimum. Résultats d’essais au Pradel.



Le sorgho est une graminée estivale qui suscite de l’intérêt en caprin car elle est productive et peut être pâturée en été. Mais sa fenêtre d’utilisation est courte au pâturage l’été et en début d’automne. En dessous d’une certaine taille – 50 à 80 cm selon les variétés –, le sorgho est toxique. A contrario, plus il grandit et se rapproche du stade de l’épiaison et plus le fourrage perd de la valeur et plus le gaspillage augmente. Or, le sorgho peut pousser en conditions favorables, jusqu’à 5 à 7 centimètres par jour ! Il convient donc de décaler la pousse pour permettre son pâturage juste au-dessus du seuil de non-toxicité et éviter de se faire dépasser par leur développement.
Trois précocités différentes semées en même temps
Des semis échelonnés permettraient théoriquement d’étaler la maturité mais, dans les faits, les fenêtres météo sont souvent trop limitées au printemps. En zone méridionale, le sorgho s’implante sur un sol réchauffé (10-12 °C), idéalement avant la mi-mai pour éviter les sécheresses et les coups de chaleur.
D’où l’idée et la série d’essais conduits au Pradel (Ardèche) de semer en même temps sur des bandes distinctes plusieurs types de sorgho qui présentent des précocités différentes afin d’étaler le stade optimum de pâturage.
Entre 6 et 7,5 tonnes de matière sèche
Dans des essais conduits en 2023 et 2024, trois types de sorgho ont été implantés le même jour. D’abord, le sorgho précoce (variétés Latte ou Piper) peut être pâturé à partir de 50 à 60 centimètres. Ensuite, le sorgho tardif (Octane) présente de meilleures valeurs alimentaires et doit être pâturé à partir de 60 à 80 centimètres. Enfin, le sorgho PPS (Monster PPS) est plus flexible car il ne monte pas en épis sous nos latitudes. Les chèvres de la ferme expérimentale caprine du Pradel ont ainsi pâturé alternativement les trois bandes de sorgho en passant trois à cinq jours dans chaque bande de précocités différentes.
Deux tours de pâturage ont été réalisés en juillet et septembre. Entre 6 et 7,5 TMS/ha ont été produits lors de ces deux années favorables, avec des pluies estivales mais sans irrigation ni fertilisation. Avec de 7,6 à 12,5 % de matière azotée totale, ces sorghos se sont montrés en dessous des attentes et des résultats précédents. Cependant, la valeur énergétique a été conforme aux attentes en affichant plus de 0,80 UFL/kg MS.
13 à 22 jours de pâturage pour cent chèvres avec un hectare
De vraies différences de comportement ont été observées entre les sorghos. Ainsi, les variétés Piper et Octane ont présenté un décalage de pousse qui a permis de les pâturer au stade optimum. Au final, avec des conditions météorologiques favorables, ce dispositif a permis de nourrir pendant 13 jours un équivalent de 100 chèvres par hectare en 2023 et pendant 22 jours en 2024. Le sorgho pâturé a ainsi fourni de 50 à 83 % de la ration fourragère avec 1,1 à 2 kg de matière sèche ingérés par chèvre pour environ six heures de pâturage. Le décalage de précocité a permis bien souvent que les chèvres entrent sur la parcelle quand le sorgho ne dépassait pas un mètre de haut.
Des règles pour bien pâturer le sorgho
Au pâturage, le sorgho se pilote avec un mètre ! Il faut le pâturer à partir d’une certaine hauteur – 50 à 80 centimètres suivant les types – pour éviter sa toxicité à la dhurrine. Mais il ne faut pas non plus le pâturer trop haut car il perd rapidement de la valeur alimentaire et le gaspillage risque d’augmenter notablement. Au-dessus de 1,20 à 1,50 mètre, les chèvres vont gaspiller, voire ne vont plus explorer, la parcelle. Pour ne pas se faire dépasser par le sorgho qui pousse très vite, il est conseillé de limiter les surfaces implantées. Un repère d’un hectare pour 100 chèvres pour une semaine de pâturage est un bon indicateur pour débuter puis à adapter à son contexte pédoclimatique. Le sorgho multicoupe repousse en quelques semaines suivant les conditions climatiques. Un passage de broyeur haut (10-15 cm) peut être souhaitable si beaucoup de tiges demeurent après le passage des chèvres. Au pâturage, il est conseillé de diviser la parcelle en paddocks. Mais il reste compliqué d’atteindre 100 % de la ration fourragère en sorgho car il est difficile d’atteindre les dix heures de pâturage à cause de la chaleur en été puis de la diminution de la durée du jour en automne.