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ZNT : les chartes d'engagement, un outil de concertation qui doit encore faire ses preuves

Symbole de la défiance croissante à l’égard des phytos, les ZNT s’accompagnent de la mise en place des chartes d’engagements, censées recréer du dialogue sur les territoires.

Les chartes d'engagements accompagnant la mise en place des ZNT visent à recréer des liens et favoriser les échanges entre élus, agriculteurs et habitants. © C. Baudart
Les chartes d'engagements accompagnant la mise en place des ZNT visent à recréer des liens et favoriser les échanges entre élus, agriculteurs et habitants.
© C. Baudart

Les zones non traitées cristallisent les frictions entre le monde agricole et les riverains sur la question des pesticides. La contestation de l’usage des phytos est d’ailleurs à l’origine de cette réglementation. Cette dernière a en effet été mise en place par l’État français en réponse à une pression croissante pour protéger les occupants d’habitations situées en bordure de champ.

L’opposition aux phytos s’est durcie à partir de 2016. Face à des mesures nationales de protection qu’ils jugeaient insuffisantes, des maires ont interdit l’utilisation des pesticides à proximité des habitations, voire sur tout le territoire de leur commune. Le phénomène de contestation s’accélère en 2019. En quelques mois, une centaine de maires prennent des arrêtés prohibant l’épandage des phytos à moins de 150 mètres des habitations. Comme ceux de 2016, ces arrêtés seront annulés par la justice. Mais, en juin 2019, le Conseil d’État casse l’arrêté de 2017 encadrant l’usage des pesticides à l’échelle nationale. L’institution donne notamment raison aux associations qui attaquaient l’arrêté « en tant qu’il ne prévoit pas de dispositions destinées à protéger les riverains des zones traitées par des produits phytopharmaceutiques ». L’État a alors six mois pour revoir sa copie.

Stigmatisation des phytos

À la toute fin de décembre 2019, le gouvernement publie un arrêté et un décret qui instaurent les zones non traitées ainsi que les chartes d’engagements des utilisateurs de produits phytosanitaires. « La création des ZNT a stigmatisé un peu plus l’usage des produits phyto alors qu’il y a un encadrement très strict pour maîtriser les risques, estime Christian Durlin, vice-président de la commission environnement à la FNSEA. C’est pernicieux car le rapport avec le voisinage est très important pour les agriculteurs. Nous voulions donc une approche par le dialogue car, au-delà des confrontations médiatiques, il y a surtout une méconnaissance et de l’interrogation de la part de nos concitoyens sur l’usage de ces produits. » Selon le syndicaliste, favoriser ce dialogue est l’un des aspects essentiels des chartes. « Le débat va s’installer dans les territoires sur la question des phytos et sur les rapports entre riverains, élus et agriculteurs. On en a besoin, comme on l’a vu avec les arrêtés pris par des maires sans aucune concertation avec les agriculteurs. »

La phase d’élaboration des chartes n’a pourtant pas toujours donné lieu à des échanges constructifs. Certaines associations de protection de l’environnement ou de défense des consommateurs ont claqué la porte lors de la phase de consultation préalable à leur rédaction, jugeant ne pas être entendues, comme ce fut le cas dans les Pays de la Loire. Pour les partisans d’une réduction drastique de l’usage des phytos, les chartes se bornent à un rappel de la réglementation et des bonnes pratiques d’épandage, permettant en outre de réduire les distances des ZNT déjà jugées insuffisantes.

« Il n’est prévu aucun indicateur ou outil de suivi »

Plus modéré, Xavier Métay, coordinateur de France nature environnement Pays de la Loire considère que « les choses avancent », mais que ces chartes constituent une occasion ratée. « La méthodologie n’a pas permis de réaliser une vraie concertation avec les habitants car il n’y a pas eu de corédaction, regrette le responsable environnemental. La version finale n’a pas tenu compte des remarques émises par les associations de consommateurs et de protection de l’environnement. »

Xavier Métay déplore notamment le flou qui entoure le comité de suivi visant à faire le point au moins une fois par an sur la mise en œuvre de la charte. « Il n’est prévu aucun indicateur ou outil de suivi, alors de quoi parlera-t-on, s’interroge-t-il. Il faudrait créer un observatoire recensant au sein d’un même organisme tous les conflits liés aux phytos sur le territoire, qu’il s’agisse d’un agriculteur qui se fait barrer la route ou d’un riverain qui se fait menacer. »

Quel niveau d’information ?

La notion d’information des riverains a aussi fait l’objet de désaccords. Lors des concertations publiques est souvent remontée la demande d’informer les riverains quelques heures avant un traitement, par exemple par SMS, en précisant le type de produit utilisé. Cette suggestion n’a pas été retenue, officiellement en raison de difficultés techniques (la météo pouvant influencer au dernier moment la décision de traiter ou non). À la place, plusieurs départements ont opté pour la publication, sur le site web de la chambre d’agriculture, d’un calendrier cultural recensant les périodes des différentes interventions sur les cultures de la région. Un niveau d’information compatible avec les exigences réglementaires, mais qui ne satisfait pas de nombreuses associations.

Des chartes d’engagements, pour quoi faire ?

Élaborées à l’échelle départementale par les organisations agricoles, validées par le préfet après une phase de concertation publique, les chartes d’engagements des utilisateurs de produits phytosanitaires précisent les conditions dans lesquelles les distances des ZNT peuvent être abaissées, voire supprimées. Elles visent aussi à encadrer les modalités d’information des résidents, et à bâtir les conditions de dialogue entre les agriculteurs et les riverains. Début septembre 2020, seule une poignée de départements avait décidé de ne pas signer de charte d'engagements. Dans les autres secteurs, les chartes étaient signées ou en cours de validation par la préfecture.

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