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Jean-Marc Jancovici : quel scénario pour l’agriculture à 2050 préconise le Shift project ?

Le Think tank fondé par Jean-Marc Jancovici présente un premier rapport sur l’agriculture avec des scénarios pour décarboner le secteur d’ici à 2050. Un scénario, « plus réaliste », est mis en avant.

      Jean-Marc Jancovici fondateur du Think tank le Shift project intervenant lors des Controverses de l’agriculture organisées par le groupe Réussir en février 2024.
Jean-Marc Jancovici fondateur du Think tank le Shift project intervenant lors des Controverses de l’agriculture organisées par le groupe Réussir en février 2024.
© Augustin Cotreuil

Think tank de la décarbonation fondé par Jean-Marc Jancovici, le Shift project produit ce 28 novembre son premier rapport sur la transition climatique de l'agriculture à 2050. Un rapport sur l’alimentation sortira l’an prochain. 18 mois ont été nécessaires ainsi que la contribution de 300 personnes, enrichie par 6 mois de grande consultation des agriculteurs (qui a réuni plus de 7700 réponses). 

Lire aussi : « Produire plus propre et moins cher : une équation impossible pour les agriculteurs » selon Jean-Marc Jancovici

Quatre scénarios proposés pour l’agriculture, dont un « plus réaliste » dit de « conciliation »

A l’issue de ce travail, 4 scénarios sont proposés avec pour contrainte le respect des objectifs de décarbonation du secteur agricole tels que définis par la SNBC 2 à savoir atteindre 48 MtCO2 éq d’émissions directes pour le secteur à horizon 2050 (contre 74,2 en 2021-2022 dont 44 provenant de l’élevage).

Un chemin potentiel de décarbonation et de résilience pour le secteur agricole

Parmi ces 4 scénarios, le Shift project propose un « scénario de conciliation », « réaliste », présenté comme « un chemin potentiel de décarbonation et de résilience pour le secteur agricole », les 3 autres scénarios (pour « une meilleure autonome agricole et alimentaire nationale », « une meilleure indépendance énergétique nationale » et « contribution à la sécurité alimentaire mondiale ») ne parvenant pas à atteindre l’objectif de décarbonation et générant trop de vulnérabilités pour l’agriculture.

Lire aussi : The Shift Project de Jean-Marc Jancovici lance ses travaux pour une « agriculture résiliente, bas carbone et prospère »

Quelles hypothèses structurantes pour décarboner l’agriculture française ?

Pour ce scénario de conciliation, le Shift project propose d’ici à 2050 :

  • Une extensification des élevages, avec une préservation à 90% des prairies permanentes, un recul de 15% de la fermentation entérique pour les ruminants et une diminution des effectifs : de 20% pour la volaille et le porc (avec une décarbonation de l’alimentation animale), 30% pour les bovins laitiers, 25% pour les bovins viande (-1% du cheptel par an soit un recul moindre que la baisse effective) et 20% pour les ovins et caprins.
     
  • Un triplement des surfaces en légumineuses, en particulier en soja, combinée à une généralisation des couverts végétaux (surface multipliée par 8) et une augmentation des volumes de digestats de méthanisation pour réduire de 70% l’usage aux engrais minéraux.
     
  • Les semis directs sur 80% des surfaces, de l’agriculture bio sur 25% des surfaces
     
  • Une multiplication par 10 de l’agroforesterie en intraparcellaire
     
  • Une production des bioénergies multipliée par trois pour atteindre 65 TWh consommés par le secteur agricole et 160 TWh destinés aux autres secteurs d’activité.
     
  • Une baisse de la consommation d’énergie par les agriculteurs de 21% avec une meilleure efficacité énergétique et des changements systémiques dans les pratiques et une décarbonation des bâtiments et engins agricoles (avec l’électrification d’un tiers des tracteurs, un autre tiers utilisant du biogaz et le dernier tiers des biocarburants).

Lire aussi : Accélérer la transition agroécologique : que répondent les agriculteurs à Jean-Marc Jancovici ?

Lire aussi : SNBC 3 : comment l’agriculture peut réduire ses émissions de carbone de 10 Mt d’ici à 2030 selon le gouvernement ?

Des leviers à activer de façon coordonnée et anticipée

« Pour arriver à l’objectif fixé par la stratégie nationale bas carbone, il faut activer de façon coordonnée et ambitieuse tous les leviers », commente Laure Le Quéré, ingénieure experte agriculture du Shift Project, lors de la présentation du rapport ce matin à la presse. 

Le scénario privilégié par le Think Tank permettrait de surcroît de réduire les émissions indirectes de l’agriculture (7 Mt COé eq seraient économisés rien qu’avec la baisse du recours aux engrais minéraux).

« Le besoin d’anticipation est crucial », poursuit l’ingénieure qui souligne que la décarbonation du parc matériel prendra nécessairement du temps.

Lire aussi : Décarbonation : « L’agriculture est le secteur le plus complexe qu’on ait eu à regarder » reconnait Jean-Marc Jancovici qui en appelle aux agriculteurs

« Les agriculteurs sont prêts à agir », selon le Shift Project

« Les agriculteurs sont prêts à agir, il faut leur donner les moyens », commente l’équipe du Shift Project ayant travaillé sur le rapport. 80% des agriculteurs ayant répondu à la consultation se déclarent inquiets pour la viabilité de leur ferme, face notamment aux enjeux climatiques et seuls 7% répondent ne pas vouloir s’engager dans la transition.

En revanche « 87% posent une condition économique pour s’engager ou accélérer la transition » souligne Laure Le Quéré, ingénieure experte agriculture du Shift project.

Lire aussi : « Il va falloir démondialiser l’agriculture » selon Jean-Marc Jancovici

Appui nécessaire des territoires et politiques agricoles et économiques

Pour que son scénario se réalise, « il faut l’appui des échelons territoriaux et des politiques agricoles et économiques à l’échelle nationale et européenne », souligne Corentin Biardeau-Noyers, ingénieur projet Agriculture à The Shift project.

« Il va falloir sécuriser la rentabilité de la transition, assumer une hausse des coûts de production agricole, agir simultanément sur la demande et l’offre et privilégier les mesures incitatives », poursuit Céline Corpel, cheffe de projet agriculture au Shift project à mi-temps et agricultrice (dans l’Aisne sur une exploitation de grandes cultures, à un tiers bio avec de l’agroforesterie).

On ne pourra pas demander aux agriculteurs de produire moins, plus propre et pour moins cher. Peu de gens acceptent de se faire harakiri

« On ne pourra pas demander aux agriculteurs de produire moins, plus propre et pour moins cher. Peu de gens acceptent de se faire harakiri. La collectivité, si elle veut que les agriculteurs produisent de la viande en moins grande quantité, et fassent des efforts pour produire plus propre - ce qui impactera les rendements économiques -, elle devrait payer pour cela. Il y a deux manières : des services écosystémiques payés par les pouvoirs publics ; ou bien un cahier des charges qui passera par le prix au consommateur », explique quant à lui Jean-Marc Jancovici, interrogé par nos confrères d’Agra Presse.

Lire aussi : Entretien avec J-M. Jancovici : « Une agriculture sobre est organisée régionalement »

Les conclusions du rapport débattues par les syndicats agricoles

Le Shift project souligne avoir travaillé avec le secrétariat à la planification pour réaliser ce rapport dont les conclusions seront détaillées ce jeudi 28 novembre au soir suivies d’un débat modéré par Jean-Marc Jancovici en présence de Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, et Olivier Dauger, administrateur à la FNSEA. 

Lire aussi : Jean-Marc Jancovici : « il faut faire rerentrer de l’argent dans le secteur agricole »

Retrouvez la synthèse du rapport 

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